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samedi 29 décembre 2018

Élections avril 2019 : Israël des généraux



Israël élections avril 2019
ISRAËL DES GÉNÉRAUX
Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright ©  Temps et Contretemps


Dayan et Rabin
Israël, qui est toujours en guerre depuis sa création en 1948,  a toujours eu une relation particulière avec ses généraux. Certains sont entrés en politique après leur brillante carrière militaire à l’instar de Moshé Dayan, Yitzhak Rabin et Ehud Barak. Mais c’est la première fois que trois généraux illustres sautent en même temps le pas pour se lancer dans la bataille des élections d’avril 2019. Un quatrième réfléchit encore mais il ne le fera pas longtemps car la campagne électorale sera courte. Le succès des généraux s’explique parce que les Israéliens ont besoin d’être rassurés pour leur sécurité, même s’ils doivent faire l’impasse sur les aspects économiques de leur vie quotidienne. C'est pourquoi les listes sans généraux n'ont aucune faveur des électeurs.


Gal HIRSCH


L'ancien général de brigade, Gal Hirsch, a donné une conférence de presse le 26 décembre 2018 à Tel Aviv pour annoncer son entrée en politique. Né en 1964, il avait rejoint l’armée en 1982 et était devenu chef de peloton à la brigade de parachutistes après  avoir terminé l' école d' officiers.  Il a dirigé le 202ème bataillon de parachutistes au Sud-Liban au cours de la première Intifada qui commença en 1987. Il a ensuite commandé l'unité d'élite Shaldag dans les opérations spéciales au Liban. Au cours de la deuxième Intifada, qui commença en 2000, il commanda la brigade régionale Benyamin et lança l’opération «bouclier défensif» contre les groupes terroristes en Cisjordanie en 2002, opération durant laquelle il se distingua et fut félicité pour sa conduite. Hirsch commanda ensuite la 91ème division de Tsahal pendant la guerre du Liban en 2006, notamment lors des batailles de Maroun al-Ras, de Bint Jbeil, et d'Ayta ash-Shab.
Hirsch était connu pour être un officier brillant et prometteur, ayant de nombreuses idées novatrices pour rendre l’armée encore plus efficace. Mais en pleine gloire, Hirsch a été contraint de quitter son service actif lorsqu’il a été critiqué pour son incapacité à empêcher l'enlèvement et l'assassinat de deux soldats par le Hezbollah, ce qui avait déclenché le conflit. En fait, la vraie raison était qu'il était en totale divergence de vue sur la manière de conduire cette guerre du Liban et il l’avait exprimé haut et fort. L’avenir lui a donné raison.
Après avoir quitté Tsahal, il créa sa propre société «Defensive Shield» chargée de fournir «des solutions stratégiques, opérationnelles et tactiques pour les secteurs de la défense, de la sécurité et de la sécurité intérieure autour de le monde». Il avait été pressenti en 2015 pour le poste de directeur de la police mais, victime d’une injustice, il avait été  écarté sur des soupçons «de relations commerciales illicites» en attendant l’enquête qui devait d'ailleurs le blanchir.   

Lors d'une conférence de presse à Tel Aviv le 26 décembre 2018, Gal Hirsch a annoncé qu'il se présenterait avec un parti qui aurait à la fois un agenda social et une position ferme en matière de sécurité : «Ce qui est juste pour le pays, c'est d'être un nationaliste de droite en matière de sécurité, mais aussi de faire preuve d'inquiétude et de compassion, car je pense toujours aux minorités, aux personnes âgées et à la situation des autres», Pour l’instant il agit en électron libre qui pourrait être happé par un parti en formation ou par le Likoud à la recherche d’un général pour muscler sa liste.

Moshé YAALON


Sans aucune surprise, Moshé Yaalon, ancien chef d’État-major et ancien ministre de la défense, a confirmé la création du nouveau parti qu’il avait annoncé en 2016 : «J'ai décidé de me soucier de nos enfants et petits-enfants. J’ai pris la décision de fonder un parti, une force politique, pour briguer le leadership national». Moshé Yaalon s’était déjà porté candidat au poste de premier ministre après avoir accusé Netanyahou «de s’accrocher au pouvoir à tout prix». Yaalon était considéré comme le seul véritable rival au sein du Likoud et il existe un contentieux entre lui et Netanyahou parce qu’il n’avait pas apprécié d’avoir été écarté du ministère de la défense au profit d’Avigdor Lieberman pour des raisons de tactique politique. La manœuvre de Netanyahou visait à écarter un rival potentiel en pleine ascension politique.
            Le fait que des politiciens de droite ou du centre émettent de sévères critiques peut ébranler les certitudes du gouvernement qui n’avait pas vu arriver la contestation sur son aile droite. Netanyahou était rassuré par l’atonie du parti travailliste et par son effacement sur le terrain politique. Cependant la donne a changé à présent et le combat vire au centre et à droite de l’échiquier politique. Yaalon était catalogué comme un «faucon» parce qu’il s’était opposé au désengagement décidé par Ariel Sharon, mais cela n’a jamais été le cas car en fait, il était fermement opposé à toute action militaire. 
          Il a occupé des fonctions militaires qui prouvent qu’il sait de quoi il parle : «Mon expérience avec la guerre est qu’elle ne devrait se produire qu’en tant que dernier recours». Mais cela ne fait pas non plus de Yaalon un pacifiste. Le rapport du Contrôleur de l’État prouve qu’à l’époque, le chef d’État-major Benny Gantz et le ministre de la défense, Moshé Yaalon, étaient très réservés sur une opération de grande ampleur tendant à réoccuper Gaza. Ils étaient persuadés que le Hamas n’avait aucun intérêt à l’escalade. Cette prise de position commune avait signé le désaccord total avec le premier ministre.
            Moshe Yaalon semble pour l’instant seul et il dispose de peu de charisme politique pour mener sa marche vers le pouvoir. Il a annoncé le 25 décembre qu’il formait un nouveau parti politique : «J’ai fait une promesse et je vais la tenir». Il publiera prochainement une liste des candidats de sa liste pour un parti «sans entourloupes». Il avait déjà eu des contacts avec Tsipi Livni au domicile d’Ehud Barak. La leader du parti centriste, Hatnuah ou « Le Mouvement », alliée des Travaillistes, cherche elle-aussi à étoffer sa liste avec l’aide de militaires de haut rang. Pour l’instant il ne s’agit que de gesticulations politiques.

Benny GANTZ

L'ancien chef d'état-major de l'armée israélienne met fin au suspense en formant son propre parti «Résilience pour Israël», (Hozen leIsraël).  Tous les partis, même le Likoud, rêvaient de le voir figurer en seconde place dans leurs listes. L’'Union sioniste lui a fait miroiter les résultats d’un sondage prévoyant qu’il remporterait 29 sièges si Gantz acceptait la deuxième place avec à la clef le poste de ministre de la défense. Mais on connaît les failles répétitives des sondages israéliens.
Michael Biton

Il travaille à présent pour convaincre d’autres personnalités à le rejoindre. Déjà l'ancien maire, Michael Biton, qui a redressé la petite ville de Yerouham, oubliée au sud du pays, nourrit des ambitions nationales. Il fut le proche collaborateur de Gantz à l'armée et semble prêt à lancer la campagne à ses côtés car «Israël veut des gens responsables, pas des radicaux, pas d'extrême-droite ou d'extrême-gauche, qui comprennent la complexité et les dénominateurs communs entre nous, qui possèdent un riche passé professionnel et qui ne sont pas corrompus».  C’est lui qui l’a convaincu de créer son propre parti pour figurer à la première place.
Benny Gantz a certes pris des risques avec une nouvelle structure inédite et sans militants mais «C'est un homme très calculateur et tout ce qu'il fait est vérifié mille fois, parfois à son détriment».  C’est surtout un homme très secret qui agit toujours en coulisses, et qui garde le silence sur ses projets politiques. Or il est important que ses électeurs sachent à temps ce qu’il compte faire. Mais il s’est aperçu que moins il parlait et plus il montait dans les sondages.
La tâche est difficile pour constituer un nouveau parti à partir de rien, surtout qu’au Centre existe une forte concurrence. Pour de nombreux leaders, le seul moyen de battre Netanyahou réside dans l’union des partis modérés. Par ailleurs, Gantz a été un excellent chef militaire mais il doit faire ses preuves en politique dans un monde violent et sournois qui lui est inconnu. Mais la politique s’apprend vite s'il est bien entouré. Une certitude, Gantz sera certainement le personnage le plus révélateur de la campagne 2019.

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