LA SYRIE IGNORE LES AVERTISSEMENTS ISRAÉLIENS
Par
Jacques BENILLOUCHE
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Israël procède toujours par avertissements avant de prendre des mesures radicales sécuritaires. La BBC avait publié, le 10 novembre 2017, des informations selon lesquelles l’Iran «envisagerait de construire une base militaire permanente en Syrie». Elle se référait à des sources liées aux «services secrets occidentaux», probablement le Mossad qui envoie régulièrement des commandos sur place pour se rendre compte précisément de la situation et pour affiner les clichés satellitaires. Sur la base de cette information, non confirmée par des sources iraniennes, Israël peut justifier ses frappes contre des bases en Syrie, mais il n'est dans ses habitudes ni de confirmer et ni d'infirmer les actions de Tsahal.
La chaîne BBC avait localisé très exactement
l’emplacement de la base qui «se trouve à 14 kilomètres au sud de la
capitale syrienne, à al-Kiswah, une localité de la banlieue de Damas
actuellement contrôlée par l’armée gouvernementale». La BBC avait publié
plusieurs photos satellite qui «auraient été prises entre janvier et
octobre 2017». Sur les images, on peut distinguer l’avancement de travaux
de construction de la base, impliquant notamment des casernes et des hangars
pouvant abriter entre six et huit véhicules : «plus de 500 soldats
pourraient être déployés de manière permanente sur la base».
L’Iran prétend pourtant que sa présence militaire en
Syrie se réduit à quelques conseillers accueillis à la demande du gouvernement syrien
et veut ignorer la base iranienne, se trouvant à 50 kilomètres des hauteurs du
Golan, confortant les propos tenus par Benjamin Netanyahou précisant qu’il
«ne permettra jamais à l’Iran de s’implanter aux portes d’Israël».
L’Iran a, de manière indirecte par une déclaration du
conseiller pour les affaires
internationales du Guide suprême, Ali Akbar Velayati, confirmé en quelque sorte
cette information : «De la même manière que les États-Unis disposent
de bases maritimes pour protéger leurs intérêts dans le golfe Persique, l’Iran,
aussi dispose de bases solides pour se défendre contre les menaces d’Israël
dans le pré carré de ce régime, menaces qui sont dues à l’appui iranien à l’axe
de la résistance».
Ali Akbar Velayati |
Un centre de recherche militaire syrien avait été détruit
dans la nuit du 7 septembre lors d'un raid aérien attribué à l’aviation
israélienne. Cette opération, non confirmée par Israël, marquerait une nouvelle
étape dans l'implication de Tsahal dans le conflit syrien. L'aviation
israélienne avait déjà mené des dizaines de raids en Syrie, mais cette frappe-là,
si elle émane bien d'elle, n’était pas une opération de routine. Jusqu'à
présent, Israël avait plutôt visé des lieux de stockage ou des convois entre la
Syrie et le Liban, redoutant des transferts d'armes vers le Hezbollah. Cette
fois-ci, un lieu de production aurait été visé, un centre qui développe «entre autres choses des missiles de précision».
Entre autres choses, car ce site produit aussi des armes chimiques. En frappant cette infrastructure, l'armée israélienne avait envoyé un carton jaune avec un message clair : le renforcement de l'armement du Hezbollah est une ligne rouge qu’Israël entend faire respecter. Cet avertissement a été ignoré. Le carton rouge ne pouvait plus être évité.
Entre autres choses, car ce site produit aussi des armes chimiques. En frappant cette infrastructure, l'armée israélienne avait envoyé un carton jaune avec un message clair : le renforcement de l'armement du Hezbollah est une ligne rouge qu’Israël entend faire respecter. Cet avertissement a été ignoré. Le carton rouge ne pouvait plus être évité.
Réunion Sotchi 22 novembre 2017 |
Le 2 décembre, les media syriens ont annoncé que l'armée
de l'air israélienne avait attaqué une base iranienne à la périphérie de Damas,
pour valider les lignes rouges qu'Israël avait imposées. Les présidents
iranien, russe et turc ont tenu une réunion tripartite sur la Syrie à Sotchi le
22 novembre. La réunion visait à discuter des résultats des pourparlers de paix
en Syrie tenus à Astana, au Kazakhstan, et du début du processus politique en
Syrie. À l’ordre du jour, les futures mesures à prendre pour instaurer une
stabilité durable dans le pays. Mais rien n’a été discuté sur la présence de
miliciens iraniens sur la base d'al-Kiswah, à 15 km au sud-ouest de Damas et à
50 kms des hauteurs du Golan. Certes, la base n’est pas suffisamment proche pour
constituer une menace directe pour Israël, mais il s’agit d’une preuve de la
présence permanente iranienne en Syrie.
Les Russes ne cessent de prétendre que les éléments
iraniens n’ont pour but que de protéger le régime de Damas contre les menées des
rebelles. Mais cela n’était pas un argument probant pour Israël qui a donc usé
de méthodes préventives pour détruire la base encore en construction, avant que tout
le personnel iranien ne s’y installe ce qui explique le doute sur les réelles
pertes humaines. Fidèle à sa politique préventive, Israël a voulu régler un
petit problème avant qu’il ne soit grand et insoluble. Après le carton jaune,
la frappe s’est transformée en carton rouge.
Mais Israël a tenu à la prudence en ne provoquant pas directement
les Russes mais aussi en ne facilitant pas la tâche des défenses aériennes
syriennes puisque l’attaque a été perpétrée depuis l’espace aérien libanais à l'aide de missiles air-sol. Dans une volonté d’esbrouffe, les missiles
anti-aériens syriens ont été effectivement tirés en direction des avions de
chasse israéliens qui étaient déjà sur la route du retour. L’honneur syrien
était sauf. Pour l’instant, l’armée syrienne n’a procédé à aucune représailles, ni d’ailleurs l’armée iranienne qui n’a pas précisé si des pertes avaient été
occasionnées par les frappes.
Selon les renseignements israéliens, des pertes certaines
ont été causées à l’occasion de cette frappe qui a touché en fait des chefs
de milices chiites en réunion secrète dans la base de la 91ème
brigade de l’armée syrienne. Des media arabes annoncent que 12 militaires iraniens ont trouvé la mort dans cette frappe. Mais la confirmation ne peut pas venir du côté syrien.
Des hauts gradés des Gardiens de la révolution, des officiers iraniens et des
responsables militaires du Hezbollah ont fait partie des victimes. Ils
préparaient une offensive dans la région de Quneitra, à la frontière du Golan,
pour déloger les rebelles qui y sont installés. Mais Israël est persuadé qu'il s'agissait d'un alibi trompeur. Le Hezbollah et les milices pro-iraniennes, qui ont massé des troupes
disproportionnées par rapport au petit objectif du village Al-Harra, à 8 km de
la frontière israélienne, cherchent en fait à contrôler le triangle frontalier
syro-israélien-jordanien pour ensuite viser Israël directement.
Conscient de la défaillance syrienne face aux avions israéliens, le chef de l’armée iranienne a tenu à rassurer ses alliés en planifiant la fourniture prochaine de meilleurs systèmes de défense aérienne : «Il n'est pas acceptable que le régime sioniste viole la Syrie quand il le veut». En revanche, les observateurs politiques s’étonnent du silence pesant des Russes qui donnent l’impression de laisser faire. En fait, ils ne se sentent pas impliqués, ou ne veulent pas l’être, dans le conflit entre Israël, la Syrie et l’Iran tant que les soldats russes ne sont pas touchés et tant que leurs bases restent à l’écart des frappes israéliennes. Pour l’instant donc, le ciel libanais et du même coup syrien, est ouvert à l’aviation israélienne. L’Iran doit donc dorénavant assimiler à leur juste valeur les menaces israéliennes.
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