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mardi 8 février 2022

Il faut sauver les soldats isolés, le Hayal Boded

 


IL FAUT SAUVER LES SOLDATS ISOLÉS, LE HAYAL BODED


Par Jacques BENILLOUCHE

copyright © Temps et Contretemps

Hayal Boded Shmuel Amoyal 

          

          Ils sont nombreux, ces jeunes Juifs francophones qui quittent la France pour s’engager dans les forces de Tsahal alors que rien ne les y oblige. Ils abandonnent leurs parents, leurs études et leurs amis pour partager le quotidien israélien de la guerre avec son lot de larmes, de sang et de désespoir. Avant de se lancer dans la bataille, ils avaient déjà entendu les énumérations insoutenables des noms des soldats morts au combat et pourtant ils n’ont pas été découragés.



Michael Levin

          Leur conviction reste entière parce qu’ils savent que le peuple juif contesté est toujours en danger de mort. Ils sont venus par solidarité avec les jeunes Israéliens pour défendre le peuple juif. Le «khayal boded», militaire volontaire engagé et isolé, vivant en Israël sans sa famille, est une denrée précieuse car il personnifie le don de soi pour la patrie.

Les jeunes de France n’ont jamais caché la fougue qui les poussait à manifester dans les rues de Paris en arborant le drapeau israélien. Et parmi eux, quelques jeunes, qualifiés «d’excités», ont choisi de s’engager à défendre Israël alors qu’ils ne savaient même pas manier un couteau de scout. En fait, ils voulaient être sur place, en Israël, parce qu’ils avaient décidé de mettre leurs convictions en accord avec leurs actes. Ils ne concevaient plus leur vie, à l'abri en Diaspora, car leur idéal vibrait, ailleurs, dans le pays où ils voulaient vivre leur sionisme avec leurs tripes.

Yohan Habib avec ses téfillins


Alors, fuyant le confort douillet de leur vie familiale, ils avaient décidé de quitter la France, les Etats-Unis, l’Australie ou l’Ukraine pour porter l’habit militaire sans chercher à faire de la figuration, ni à s’octroyer la première page des journaux «people». Ils voulaient se battre réellement, régler un compte avec leur conscience, et de préférence dans les unités d’élites. Ils voulaient faire les dizaines de kilomètres quotidiens avec leur barda de 60 kg sur le dos, sans oublier parfois de glisser dans la poche leurs tefillins, les lanières de prière.

          Ils voulaient se poster en embuscade des nuits durant, tapis derrière un buisson, pour intercepter les terroristes cherchant à s’infiltrer en drainant avec eux la haine, la violence et la mort. Ils voulaient faire partie des commandos des régiments Golani ou Guivati pour prouver que les Juifs de Diaspora ne sont pas des bras cassés. Ils réconfortaient leurs mères au tempérament trop juif en leur faisant croire qu’ils se doraient la pilule, au soleil, entourés de filles dans une base du centre du pays, alors qu’en réalité ils crapahutaient dans les collines du Liban face au Hezbollah.

          Ce fut aussi le cas de Michael Levin, américain d’origine, qui a parcouru des milliers de kilomètres depuis la Pennsylvanie pour rejoindre ses frères d’armes envoyés sur le front nord pour mener la Seconde Guerre du Liban en 2006. Après avoir fait son Alyah depuis Philadelphie en 2002, Michael Levin a fièrement rejoint l’armée israélienne en tant que soldat isolé. «Il savait depuis très jeune ce qu’il voulait faire», raconte Harriet Levin, la mère de Michael. «Il savait qu’il voulait venir en Israël, et qu’il voulait rejoindre les rangs de l’armée».

          Alors qu’il était en vacances aux États-Unis, Michael a préféré écourter son voyage pour rejoindre son unité en Israël. Dès son arrivée, il est entré au Liban. Après avoir infiltré le village d’Aïta al-Shaab, les soldats ont été confrontés à un échange de tirs. Alors qu’ils prenaient part à cet échange intense, le sergent Michael et deux autres soldats sont tombés au combat. Il était âgé de seulement 21 ans quand il est mort.



Ils ont joué tous les jours à cache-cache avec cette Dame de l’Aube qui leur tendait les bras et qui, d’ordinaire vêtue de sa robe de bure noire et tenant sa faux à la main, les encourageait à venir l’étreindre dans le piège de son baiser. Et pourtant une nuit, chaude comme toutes les nuits des mois d’été, en août 2006 précisément, elle s’était faite toute belle, parée de blanc à l’image d’une belle entreprenante au visage envoûtant. C’est aussi le cas de Yohan Zerbib qui avec Michael Levin pouvaient difficilement ne pas être subjugués par son apparition insolente, eux, des garçons seuls, privés de la tendresse de leurs parents, dans une solitude volontairement acceptée et loin des bras protecteurs de leur mère.

Puis un jour, à force de les poursuivre, la belle de l’Aube les a captivés de son regard, leur a insufflé son désir de les étreindre, les a enlacés pour les amener à se compromettre à ses côtés, allongée dans un lit de chêne, à l’abri des regards, dans le carré militaire où ils reposent aujourd'hui. Et quand le piège s’est refermé, on imagine le dernier cri destiné à leur mère, la dernière pensée, le dernier souhait, la dernière volonté et le dernier souffle. On imagine aussi la visite de l’Attaché militaire israélien venu à Montrouge et le consul en Philadelphie, au cours de la nuit, sonner à la porte de parents restés dignes devant le malheur car Yohan Zerbib et Michael Levin avaient choisi leur voie en toute conscience et en toute liberté.

Ils n’étaient pas sûrs de leur destin, contrairement aux kamikazes illuminés djihadistes dont l’issue restait tracée et irrévocable. Eux se battaient pour la vie, pour que leur pays résiste et se développe, pour que l’horreur s’arrête et pour que les Juifs du monde soient fiers de ce «petit pays de merde», comme l’avait qualifié Daniel Bernard, ambassadeur de France à Londres, dans une gaffe diplomatique volontairement assumée.

Mais Johan et Michael n’avaient jamais songé un seul instant à punir leur mère ; ils n’avaient jamais songé à ouvrir intentionnellement une plaie qui restera éternellement béante tant ils se croyaient invulnérables. Ces jeunes à la conviction profonde, frisant parfois l’inconscience, excitent notre fierté et nous montrent que le bien-être de la communauté passe par le sacrifice de soi. Mais la punition est trop injuste pour ceux qui les ont mis au monde et à défaut de maudire le Ciel, parce que Yohan était croyant et pratiquant, il leur restera toujours la solution de tancer vertement la Dame de l’Aube, venue cette fois encore, trop tôt à leur gré, s’inviter alors qu’elle n’était pas attendue.

Ces exemples parmi tant d’autres sont significatifs et ils se renouvellent souvent, malheureusement. Le jeune soldat Samuel Amoyal, Hayal Boded d’origine française, qui servait dans l’unité de Givati, est décédé le 31 janvier 2022. Originaire de Saint-Brice, ancien élève de l’ORT Villiers le Bel et de la Yeshiva Eikhal Eliahou du Rav Botschko, il avait fait son alyah seul. Il s’agit d’une terrible épreuve pour ses parents qui, bien sûr, n’ont pas mérité cette punition.

Maison du soldat Kyriat Shemona


Les soldats isolés ne sont pas abandonnés mais on ne peut pas remplacer la chaleur familiale. Ils bénéficient de conditions financières et matérielles d’exception. Une allocation mensuelle est versée en plus du chèque de paie militaire. Des primes sont données aux combattants, Ils reçoivent des cartes-cadeaux des fêtes deux fois par an (à Rosh Hashana et à Pessah). Une fois par an, Tsahal finance un billet d’avion pour la visite des parents restés à l’étranger. Ils sont logés et nourris gratuitement dans des hôtels militaires à l’instar du bet Hachirion de Ramât Gan ou bet Hayal (maisons pour soldats) de Kiryat Chemona mis en place par l’association dirigée par Gil Taïeb.

Mais sous des dehors de gros bras des commandos d'élite, ces soldats sont souvent fragiles. Certains vivent mal leur solitude en se retrouvant seuls, le shabbat, après avoir crapahuté toute la semaine. La famille manque et ne se remplace pas. Alors si le soldat seul ne souffre d’aucun besoin matériel, on ne peut pas l’empêcher d’avoir des soirées tristes dans la solitude d’une chambre vide. C’est peut-être dans ce domaine que les familles israéliennes pourraient faire plus pour aider le Hayal Boded.  

6 commentaires:

bliahphilippe a dit…

Merci pour cet article.Il est bon de rappeller l'existence d'une jeunesse idéaliste et courageuse qui vit l'expérience de "hayal boded" (soldat solitaire) souvent dans des conditions difficiles.
Il existe cependant des associations trés efficaces qui s'occupent de ces soldats.
Ceux-ci sont trés majoritairement-pour ne pas dire plus- invités dans ds familles le shabbat.
Ils nouent évidemment ds liens d'amitié avec des soldats de leur unité et souvent avec des familles et leurs enfants lorsque l'age le permet.
Nombre de familles franco-israéliennes et d'autres double nationalités en gardent un excellent souvenir.
Malheureusement il arrive que des hayal boded disparaissent du fait de la "grande faucheuse"dans le cadre de la guerre incessante subie en Israel.
Je ne sais de quelle véritable consolation on puisse parler, mais à en juger par les milliers de personnes qui accompagnent leur enterrement ceux-ci ne sont pas seuls.
Les israéliens restent solidaires dans les moments difficiles et nous pouvons en témoigner pour avoir été malheureusement à trop d'enterrements .
Les parents venus en catastrophe en Israel sont pris en charge par l'Etat d'Israel jusqu'à la fin de la période de deuil.

Arie WOLFF a dit…

Combien je comprends.
J'ai été moi-même hayal boded de 1964 a 1967.
Incorporé à 17 ans.
Les conditions financières et sociales alors étaient quasi inexistantes.
J'avais juste le droit lors de mes rares permissions d'aller au Katzin ha ir, pour espérer peut être trouver un lit ou dormir.
Je me souviens des hagim et des shabatot où je restais seul dans ma base n'ayant nulle part où aller.
Oui c'était très dur.
Et la discipline de l'époque pendant 6 mois de tironout terrible.
Mais au soir de ma vie, ces années étaient les plus belles.
Des copains, une fraternité formidable, et des principes acquis pour toujours.

Georges Kabi a dit…

Bravo Jacques! Tres bel article. J'ai ete incorpore, seul, mais des ma premiere permission, j'ai ete salue par les citoyens de la ville ou je vivais. Et le samedi soir, au centre commercial rudimentaire, je m'assis dans un restaurant, commandait un repas, et quand je le terminais, je voulu regler l'addition. Et le patron a refuse de prendre mon argent et m'a dit: pour un soldat nouvel immigrant, je ne prends d'argent. J'ai ete tres emu, mais je savais que je n'etais plus seul.

Jean CHEMLA a dit…

Très beau texte, bien écrit et très touchant.
""Sauver" ces soldats isolés n'est malheureusement pas en notre pouvoir, par contre ils méritent tout notre soutien, notre admiration et notre reconnaissance.

Dorah a dit…

Que peut-on faire pour ces jeunes à partir de la France ? Autrefois, nous étions des "marraines de guerre"....est-ce encore possible au travers d'une association....

Alex Ifergan a dit…

Bonjour Dorah,
Ces soldats qui ont quittés famille et amis pour donner à Tsahal leurs plus belles années meritent en effet tout notre soutien.
Il existe en Israel 3-4 associations, l'une d'elle est la bayit de Benji, qui se situe a Raanana et offre a 85 soldats seuls un appartement privatif pendant toute la durée de leur service, nourris / logés / blanchis, +300 volontaires (dont je fais parti) aident a differents niveaux pour assurer à ces soldats une ambiance aussi sereine possible durant leur permissions.

Video presentant quelques uns des soldats https://youtu.be/MDNjy5Ey_zU

Ils sont "adossés" a la fondation France Israel qui leur permet de delivrer des cerfas en france.

https://www.fondationfranceisrael.org/partenaires

Site web de l'association qui pilote la maison: https://benjihillman.org/the_home.html

Voici mes coordonnées si vous souhaitez plus d'informations:
Iferganalex@gmail.com
01-86-98-26-70

Am israel hay