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jeudi 17 février 2022

Autopsie du scénario de Poutine en Ukraine

 

AUTOPSIE DU SCÉNARIO DE POUTINE EN UKRAINE

Par Jacques BENILLOUCHE

copyright © Temps et Contretemps

            


          Poutine est un grand joueur de poker-menteur capable souvent de bluffer mais les Occidentaux n’ont toujours pas appris ses méthodes puisqu’ils croient toujours à sa propagande de guerre. A une journée d’une éventuelle invasion russe de l’Ukraine, les gens réfléchis ne croyaient pas à la guerre tant les risques encourus par la Russie dépassaient les intérêts stratégiques de Poutine qui excelle dans l’art de menacer, de faire peur et surtout de négocier. Malgré cette certitude, les Occidentaux ont fait le pied de grue en espérant calmer la situation tandis que Poutine jubilait tant les Grands de ce monde étaient à ses pieds.





Après Emmanuel Macron reçu avec une froideur toute soviétique et rentré bredouille après six heures de pourparlers, la ministre britannique des Affaires étrangères Liz Truss s’est aussi rendue à Moscou mais, peu au fait des affaires russes, elle a fait de la figuration au point que son homologue Sergueï Lavrov n’a pas mâché ses mots sur leur rencontre qui était «une conversation entre muets et sourds».

On a traité Joe Biden de sénile et d’incompétent mais il s’est montré à la hauteur de la menace russe en faisant entendre la voix des États-Unis. Seules les principales entreprises d'armement se frottaient les mains par avance car les tensions entre l'Ukraine et la Russie étaient une aubaine pour leurs affaires. En particulier Raytheon et Lockheed Martin attendaient sereinement de récolter les fruits de leurs investissements en comptant sur l'aggravation du conflit tout en restant pragmatiques : «nous voyons des opportunités de ventes internationales. Il suffit de regarder la semaine dernière où nous avons vu l'attaque de drones aux Émirats arabes unis, qui ont attaqué certaines de leurs autres installations. Et bien sûr, les tensions en Europe de l'Est, les tensions en mer de Chine méridionale, toutes ces choses mettent la pression sur certaines dépenses de défense là-bas. Nous nous attendons donc à ce que nous en tirions des avantages».



Les dizaines de milliers de soldats russes à la frontière de l’Ukraine ont fait illusion comme s’ils étaient à la parade tandis que des fuites étaient organisées en Occident sur la décision imminente de Poutine d’envahir l’Ukraine. Tout semblait une mise en scène, d’un côté comme de l’autre ; les Américains avaient transféré des dizaines d’avions de combat et de bombardiers dans les pays voisins tandis qu’en Biélorussie des chars russes de combat avaient pris position et qu’en mer Noire des navires de transport amphibies donnaient la certitude à l'OTAN que les préparatifs potentiels était le prélude à une attaque du nord et du sud. Des forces d'opérations spéciales britanniques entraînaient en urgence des milices ukrainiennes dans les arts du sabotage et de la contre-insurrection. Un peu plus de 100 forces spéciales britanniques, dont le SAS et le SBS, ont été rapatriées d'Afghanistan pour être déployées en Ukraine.

Entrainement des forces ukrainiennes


La panique était totale en Grande Bretagne si l’on se fonde sur la déclaration du premier ministre britannique Boris Johnson : «C'est probablement le moment le plus dangereux de la plus grande crise de sécurité à laquelle l'Europe ait été confrontée depuis des décennies». 

Pendant ce temps, Poutine laissait dire et faire au milieu de toutes les spéculations. Il savait qu’il allait monnayer fort le retrait de ses troupes de la frontière. L’adhésion de l’Ukraine à l’Otan ne sera pas annulée mais elle aura du plomb dans l’aile en trouvant une solution diplomatique acceptable par les parties. La menace du dirigeant russe a porté : «toute tentative de l'Ukraine d'adhérer à l'Otan déclencherait une guerre. Il n'y aura pas de gagnants. Et vous serez entraîné dans ce conflit contre votre volonté».

Poutine connait bien l’Histoire. En 1962, Kennedy avait promis la guerre si des missiles étaient installés aux portes des États-Unis, à Cuba. Les Soviétiques avaient alors renoncé. Le président russe estime donc dans son droit d’interdire que des armes de destruction soient pointées à ses frontières. Les États-Unis et l'OTAN déploient en effet des armes de haute technologie et entraînent les forces armées ukrainiennes, ce qui en fait un ennemi beaucoup plus capable militairement. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a d’ailleurs discrètement demandé de suspendre le battage médiatique car il n’était pas favorable à un conflit qui anéantira l'économie fragile de son pays. Son chef d’État-major ne croyait pas à une attaque car «la Russie n'a pas suffisamment de forces en place pour lancer une attaque de grande envergure. Nous voyons des entraînements, nous voyons des mouvements, mais nous ne voyons pas de préparatifs d'attaque directe ni de préparation de forces de frappe». Bluff peut-être mais il valait mieux ne pas s’y risquer.



Il semble en fait que Poutine ne cherche pas à envahir l’Ukraine. Il n’a fait que sonder les réactions occidentales et mesurer la solidarité à l’égard de l’Ukraine. Son objectif est de créer un couloir terrestre entre la Crimée qu’il vient d’annexer et les régions sécessionnistes soutenues par la Russie dans l'est de l'Ukraine. Mais il s’agira alors d’une entreprise de plus grande envergure. Il n’est pas certain que Poutine risque son avenir dans une opération majeure alors que, sans tirer un coup de feu, il va obtenir plus que prévu une fois que les Occidentaux seraient soulagés d’avoir évité la guerre. 

3 commentaires:

Georges Kabi a dit…

Je n'ai jamais cru a une invasion russe de l'Ukraine. D'abord parce qu'il y a une treslongue tradition de liens entre ces deux pays. Je vois cela plutot comme une tentative de Poutine de faire avaliser par le mondequ'elle ne paiera pas pour la location des terrains utilises par le gazoduc qui peret a l'Europe occidentale de completer son manque energetique. l'Ukraine demande le paiement des loyers que la Russie n'a jamais lache le moindre kopeck.
Et puis Poutine en menacant l'Ukraine cree un geste fort vers les pays baltes et les anciens membres du Comecon.

Marianne ARNAUD a dit…

Cher monsieur Benillouche,



Et pour ceux de vos lecteurs qui se poseraient encore des questions après votre brillante autopsie, ils pourraient trouver ici quelques réponses supplémentaires :



https://www.donbass-insider.com/fr/2022/02/16/hysterie-grandissante-des-medias-occidentaux-sur-linvasion-de-lukraine-par-la-russie-qui-ne-vient-toujours-pas/



Très cordialement.

V. Jabeau a dit…

Maintenant que Poutine fait la guerre, et a même menacé les pays occidentaux de l’arme nucléaire, l’hystérie de Johnson semble justifiée.
Les cartes sont rebattues. Quelques conclusions s’imposent.
1/ les Allemands ont anesthésié l’Europe : depuis plus de 30 ans, le pacifisme, l’écologie politique et la volonté de domination de l’Europe allemands ont donné aux Russes des moyens de pression : l’arrêt du nucléaire civil en Allemagne, nécessaire aux réélections successives de Mme Merkel avec l’appui des Verts, a drogué l’Allemagne au gaz russe. L’Allemagne n’a jamais été généreuse avec les pays d’Europe du Sud, pour protéger sa richesse matérielle et sa domination économique. Aujourd’hui, cette dépendance à son confort fait d’elle le maillon faible qui s’oppose aux sanctions. Et sa production d’électricité est bien plus polluante qu’en France par exemple. Elle est le contraire de la vertu en politique. C’est une constante dans sa politique depuis 200 ans.
2/ la Chine, alliée de la Russie pour s’opposer aux Occidentaux, et pourvoyeuse de nombreux biens y compris des médicaments pour le monde entier, va suivre l’exemple de Poutine à Taïwan. Elle va aussi décider rapidement beaucoup de choses pour nous sous peine de couper des robinets de biens de consommation.
3/ l’Europe n’existe pas, l’OTAN à peine plus, seuls les Américains sont un rempart du monde libre. Ils sont imparfaits, mais c’est eux que nous avons. Macron est boursouflé, imbu, mais aucun autre candidat n’est crédible, en tout cas pas les extrémistes ni les écologistes dont on voit bien les désastres géopolitiques qu’ils sont capables d’amener. Et chacun se fera humilier par Poutine comme Macron l’est quasi quotidiennement en ce moment.

Je ne suis absolument pas pro-Macron. Mais on voit bien combien La politique étrangère n’est pas indépendante de la politique intérieure. Elle conditionne la politique intérieure dans notre monde actuel.
Songeons-y sérieusement avant de voter, et quel état de démocratie et de liberté nous voulons.

Remarquons pour finir qu’Israël a choisi en s’alignant sur les USA. Et c’est le meilleur choix.