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jeudi 9 août 2018

L'Iran entretient sa capacité de nuisance en Syrie



L’IRAN ENTRETIENT SA CAPACITÉ DE NUISANCE EN SYRIE
 Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright ©  Temps et Contretemps


Qasem Soleimani

La tension entre l’Iran et les Etats-Unis a atteint son paroxysme avec la décision de Donald Trump d’accentuer les sanctions. Au lieu de faire profil bas pour ne pas fermer la porte à un éventuel dialogue, le commandant iranien de la Force Al Qods des Gardiens de la révolution, Qasem Soleimani, a été envoyé au feu pour menacer les États-Unis s'ils envisageaient une éventuelle action militaire contre l’Iran.



Dans son envolée prétentieuse lors de son discours prononcé dans la ville de Hamadān, il a déclaré que le président Trump pouvait lancer la guerre, mais que «ce sera l'Iran qui le conclura». En soulignant les échecs américains en Irak, en Afghanistan et au Yémen, Soleimani a aussi averti les Américains que leur présence en mer Rouge était risquée. Il est vrai qu’il ne faisait que soutenir son président Hassan Rohani qui avait menacé de fermer le détroit d'Hormuz si un embargo sur le pétrole était imposé à l'Iran.
Pour donner plus de poids à sa déclaration, Soleimani a mis en ligne une vidéo inédite le montrant dans la région frontalière entre la Syrie et l’Irak. Par ailleurs, l'agence de presse iranienne Tasnim a publié le 22 juillet une autre vidéo sur la capture de la ville d'Abou Kamal en Syrie par les combattants de la brigade Fatemiyoun, la milice afghane opérant sous le contrôle des Iraniens et des Gardiens de la révolution. Il s’agit d’impressionner l’Occident sur les capacités réelles des troupes de Qasem Soleimani.

Ces derniers mois, l’Iran a consolidé son emprise sur les zones entourant le passage de la frontière d’Abou Kamal entre la Syrie et l’Irak, en utilisant les milices chiites sous son contrôle. Cette traversée revêt une grande importance stratégique, car la ligne de démarcation entre l’Iran, l’Irak, la Syrie et le Liban la traverse. Les milices irako-chiites et le Hezbollah libanais ont joué un rôle central dans la capture de cette ville en marquant la fin de Daesh en tant qu'entité gouvernant le territoire. Le Hezbollah, la milice chiite irakienne Harakat al-Nujabaa, une force de la brigade Fatemiyoun et une force de la brigade pakistanaise Zeynabiyoun, ont tous participé à la capture d'Abou Kamal. Toutes ces milices étaient commandées ou conseillées par des officiers iraniens ce qui explique d’ailleurs que plusieurs d’entre eux ont été tués dans des combats contre Daesh.
François Sénémaud

La France a fait preuve d’activisme dans cette affaire. François Sénémaud, ancien ambassadeur de France à Téhéran, envoyé spécial du président français en Syrie, a rencontré Hossein Jaberi Ansari, conseiller du ministre iranien des Affaires étrangères, pour s’entendre dire que l’Iran soutenait une solution politique à la crise en Syrie et qu’il n’existait pas de solution militaire. L’Iran, en revanche, œuvrait pour l’éradication des groupes terroristes dans le pays. Naïfs, Quai d’Orsay en tête, sont ceux qui croient à ces affirmations.

Le 31 juillet, des délégations des trois États garants du processus d’Astana, l'Iran, la Turquie et la Russie ont participé à une conférence à Sotchi, en Russie pour aborder un éventuel règlement de la guerre. Le conseiller du ministre des Affaires étrangères, Hossein Jaberi Ansari, conduisait la délégation iranienne. Le résultat de cette réunion figure en toutes lettres dans la déclaration finale ; il s’agit de préserver la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de la Syrie. Suite à cette réunion, l’envoyé de l’ONU en Syrie, Staffan de Mistura, a planifié des discussions à Genève sur l’avenir de la Syrie en septembre.
De son côté, l'ambassadeur de Russie en Israël, Anatoly Victorov, a voulu minimiser le rôle de la Russie. Il a précisé que la présence iranienne en Syrie était légitime et que Moscou avait peu d’influence sur l'Iran. Il ne trouvait pas réaliste d’exiger le retrait des «forces étrangères» du territoire syrien. Il a ouvertement confirmé que l’aide des milices chiites et des conseillers militaires iraniens jouent un rôle indispensable dans la lutte commune contre les terroristes en Syrie. La Russie n’a pas les moyens de contraindre l'Iran à se retirer de Syrie, mais elle peut essayer de le convaincre de le faire. C’est vraiment ne pas connaitre la Russie que de croire à ces affirmations d’impuissance vis-à-vis de l’Iran.
Laverentiev
L'envoyé spécial du président russe en Syrie, Alexander
Laverentiev, a de son côté considéré que la Russie avait fait un grand pas en obtenant le retrait des forces iraniennes à 85 kilomètres des frontières d'Israël. Pour lui, les craintes d’Israël devraient être apaisées.
En revanche les media sont très discrets sur ce qui se passe au sud de l’Irak où des émeutes ont lieu. Les manifestants ont exprimé leur colère contre l’Iran et surtout contre son implication en Irak. Les Irakiens affichent de plus en plus leurs critiques mais paradoxalement les chiites irakiens se joignent à présent à la contestation ce qui pourrait miner la position de l’Iran dans le pays. 
Le directeur du Centre arabe des études iraniennes, Mohammad Saleh Sadaghian, explique que les derniers développements en Irak avaient nui au soutien de l’Iran parmi le public irakien. Pour lui, la principale raison de ces manifestations est la corruption politique et économique. Il a critiqué les méthodes de l’Iran en Irak consistant à couper l’électricité, voire l’eau. Téhéran a arrêté la fourniture de courant pour faire pression sur les courants politiques en Irak.
Ainsi la situation politique de l’Iran s’effrite à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières. L’application des nouvelles sanctions américaines ne pourra qu’aggraver la situation au sein d’une population qui commence à être lasse de la politique de son gouvernement.

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