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lundi 21 février 2022

Elections libanaises, risques et opportunités pour Israël par Francis MORITZ

 

ÉLECTIONS LIBANAISES, RISQUES ET OPPORTUNITES POUR ISRAËL

Par Francis MORITZ 

 

Liban Elections


Jusqu’à maintenant le Hezbollah qui s’est auto proclamé ultime rempart contre Israël, contrôle le pays. Les élections programmées pour mai représentent le prochain défi majeur pour l’Iran et son affidé terroriste qui dispose de la majorité parlementaire grâce à la complicité du président Aoun, de son gendre Basil Gibran et de la milice Amal de Nabi Berri. Rejeté par une très grande majorité des citoyens, y compris même au sein de la communauté chiite qui n'est plus inconditionnelle, le Hezbollah pourrait perdre la majorité.

Les émeutes de 2019 visaient trois personnalités mêlées à des affaires de corruptions de notoriété publique, Nabi Berri, Basil Gibran qui avait aussi bloqué la formation d’un nouveau gouvernement et Riad Salamé, gouverneur de la banque centrale. Les Libanais ont vécu dans leur chair les manipulations de l’organisation terroriste qui met uniquement en avant ses intérêts en bloquant le fonctionnement des institutions. En 2005, Gibran bénéficiait d’un soutien à hauteur de 70% du parti chrétien FMP, qui est tombé à 13%. C’est un écueil de plus pour l’organisation.




Le Hezbollah ne peut plus seul faire face à la situation économique et sociale dont il est largement responsable et est en position délicate, si les partis politiques et les oppositions plus largement, ont suffisamment de lucidité et de sens de l’Etat pour faire table rase de leurs différences pour reprendre le contrôle du pays.  On cite fréquemment le nom du chef des forces Phalangistes Kataëb, Samy Gemayel.

Samy Gemayel

Le Hezbollah est confronté à un basculement possible, mais il a démontré sa très grande duplicité en 2019 en encourageant les manifestations y compris dans la communauté chiite contre son allié de toujours Nabi Berri, pour s’en dissocier, au moins de façade. Ce qui aura une suite et entrainera une partie des chiites à ne plus voter pour la majorité. Dans le même temps, l’exode des jeunes libanais a doublé depuis la dernière élection. Essentiellement chrétiens, les plus de 245.000 exilés déjà inscrits sur la liste électorale, qui étaient moins de 100.000 en 2018, ne voteront pas pour reconduire la majorité actuelle.

Les milices alliées de l’Iran ont été battues dans les dernières élections en Irak. Téhéran et Nasrallah redoutent un nouvel échec. Ils sont donc à la recherche de plusieurs scénarios pour éviter cette éventualité. Un report des élections, permettrait au Hezbollah de choisir le nouveau président ou d’attendre que les difficultés soient moins flagrantes et que l’opinion publique se calme. En 2013 une première prolongation du parlement de 2 ans, a eu lieu, puis en 2014 à nouveau 2 ans. L’organisation pourrait invoquer divers motifs, notamment sécuritaires, pour repousser mai aux calendes perses et dans cette configuration une étincelle suffirait pour déclencher de nouveaux affrontements.

Opérateur drone Hezbollah

       L’envoi récent de drones vers Israël s’inscrit dans ce procédé et peut provoquer cette étincelle qui entrainerait irrésistiblement les deux parties vers un nouveau conflit qui serait suffisant pour reporter les élections et permettre au groupe de rester en place. Cette éventualité implique que l’Etat hébreu fasse preuve d’une grande retenue et d’un discernement aigu pour ne pas se laisser entrainer dans un affrontement qui permettrait le statu quo et le renforcement de la milice voire la préparation d’une offensive liée à une levée des sanctions contre l’Iran. 

Les États-Unis, plusieurs gouvernements européens et de nombreux autres acteurs internationaux soutiennent fermement la tenue des élections à temps, et cette pression pourrait rendre difficile le report du vote, bien que dans le passé ces pressions soient restées sans effet. 

Une autre option est la paralysie, Même en cas d’échec, le groupe terroriste pourrait encore bloquer la formation d’un gouvernement pendant des mois, sinon des années. Comme la démonstration a été faite précédemment, sans qu’aucune grande puissance dont la France n’ait pu changer quoi que ce soit, malgré des déclarations martiales. On se souvient des visites du président français, restées sans aucune suite.

Visite de Macron au Liban


Fort de son expérience en coercition le Hezbollah peut recourir à la menace ou à l'usage de la force si les votes ne se déroulent pas dans son sens et obliger un nouveau gouvernement à faire des compromis sur tous les plans. Le Hezbollah a déjà utilisé ses moyens armés. Après avoir perdu les élections de 2005 au profit de la coalition du 14 mars, le groupe a eu recouru à la violence et a fait tomber le gouvernement, non sans avoir également assassiner de ses membres, le groupe a bloqué le gouvernement pendant des mois et a finalement ordonné à ses troupes de provoquer des combats de rue à Beyrouth en mai 2008. Cette escalade a forcé les opposants à accepter l'accord de Doha, qui a dépouillé la coalition du 14 mars de sa majorité et a formé à sa place un gouvernement «d'union nationale». Lors d'un incident survenu en février 2011, le groupe a forcé le gouvernement à démissionner et a installé Najib Mikati à la tête d'un nouveau gouvernement d'union nationale.

Malheureusement, rien n'empêche le Hezbollah d'utiliser à nouveau ces procédés s'il perdait. Un tel scénario est encore plus plausible après les affrontements d'octobre dernier à Tayouneh. Les enquêtes du gouvernement sur cet incident n'ont abouti à aucune responsabilité jusqu'à présent, et les responsables du Hezbollah continuent de proférer des menaces voilées. 

Deux nouveaux événements peuvent impacter la suite à l’avantage d’Israël ou à son détriment. Les pourparlers du nucléaire de Vienne semblent s’acheminer vers un compromis qu’Israël sera contraint d’accepter. Ce qui sous-entend une levée des sanctions américaines et une reprise plus généreuse de l’aide de Téhéran et donc des moyens accrus en vue des élections et un arrosage plus important de sa clientèle électorale. Il se peut aussi que l’accord prévoit un ralentissement de l’aide iranienne au Hezbollah. Ce qui reste à vérifier.

Les accords d’Abraham représentent l’autre événement majeur de la période. Les Libanais ont découvert que leurs frères arabes et musulmans, sunnites pour la plupart, ont passé des accords avec leur grand voisin Israël et que l’ennemi d’hier est devenu le partenaire d’aujourd’hui et peut-être l’allié d’après-demain. On sait à quel point les monarchies sont hostiles au groupe terroriste et ne le financeront pas.

Même les chrétiens et une fraction des musulmans, antérieurement anti-israéliens constatent que leur pays n’a pas fait le bon choix. Ce qui crée un motif supplémentaire de battre le Hezbollah. Les élections pourraient permettre une victoire symbolique pour le mouvement de protestation si le Hezbollah est privé de sa majorité parlementaire. Le groupe fera tout pour conserver les vingt-sept sièges attribués à la communauté chiite dans le cadre du système confessionnel libanais – Depuis 2019 il empêche les candidats chiites de l'opposition de se présenter à ces sièges. Le Hezbollah mettra aussi tout en oeuvrer pour aider la faction chrétienne de B. Gebran à maintenir une présence importante au parlement et à exploiter le départ de Saad Hariri de la scène politique en tentant de faire une OPA sur la communauté sunnite. En revanche, une forte abstention jouerait en faveur du Hezbollah et de ses alliés.

Selon ce qui se passera en mai, le Liban pourrait être le prochain pays de la région à signer la paix avec Jérusalem alors qu’officiellement les deux pays n’ont signé qu’un armistice le 23 mars 1949 et restent virtuellement en guerre depuis.

 

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