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jeudi 10 février 2022

En Israël, le paradoxe de l'envolée des prix

 

EN ISRAËL, LE PARADOXE DE L’ENVOLÉE DES PRIX

Par Jacques BENILLOUCHE

copyright © Temps et Contretemps

Costco, grande chaine américaine


On attendait rapidement des mesures fortes de la part du nouveau gouvernement mais elles tardent à venir alors que le nombre de pauvres est en croissance permanente. La conférence de presse d’Avigdor Lieberman du 31 janvier a laissé les journalistes sur leur faim, augmentant ainsi le sentiment de colère des citoyens qui jugent impuissants les dirigeants israéliens sur le coût de la vie. Pourtant il existe des mesures simples pour mettre au pas les monopoles alimentaires qui ne cessent d’accumuler des profits, surtout en période de Covid. Il faut simplement ouvrir le marché international pour créer un choc sur le marché intérieur. Cette décision peut être prise par le gouvernement, légalement, sans passer devant la Knesset.


Marché Poncelet


Autoriser par exemple Costco à s’installer en Israël ferait baisser automatiquement les prix d’au moins 20% car le concept de cette société américaine est bien rodé. Elle a réduit tous ses coûts en ayant peu de frais de publicité, en vendant des grandes marques pour bénéficier de leur publicité, en achetant les produits directement auprès des fabricants pour éliminer les réseaux de distribution coûteux et en réduisant les coûts de stockage par une rotation rapide des stocks. Il n’est en effet pas normal que les prix dans une grande surface israélienne soit de 20 à 30% supérieurs à ceux de France, à marque et à qualité égales. Ceux qui visitent Paris peuvent avoir un choc en se promenant dans le quartier chic du 17ème de Paris, le marché Poncelet, en constatant les prix bas de toutes les denrées et l’on ne parle pas des quartiers populaires de Belleville ou Barbès où l’écart est encore plus flagrant.



Malgré cela, l’indécence est portée à son paroxysme quand l'une après l'autre, les grandes entreprises alimentaires décident d’augmenter jusqu'à 15% les prix des produits populaires tels que les pâtes et les sauces parallèlement à l’augmentation de 5% du prix des carburants et de l’électricité. La population s’est mobilisée en réagissant en boycottant certains fournisseurs, comme le fabricant Osem, qui présentent une forte différence entre leurs prix et ceux des pâtes fabriquées par des marques concurrentes.

Oded Forer


En effet les pâtes fabriquées par Osem, qui se vendaient à 5,90 shekels, ont été augmentées à 6,90 alors que d’autres concurrents vendent des pâtes similaires à 2,50 shekels. Les produits les plus élémentaires d'Osem sont affichés à plus du double de leur valeur réelle. Cette situation a poussé le ministre de l'Agriculture Oded Forer (Israël Beitenou) à pousser une grand cri : «J'appelle sans équivoque les consommateurs à boycotter ceux qui profitent de cette situation pour augmenter les prix. Les chaînes de commercialisation et les entreprises alimentaires ont fait une grande fête ici au cours des deux dernières années sur le dos des citoyens israéliens, qui ont acheté beaucoup de produits pendant la pandémie de Covid-19». Les pâtes ne sont pas un produit de luxe, il s’agit d’un article de base que peuvent se payer les classes défavorisées.

On attend les mesures préconisées par Avigdor Lieberman pour contrer les monopoles. Dans sa conférence il s’est borné à vanter les forces de l'économie israélienne. Il a défendu la forte augmentation du coût de la vie en estimant que «les Israéliens ont la vie facile, connaissant la hausse des prix la plus légère au monde». Mais on reste encore dans les incantations quand Lapid se montre aussi dur avec les grandes chaînes de distribution : «Ils vont très bien, et ils doivent savoir que nous n'hésiterons pas à agir contre eux. Il y a une différence entre les hausses de prix – et les prix excessifs et les comportements monopolistiques éhontés». Mais la population attend qu’il «agisse contre eux». Le gouvernement doit briser l'exclusivité d'importation imposée par les monopoles et permettre les marchés parallèles.



Il est vrai qu’il existe un paradoxe dans l’économie israélienne qui reflète une bonne santé. En effet, la reprise du marché du travail se poursuit, le taux de chômage est des plus faibles, la haute technologie rapporte des millions de dollars à Israël, et la Bourse se porte bien, en revanche deux millions de citoyens souffrent de la hausse des prix et ont du mal à boucler leur fin de mois. Actuellement, 27.6% de la population israélienne est décrite comme pauvre, dont plus d'un million d'enfants. Selon des rapports officiels, 633.000 familles (21.8%) souffrent d'insécurité alimentaire contre 513.000 il y a deux ans. Gilles Darmon, qui préside la banque alimentaire Latet en Israël, est le mieux placé pour analyser et mesurer le rapport des politiques à la lutte contre la pauvreté.

Bien sûr, les causes ne sont pas dues au nouveau régime qui se défend en prétendant qu’il subit les conséquences du gaspillage de l’argent par Netanyahou, lequel par ailleurs n’a pas respecté son engagement de baisser les impôts. Mais la population n’oublie pas les promesses économiques, parfois populistes, de Yaïr Lapid qui, pendant sa campagne électorale, avait fustigé la corruption parmi les élites politiques du pays avec un slogan de campagne fracassant «où est l’argent». Et pourtant, le gouvernement hésite à prendre des mesures coercitives immédiates de crainte de se couper des grands trusts. Avigdor Lieberman les menace en vain alors qu’il donnait l’impression de vouloir taper sur la table : «les grandes chaines alimentaires doivent savoir que nous n'hésiterons pas à agir contre eux. Il y a une différence entre les hausses de prix, et les prix excessifs et les comportements monopolistiques éhontés». La seule solution est l’ouverture du marché car aucune grande chaine ne pourrait résister à une véritable concurrence.



Devant cette politique d’atermoiement, Netanyahou jubile car il en profite pour conduire une campagne contre le «gouvernement Bennett-Lapid» en utilisant sa technique préférée de communication, la vidéo dans laquelle il excelle : «Ils augmentent les taxes sur les produits de base, sur le gaz, l'électricité, l'eau. Bientôt, ils augmenteront les taxes sur l'oxygène que nous respirons. Cela ne les dérange pas du tout. Mais vous savez à quel point cela dérange les citoyens israéliens. Bientôt, nous les retirerons du chemin». Bien sûr il s’agit d’incantation car la coalition résiste à la rupture sous peine d'être renvoyée dans l'opposition pendant de longues années, mais le temps presse pour un gouvernement qui est déjà au pouvoir depuis sept mois sans qu'une lumière s'éclaire. Les Israéliens veulent connaître la planification des réformes mais ne demandent pas des résultats immédiats sachant que certaines mesures mettent d’une part un certain temps à être appliquées par les administrations et d’autre part, un certain temps à produire des effets. Le cas du logement est un exemple en la matière. Rien n’est encore mis en place pour réduire les coûts des constructions ou pour développer des logements sociaux sur des terres domaniales. Or, chaque jour, le gouvernement perd de sa crédibilité, même parmi ses partisans car il n’annonce pas ses plans pour le futur ni ses projets concrets. Il agit au coup par coup comme lorsqu’il reporte la hausse de 9% dans les transports. Un ministère du Plan manque dans le pays du hightech.

Les Israéliens exigent à présent des mesures concrètes et des changements après la dure période de deux années de Covid. Certes le gouvernement est uni et travaille dans le silence des ministères mais à présent il est temps pour lui de concrétiser et de tracer la voie vers laquelle il se dirige pour réaliser la petite révolution qu’il a promise. La population a déjà signé des chèques en blanc mais elle constate avec lassitude la stagnation de la situation. Il semble que les aspects sécuritaires prennent trop le pas sur les aspects sociaux négligés depuis une décennie. On se focalise sur quelques implantations sauvages en Cisjordanie en abandonnant les vrais questions d'Israël. À poursuivre cette politique stagnante, le gouvernement prépare, en grands pompes, le retour du Likoud au pouvoir.

MISE À JOUR DU 7 FÉVRIER 2022

Le gouvernement vient de réagir. Le ministre des Finances Avigdor Lieberman a décidé de nouvelles mesures visant à lutter contre la flambée des prix des biens de consommation, en mettant l'accent sur la nourriture, l'essence et l'électricité.

Les nouvelles mesures comprennent des réductions prévues de la taxe sur l'essence et des réductions importantes des taxes à l'importation sur la viande, les fruits, les légumes et les produits laitiers.


2 commentaires:

VICTOR a dit…

C’est le gouvernement israélien qui est responsable, en Europe la tva sur l’alimentation ne dépasse pas 5 pour cent et chez nous 17 pour cent. Toute chaîne internationale qui voudrait venir en Israël se mettra au pas. Qui augmente l’électricité,?qui augmente l’essence?qui augmente les taxes d’habitation?le vrai responsable c’est qui?

Unknown a dit…

En Israël même protester est un luxe lorsqu on travail 6 jours sur 7.. et malgré ça nous nous endetons mois après mois.. vivement la fin de tt ses rechaim