LES KURDES ET L'OPPOSITION
SYRIENNE DEMANDENT LE SOUTIEN DE LA FRANCE
Par Jacques BENILLOUCHE
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Pour comprendre l’évolution du
conflit syrien, il faut analyser les quatre principales forces sur le terrain.
Aux deux acteurs initiaux du conflit que sont le régime de Bachar El-Assad et
l’opposition syrienne, se sont ajoutés Daesh et les forces kurdes. Les forces loyalistes de Bachar El-Assad
sont composées de l’armée régulière, des milices et d’autres mercenaires
étrangers. Elles ne contrôlent plus qu’un tiers du territoire syrien, l’ouest
du pays, depuis Damas jusqu’à Lattaquié, comprenant toute la zone côtière et
les villes de Homs, Hama et une moitié d’Alep.
Les services de l’État
continuent de fonctionner normalement dans cette zone où la population est
épargnée par les bombardements puisque les forces d’opposition n’ont pas de
moyens aériens. Les troupes favorables au régime disposent d’une suprématie
décisive grâce aux hélicoptères qui larguent des barils explosifs sur les zones
rebelles et les civils. Assad s’est confronté à Daesh tardivement une fois que
le travail a été fait par les Kurdes.
ASL |
L’opposition qui s’appelait au
début Armée syrienne libre (ASL), n’a jamais réussi à se constituer en
une force coordonnée parce qu’elle est composée de brigades civiles locales qui
dépendent de l’aide financière et matérielle extérieure. Mais cette opposition a
été progressivement gangrenée par les islamistes car les pays du Golfe ont
largement contribué à cette islamisation. Ces brigades, formées sans conviction
politique, n’ont eu qu’un intérêt financier.
Disposant de peu de moyens car l’aide
occidentale lui a fait défaut, l’ASL a subi une hémorragie de ses combattants
qui ont rejoint les brigades islamistes mieux armées et plus riches. Elle a
contrôlé une grande partie du pays jusqu’en 2014, mais n’a cessé de reculer surtout
depuis l’intervention russe de 2015. Après la perte de la moitié d’Alep en 2016,
elle est présente dans la région d’Idlib au nord-ouest, le long de la frontière
avec la Turquie. Elle contrôle certaines
parties dans la périphérie de Damas, de Hama, de Lattaquié et de Deraa qui sont bombardées par l’aviation russe,
poussant la population à fuir.
Alep détruite |
L’État islamique ou Daesh est apparu
à partir du printemps 2013. Cette formation djihadiste est composée à 80% d’extrémistes
non syriens venus du monde entier. Sa stratégie diffère de l’opposition
syrienne puisqu’elle a proclamé en juin 2014 un «Califat» sur une
grande partie du territoire syrien et irakien. Elle s’est imposée par la force
et la terreur, notamment à Raqqa, sa capitale syrienne, soumettant la
population locale à sa loi et à ses atrocités. Attaquée depuis l’été 2014, par
les raids aériens d’une coalition internationale menée par les Etats-Unis, puis
par les aviations russe, française, britannique, la formation djihadiste a été en
partie neutralisée. Elle a donc déplacé ses éléments à travers le monde pour
participer à des actions terroristes sanglantes et spectaculaires.
Kurdes PYD |
Les forces kurdes syriennes,
contrôlent la zone nord-ouest frontalière de la Turquie. Elles sont composées
de combattants locaux, appartenant au PYD, branche syrienne du PKK kurde de
Turquie, d’origine communiste. Le régime a abandonné en 2012 les enclaves
kurdes de Qamischli, Kobané et Afrin. Ces forces kurdes luttent pour leur autonomie
sans pour autant s’opposer directement au régime, ce qui les rend suspectes vis-à-vis
du CNK (Conseil national kurde), qui
agit de concert avec l’opposition syrienne.
Avec l’évolution du conflit, les Kurdes se
sont retrouvés en première ligne pour lutter contre Daesh au nord de la Syrie.
Ils ont mené la bataille de reconquête de la ville de Kobané avec l’aide des raids
de l’aviation de la coalition internationale, au grand dam d’Ankara. Les forces
kurdes ont été à l’origine de l’éradication de Daesh de la région de Tall
Abyad, à la frontalière de la Turquie.
Après l’annonce de
Donald Trump de retirer les forces américaines de Syrie, les Forces
démocratiques syriennes (FDS), une alliance arabo-kurde, ont affirmé vouloir
poursuivre leur combat contre Daesh, en particulier dans la poche de Hajine,
sur la rive orientale de l’Euphrate. Or, la Turquie a bien l’intention de
lancer une opération militaire contre les milices kurdes syriennes, qu’elle
considère comme «terroristes». Jusqu’à présent, la présence
militaire américaine a mis un frein aux velléités d’Ankara et se justifie
toujours parce que, s’il est vrai que Daesh a perdu l’essentiel des territoires
qu’il contrôlait depuis 2014, l’organisation djihadiste n’a pas été totalement éradiquée.
Florence Parly |
D’ailleurs Florence
Parly, la ministre française des armées, a affirmé le 21 décembre : «Quand
le président Trump dit que Daesh est mort, nous considérons aujourd’hui que si
le califat territorial n’est plus ce qu’il était en 2014, s’il est réduit à
peau de chagrin, il reste encore une poche dans laquelle les djihadistes de
Daech sont repliés. Nous considérons que ce travail là doit être terminé. Nous
ne partageons pas du tout l’analyse selon laquelle le califat territorial
serait anéanti. Nous avons le droit d’avoir des différences d’analyse entre
partenaires. Le risque, en ne finissant pas ce travail, c’est de laisser
perdurer des groupes et que ces groupes reprennent leurs activités».
Ilham Ahmad |
En fait Trump
envisage de charger la Turquie d’éliminer ce qui reste de Daesh et c’est ce qui
inquiète les Kurdes. Pour Ilham Ahmad qui copréside le Conseil démocratique
syrien avec Riad Darar : «Nous craignons de ne plus maîtriser la
situation et qu’il soit difficile pour nous de garder les djihadistes
prisonniers». Ces deux responsables sont à Paris pour être entendus. Mme
Ahmad a demandé aux Français un soutien diplomatique dans la mesure où les
autorités françaises «peuvent faire pression sur la Turquie pour
qu’elle arrête ses menaces» et demandé aussi que «les forces
françaises assument leur tâche dans la région jusqu’à ce qu'une solution politique
soit trouvée».
James Mattis |
Les
responsables du Conseil démocratique syrien se sont adressés aux autorités
françaises pour qu'elles instaurent une zone d'exclusion aérienne dans le nord
de la Syrie car le retrait américain est selon eux prématuré. D’ailleurs le
républicain Lindsay Graham ainsi que les sénateurs démocrates Robert Menendez
et Jack Reed ont l'intention de signer une pétition conjointe pour exhorter le
Président américain de revenir sur sa décision concernant la Syrie. Ils ne sont
pas les seuls à critiquer le diktat américain puisque le secrétaire américain à
la Défense, James Mattis, a démissionné en signe de protestation contre la
décision du président Trump de retirer les forces américaines de la Syrie et
son rejet des alliances internationales.
3 commentaires:
Ainsi que l'explique Ted Snider pour Consortium News : les Kurdes se trouvent pris dans une lutte sans merci entre les USA, la Russie, la Turquie, l'Iran et la Syrie. "La seule chose, écrit-il, qui ait jamais été fidèle aux Kurdes, c'est l'histoire : elle les a fidèlement trahis, sans exception."
On peut douter que la France y puisse quoi que ce soit, même si elle en avait le désir et la capacité.
https://www.les-crises.fr/des-pions-sur-lechiquier-une-breve-histoire-de-lamerique-et-des-kurdes-par-ted-snider/
Je ne crois pas un instant a ce que la France puisse intervenir ou soutenir des forces anti-Assad. La France serait plutot pour Assad et laisserait les Turcs massacrer les Kurdes pour eviter qu'Erdogan leve son embargo sur les refugies installes dans son pays.
Pour tout dire, les Kurdes syriens ne peuvent plus qu'afficher leur soutien a Assad ou se suicider.
Que le SG de l'ONU s'occupe en priorité du droit des Kurdes à la vie, à leur langue, à leurs biens, à leur patrimoine.. à leur territoire... à leur liberté... A désigner un représentant des affaires kurdes, au même titre que ceux désignés à propos du volet palestinien, sahraoui, yéménite, kohingas.... etc... Les millions de Kurdes vivant sous les despotismes et/dictatures turc, iranien, irakien et syrien méritent bien que cette attention de l'ONU qui se veut défendre les principes pour lesquels elle fut créée ???
Un smig de solidarité à l'égard de ce Peuple du Kurdistan, objet à des répressions multiples tant en Turquie, en Iran précédemment en Syrie, en Irak…il fait l’objet d'un vrai "apartheid" sans nom bien avant celui de Prétoria.
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