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lundi 6 août 2018

Mahmoud Abbas enterre le processus de paix


MAHMOUD ABBAS ENTERRE LE PROCESSUS DE PAIX
Par Jacques BENILLOUCHE
 Copyright ©  Temps et Contretemps



Le problème de Mahmoud Abbas se résume en une phrase : «Je ne finirai pas ma vie comme un traître». Pour lui, signer un accord de paix avec Israël serait un acte de trahison. Il adopte donc une position statique qui lui assure le statu quo et qui lui évite les secousses qui pourraient aggraver ses troubles cardiaques et pulmonaires. A 83 ans, il s’accroche au pouvoir malgré sa santé fragile, sans tenir compte de l'intérêt de son peuple.



Abbas devant le conseil palestinien du 30 avril 2018

Pourtant il avait essayé de rebondir en convoquant, à Ramallah le 30 avril 2018, le parlement de l’OLP (Organisation de libération de la Palestine) qui ne s’était pas réuni depuis 1996. Il voulait renouveler son comité exécutif, l’organe dirigeant, pour renforcer son contrôle sur l’organisation mais la réunion n’a réussi qu’à souligner les divergences entre factions palestiniennes. Lors de ce Conseil national palestinien, de nombreux sièges sont restés vides ce qui donne une idée de l’audience du président auprès des siens. Le Hamas n’a pas participé, pas plus que le djihad islamique. Même le FPLP (Front populaire de libération de la Palestine), l'une des principales composantes de l'OLP, a décidé de boycotter la réunion.

En fait, Mahmoud Abbas s’est acharné, non pas à favoriser l’unité, mais à écarter ceux qu'il considère comme brebis galeuses et à installer des loyalistes dans des positions clés car il ne peut se prévaloir d’aucun héritage politique. Mais ses plans ont déraillé en raison des troubles de Gaza et de la réponse ferme d’Israël au terrorisme. Il a donc cherché à attirer le regard occidental sur lui en critiquant les Juifs pour leur attitude pendant l’Europe nazie dans une déclaration antisémite que même Federica Mogherini de l’Union européenne a dû condamner. Il était difficile de croire que l’UE puisse accepter ce genre de langage. Mahmoud Abbas n’a eu d’autre choix que de s’excuser en qualifiant la Shoah «de crime le plus odieux de l’Histoire et en assurant le monde de son plein respect pour la foi juive». Mais peu l’ont cru.
En fait, après Yasser Arafat, il a hérité du leadership palestinien par défaut, sans élection, en tant que secrétaire général de l'OLP. Il n'en avait pas la stature et il a toujours fait illusion tout en souffrant d’avoir été une pale copie. On croyait qu’il allait écrire son propre chapitre sur le conflit palestinien en privilégiant la diplomatie sur le militantisme. Mais il n’a même pas réussi à faire oublier sa thèse de doctorat sur une prétendue «relation secrète» entre le nazisme et le sionisme et s’est plutôt comporté en théoricien du complot antisémite, en créant des doutes sur sa volonté de paix avec les Israéliens. On croyait qu’il allait être moins combatif qu’Arafat ; en fait il a entretenu le mirage de la paix. Alors pour se distinguer, il a choisi au début de son mandat une rupture nette avec son passé militant : «Pour atteindre nos objectifs nationaux, nous resterons attachés au choix stratégique de l’OLP : le choix d'atteindre la paix juste et nos objectifs nationaux par la négociation». Ensuite, il a décidé d’abandonner la stratégie d’Arafat en dénonçant le Hamas à Gaza, en condamnant la «militarisation de l'Intifada», et en déclarant ses fusées artisanales «d'amateurs» et sa résistance violente «futile».

La déclaration en 2002 du président américain George W. Bush : «j'appelle le peuple palestinien à élire de nouveaux dirigeants non compromis par la terreur» a poussé Abbas à un revirement politique puisque trois mois après la mort d'Arafat, il a déclaré la fin de la deuxième Intifada et serré la main du premier ministre israélien Ariel Sharon à Charm el-Cheikh, lors du sommet de paix, le 8 février 2005. Le nouveau président palestinien était déterminé à transformer les institutions corrompues de l'AP en un État moderne et fonctionnel. Cela a convaincu Israël, en août 2005, de mettre fin à sa présence militaire à Gaza en retirant ses troupes et en évacuant toutes les implantations juives. 
Mais les Palestiniens ont mal interprété cette décision, non pas comme une victoire de la diplomatie mais au contraire comme une preuve que la résistance armée avait gagné. Cela explique la victoire du Hamas aux élections législatives en janvier 2006 parce qu’il avait refusé de renoncer à la violence et de reconnaître Israël. En 2007, les tensions entre les deux factions avaient cédé la place à une guerre ouverte dans les rues de Gaza ; plus de 100 personnes ont été tuées entre le 10 juin et le 15 juin.
Guerre Fatah-Hamas

Les étudiants des universités ont critiqué Abbas de céder à Israël. Il a été confronté à une révolte ouverte de la part des Palestiniens qui estimaient qu'il faisait trop de concessions aux puissances occidentales tout en obtenant trop peu en retour. Abbas s’est donc retrouvé de plus en plus isolé et plus autocratique que jamais. Alors il a éloigné ses opposants politiques et exigé la loyauté totale de ceux qui l'entouraient. L’homme qui avait promis une alternative démocratique s’est trouvé pris dans la tourmente de la répression. Des journalistes et des activistes ont été emprisonnés pour l’avoir critiqué. Il  en a profité pour promulguer des décrets présidentiels pour consolider et centraliser son pouvoir.
Yasser Abed Rabbo

La répression de la dissidence est devenue son obsession. Malgré ses années de service à l'OLP, Abed Rabbo n’a pas été invité au Conseil parce que le président palestinien le soupçonnait de coopérer avec Mohammed Dahlan, lui aussi contraint à l’exil. Le démocrate libéral Abbas s’est mué en autocrate radical. Son refus du projet de paix américain n’est pas compris par une majorité de Palestiniens qui exige sa démission. Il n’a généré auprès de son peuple que du pessimisme, de la frustration et du désespoir.
Après toutes ses tentatives de réconciliation avec le Hamas, il a perdu tout espoir d’unité palestinienne, la seule qui pourrait concrétiser la solution à deux États. Malgré sa volonté de faire «l’affaire du siècle», Trump a toujours favorisé Israël depuis son élection et est persuadé que les Palestiniens n'avaient d'autre choix que d'accepter ses dollars en échange d’une signature d’accord. Il était d’autant plus convaincu que ses alliés du Golfe sont plus préoccupés de neutraliser l’Iran plutôt que de faire avancer la cause palestinienne.

Avec la reconnaissance de Jérusalem comme capitale, Abbas a estimé que «les États-Unis se sont retirés du rôle qu'ils ont joué dans les dernières décennies en parrainant le processus de paix». Il ne veut plus se joindre à un processus de pays sous l’égide de Donald Trump : «Nous sommes opposés au fait que les Etats-Unis soient la seule partie impliquée». C’est pourquoi il a essayé d'amener la Russie et la Chine à jouer un plus grand rôle dans la résolution du conflit, en vain. S’il peut se targuer d’avoir obtenu quelques attributs d’un État, un drapeau, un passeport et une reconnaissance internationale, en fait il n’a rien changé pour sa population. 
Il a raté toutes les occasions sous les mandats de Barack Obama en se plaignant que Netanyahou refusait les compromis. Ses menaces sont restées sans lendemain tant sa position est faible. En 2017, Abbas s’était déconsidéré face à l’Assemblée générale des Nations Unies :  «nous n'aurons pas d'autre choix que de continuer la lutte et d'exiger des droits égaux pour tous les habitants de la Palestine historique».  Un coup d’épée dans l’eau parce que sa menace n'a pas été mise en application.
Alors pendant les troubles de la Grande marche de Gaza, quelques dirigeants se sont réunis près de Ramallah pour songer enfin au remplacement de Mahmoud Abbas. Le nom du vice-président Mahmoud al-Aloul, qui a perdu un fils lors de la deuxième Intifada, a été avancé. Jibril Rajoub, chef du Comité central du Fatah, qui a passé 15 ans dans une prison israélienne pour avoir lancé une grenade sur un bus de l'armée, est aussi sur les rangs. Le secrétaire général de l'OLP et négociateur en chef Saëb Erakat, atteint d’une très grave maladie pulmonaire, n’a pas jeté l’éponge.
Salem Fayyed

Mais on imagine ces images contrastées de vieux hommes en costume, voulant partager le gros gâteau, au moment où une jeune génération se battait. Plus d’un tiers des moins de 14 ans ont vécu toute leur vie sous le régime d’Abbas. Ils aspirent à du changement. L'ancien premier ministre Salam Fayyed, aujourd'hui professeur invité à l'Université de Princeton, est le seul réaliste «Nous devons avoir une stratégie claire qui puisse nous aider à faire face aux énormes défis à venir. La priorité numéro-un doit être de trouver des moyens d'unifier la population et le leadership palestiniens». Une réconciliation des clans palestiniens est un objectif difficile à atteindre. 
Malgré cela, Abbas persiste et signe. Il refuse de déposer les armes et de se retirer pour laisser place à une génération plus jeune. Il veut, malgré sa maladie, continuer à se battre tout en rejetant le plan de paix de Trump : «Je ne mettrai pas fin à ma vie en tant que traître. Rien ne se passera contre notre volonté». Les Palestiniens attendront des jours meilleurs. Pendant ce temps, Israël développe  les constructions dans les implantations vers une situation de non-retour.

2 commentaires:

Gilbert BRAMI a dit…

Il est dommage pour les palestiniens d'avoir des dirigeants aussi corrompus, qu'ils soient du Fatah ou du Hamas. Ces corrompus maintiennent les habitants qui leur ont fait jadis confiance, dans la misères et l'insécurité. Le paradoxe de cette situation est le silence complice de l'Occident qui finance ces deux organisations. Ce financement, qui se chiffre à coût de milliards d'euros tous les ans. Il maintient au pouvoir des dirigeants qui se remplissent les poches. Pourquoi, voulez-vous qu'ils signent la paix ?

Marianne ARNAUD a dit…

Cher monsieur Benillouche,

J'avoue que je ne me serais pas risquée à commenter votre article si je n'étais pas tombée par hasard sur le programme de la chaîne "Public Sénat" qui programme ce soir à 22h05, un documentaire franco-israélien intitulé : "The Gatekeepers" où "Ami Ayalon, l'ancien chef du Shin Beth parle sans tabou" :

"Six anciens chefs du Shin Beth, le service chargé de la sécurité d'Israël, racontent leurs méthodes, mais aussi leurs doutes et leurs erreurs. Interrogés face caméra, ils dévoilent les dessous,de la politique menée par Israël durant trente ans, notamment concernant la politique palestinienne.
Ils explique ainsi que, depuis la guerre des Six-Jours en 1967 - dont la victoire vaut à l'État hébreu d'occuper Gaza et la Cisjordanie et de faire face à un million de Palestiniens - les responsables politiques n'ont jamais vraiment cherché à construire la paix.
Traversé d'impressionnantes archives, un discours sans tabou."

Très cordialement.