SAMARIE, GALILÉE OU NÉGUEV ?
Par
Jacques BENILLOUCHE
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Sha'arei Tikva en Cisjordanie |
La décision a été prise par le
ministère de l’intérieur ; il ne reste plus qu’à l’appliquer. Sur
recommandation d’un comité spécial créé par Arie Dehry, le directeur général du ministère de l'Intérieur a accepté, le 29
novembre 2017, de réunir plusieurs implantations dans la région de Samarie, en
Cisjordanie, pour créer une nouvelle ville, entre Etz Efraim, Sha'arei Tikva,
Oranit et Elkana qui comprennent ensemble 22.000 habitants. Cette solution
permettra d’occuper tous les espaces libres entre ces villes, qui étaient
interdits à la construction.
Le ministère des finances a trouvé, par miracle, 100
millions de shekels (25 millions d’euros) pour investir dans ce nouveau projet.
La nouvelle ville intégrera toutes les zones dépeuplées dans l’espace compris
entre ces implantations dans un projet d’unification pour permettre à de
nouvelles populations à s’installer. Les problèmes politiques d’une telle
réunification sont ignorés pour laisser place à un intérêt financier puisque,
selon les responsables locaux, il y aurait de nombreuses économies dues à un
regroupement des services : «Compte
tenu du fait que les prouesses financières des autorités ne sont pas
significatives, ce qui signifie qu'elles doivent puiser dans le budget de l'État
pour pouvoir gérer leurs tâches, ce comité est d'avis que la réduction et
l'unification des rôles permettront de maximiser les budgets
gouvernementaux».
Oum El Fahm |
Le problème est qu’il y a d’abord urgence à judaïser la Galilée
et le Néguev pour accroître la population juive dans des régions à majorité
arabe. Cette politique de «judaïser la Galilée» fut approuvée pour la
première fois par le cabinet israélien en mars 1949. Au début des années 1950,
l'Agence Juive et Tsahal avaient coordonné leurs efforts pour augmenter le
nombre de Juifs vivant en Galilée, pour créer y une majorité juive, pour
réduire la menace arabe et pour empêcher la formation d'un noyau de
nationalisme arabe au sein de l'État juif. Cela avait incité le gouvernement à
créer la nouvelle colonie juive de Nazareth Illite, et la nouvelle ville juive
de Carmiel.
Le gouvernement avait alors fait de sérieux efforts pour
attirer la migration juive dans les zones ciblées par la politique de judaïsation ;
les ressources publiques ont été mobilisées pour offrir des incitations sous
forme d'allégements fiscaux, de subventions foncières et de logement, de prêts
à faible taux d'intérêt et d'aide au loyer. Des subventions directes
d'établissement ont également été offertes et des infrastructures régionales
ont été développées pour soutenir les localités juives établies. Ce projet a
été renouvelé dans les années 1970. Mais l’économie d’Israël n’était pas encore
florissante comme aujourd’hui et faute d’investissements et d’emplois, le
résultat fut un échec et cela aggrava la croissance continue de la population arabe.
Carmiel |
Les efforts de judaïsation en Galilée et au Néguev se
sont poursuivis au milieu des années 1990 car au cœur de la Galilée, les Arabes
représentaient encore 72% de la population. Le Conseil régional de
planification avait à nouveau appelé en 1995 à augmenter la population juive
pour «perturber toute continuité géographique palestinienne». Mais
le gouvernement n’avait pas prévu que la croissance de communautés mixtes
arabo-juives allait faire capoter les projets. Les Juifs prospères quittèrent
la Galilée pour être remplacés par des Arabes qui ont pris possession des
logements destinés à la colonisation juive, dès lors que les Juifs ne se sont
pas installés dans la région comme prévu. Les Arabes, qui avaient des restrictions
dans leurs propres villages, ont acheté de plus en plus d’unités dans les
villes juives, 20% à Nazareth Illite et 10% à Carmiel. À Nazareth Elite, 80% des appartements d’un quartier, construit
spécialement pour les militaires de carrière, sont habités par des Arabes.
La Galilée est très vaste, encadrée par les villes du
Golan, de Bet-Shean, d’Akko et de Tsfat. Les Juifs représentent 43.4% de la
population et 34% sans Bet-Shean et le Golan. Majoritaires, les Arabes ne s’identifient
pas à l’État d’Israël se plaignant d’un vide étatique qui empêche les villes et
villages arabes de ressembler aux villes juives. Une certaine anarchie
administrative y règne puisque, dans les villes arabes, les constructions s’effectuent sans permis et
que les travaux d’aménagement urbain sont au point mort. C’est dans ce terreau
que le mouvement islamique israélien a prospéré parce que les disparités
juifs-arabes créent des tensions permanentes.
La question cruciale se pose donc de savoir s’il faut
concentrer les efforts sur les villes d’Israël avant de développer des
nouvelles villes en Cisjordanie. Pour cela il faut débloquer des investissements et favoriser des incitations fiscales et financières, les mêmes qu'en Cisjordanie, pour amener des Juifs dans de nouvelles villes de développement franches où la vie serait moins chère. En négligeant l’Israël historique, on risque
de perdre des pans entiers de villes entièrement arabisées avec le risque de
les voir aux mains des intégristes, à l’instar de Oum El-Fahm où aucun Juif ne
s’aventure. La Galilée comporte pourtant d’énormes potentiels industriels, de
l’espace et un passé pionnier qui a fait les belles heures de l’Histoire
d’Israël.
Ben Gourion à Sdé Boker |
Le Néguev est dans la même trajectoire. Il constitue 60%
de la surface de l'État d'Israël mais n'abrite que 8% de sa population, dont
une forte communauté de Bédouins (25% de la population régionale) qui
représentent 160.000 personnes. Rien n’a été fait en 2005 pour créer une ville
nouvelle qui aurait pu recevoir les évacués de Gaza qui tenaient à se retrouver
ensemble. Certains, et ils sont nombreux, continuent à vivre dans des caravanes
à la limite de Gaza alors qu’avec les nouvelles techniques israéliennes de
l’eau, ils auraient pu reconstituer leurs serres dans un espace illimité. Ils
auraient pu être suivis par de nombreux Juifs tentés par une nouvelle vie
pionnière, loin de l’agressivité de la vie citadine et dans un environnement
conforme à leurs revenus.
Des évacués de Gaza à Shlomit |
Ben Gourion avait été un prophète en s’installant le
premier au Néguev, à Sde Boker. Visionnaire, il avait compris que l’avenir et la sécurité du pays passaient par le développement du désert israélien. Et pourtant à l'époque, le confort de la vie
n’avait pas été amélioré grâce à l’électricité solaire, aux climatiseurs ainsi
qu’aux techniques nouvelles israéliennes pour exploiter au mieux l’agriculture
avec les eaux saumâtres. Certes l’armée
a décidé de transférer toutes ses bases et services de Tel-Aviv vers le Néguev
mais cela doit s’accompagner par un déménagement de certaines administrations
civiles pour meubler le désert et par des constructions de logements pour les civils.
Mais le gouvernement doit satisfaire, avant tout, les désiderata
de ses nationalistes, les religieux sionistes et orthodoxes, qui pour des
raisons opposées misent sur la Cisjordanie. En écho, l’orthodoxe Tsipi
Hotovely, vice-ministre des Affaires étrangères, estime que : «Unifier les
quatre colonies de Samarie et créer une nouvelle ville est la décision correcte
et appropriée et constitue une déclaration claire et significative pour le
monde, l’implantation se développe et se renforce. Cela signifie également un
énorme investissement budgétaire en Samarie par le ministère des Finances, tout
en étant une mesure de réduction des coûts pour l'État et le renforcement de la
Judée et de la Samarie. Chaque ville supplémentaire en Judée-Samarie est une
augmentation importante de la force. Arie Dehry est digne de tous les éloges
pour cette importante».
Mais les ministres, à travers un aveuglement nationaliste et un sentiment anti-arabe poussé au paroxysme, ne mesurent pas le danger
d’abandonner une grande partie du pays à la seule communauté musulmane au détriment de
la judéité de certaines régions. Le gouvernement maintient volontairement des
prix élevés des logements dans les grandes villes d’Israël pour forcer les jeunes couples à s’installer au-delà de la ligne verte, souvent
pour des raisons économiques et rarement pour raisons nationalistes. Certains
francophones ont renoncé à faire leur alyah car la seule issue qui leur était
proposée, compte tenu de leurs moyens financiers limités, était l’enfermement à
l’intérieur d’implantations au delà de la ligne verte. A force de développer la Cisjordanie, on régresse
en Israël. L’urgence est de consolider notre pays avant de se disperser
ailleurs.
1 commentaire:
Décourageant et difficile a digérer, aux planificateurs j'aimerai raconter l'histoire du singe introduit dans une chambre ou pendait une banane en hauteur et des boites pour atteindre le fruit mais le singe grimpe sur le bonhomme pour prendre la banane. Israel a choisi la technologie au detriment de l'agriculture et d'autres industries coûteuses pour importer.
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