L’ÉGYPTE ET LES DESSOUS DE LA
RÉSOLUTION DE L’ONU
Par Jacques BENILLOUCHE
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Construction illégale à Nevé Ativ près de la frontière syrienne |
La
résolution 2334 de l’Onu a fait l’objet de multiples tractations de couloir
avant son adoption définitive. L’Égypte a joué un grand rôle, d’abord pour
l’initier et ensuite pour l’amender avant de la retirer. Cette résolution, qui
dénonce les implantations de Cisjordanie, a été mal préparée et n’a pas été
planifiée au point d’être considérée comme une opération de dernière minute.
Elle a été votée le 23 décembre, juste avant les fêtes de Noël, le dernier jour
de travail de l’ONU, avant l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche le 20
janvier.
On
s’est étonné de cet empressement de l’administration américaine au point de
l’interpréter comme la dernière volonté de Barack Obama qui voulait,
tardivement, se venger de l’attitude de Benjamin Netanyahou à son encontre. Et
pourtant le président américain n’a jamais montré d’agressivité, ou
d’insistance, dans ses tentatives de proposer une solution au conflit
palestinien. Il donnait au contraire l’impression de traiter par le mépris les
manœuvres de Netanyahou lorsque ce dernier avait tenté de retourner le Congrès
à l’occasion de l’accord sur le nucléaire signé en mars 2015. Il avait
considéré son discours véritablement comme une ingérence des Israéliens dans
les affaires intérieures américaines.
Implantation d'Ofra |
Il a
donc choisi les derniers jours de 2016 pour infliger un camouflet politique au
premier ministre Netanyahou. C’est véritablement un petit geste sans
conséquence matérielle, autre que psychologique, quand on sait que Obama avait
les moyens, comme Bush père, de bloquer l’aide militaire annuelle passée de 33
à 38 milliards de dollars. Certes l’augmentation de 15% ne compensait nullement
la variation du coût de la vie et l’accord est restrictif puisqu’il interdit au
Congrès de voter d’autres aides sous peine d’imposer le remboursement à Israël.
F-35 |
Mais
il faut relever qu’Obama, durant ses deux mandats, n’a jamais agi une seule
fois contre Israël. Il a toujours opposé son veto à l’Onu ; il a créé un
pont aérien pour fournir les munitions lorsqu’Israël était en manque durant la
guerre avec Gaza ; il lui a vendu les meilleurs avions furtifs F-35 du
monde alors que d’autres pays en avaient fait la demande. Bref, il tenait à ce
qu’Israël ait la meilleure défense au Moyen-Orient. On ne pourrait pas dire
autant de certains pays européens qui ont été lavés de tout soupçon de
traîtrise alors qu’ils apposaient leur signature au bas de plusieurs motions ou
résolutions. Certains ont trouvé une explication à la «sollicitude» dont
a fait preuve Obama à l’égard d’Israël, au cours de son second mandat. Il
voulait ménager l’électorat démocrate qui vote à 70% pour Clinton afin
d’assurer son élection. Une fois l’élection acquise à Trump, Obama n’avait plus
aucune raison de caresser les Juifs américains dans le sens du poil.
De
son côté, l’Égypte a été accusée à tort de traîtrise. Dans ces gesticulations
onusiennes, elle s’est pourtant comportée en véritable alliée d’Israël. Elle
était redevable auprès des pays arabes de lui avoir permis d’obtenir un siège
au Conseil de sécurité, à charge pour elle de présenter un projet de résolution dans le sens des revendications
palestiniennes. Mais la veille du vote, le président Al-Sissi avait donné ordre
à sa délégation à l’ONU de retirer le projet lorsqu’il a été convaincu que les
États-Unis n’avaient pas l’intention de faire jouer leur droit de veto. L’Égypte
voulait bien faire un geste en faveur des États arabes, mais elle n’était pas
prête à attenter aux intérêts fondamentaux israéliens.
Daesh au Sinaï |
Depuis longtemps Al-Sissi avait
exprimé ses réserves sur l’attitude des Palestiniens pour ne pas brader son
amitié avec Israël. Depuis 2013, l’Égypte mesure les risques qu’elle encourt
avec les djihadistes au Sinaï pour envisager de mettre en danger la
collaboration avec les organisations sécuritaires israéliennes. C’est pour être
conforme à cette stratégie que les mesures ont été prises contre la bande de
Gaza avec la destruction des tunnels et des villages frontaliers. L’Égypte était
aussi redevable à Israël des frappes de drones contre les terroristes du Sinaï,
en juillet 2016 en particulier. Les frappes avaient été réalisées avec la
bénédiction du Caire.
Le groupe terroriste Ansar Bayit
al-Maqdes, qui avait promis allégeance à Daesh, avait pris pour cible les
forces de sécurité égyptiennes stationnées dans le Sinaï. Afin d'aider le
président égyptien al-Sissi à combattre la présence terroriste dans le Sinaï,
Israël avait permis à l'Égypte d'augmenter ses forces déployées au Sinaï,
limitées selon les accords de paix de Camp David signés en 1979. Ainsi à l’ONU,
l’Égypte n’a pas voulu aller à l’encontre des intérêts israéliens et a préféré
retirer sa résolution quitte à brader la cause palestinienne. Puisque les États
arabes ne montraient aucun activisme en faveur des Palestiniens, l’Égypte et la
Jordanie avaient d’ailleurs choisi de nouer des alliances avec Israël qui
pouvait leur faire gagner un appui international dans le monde. Par ailleurs le
régime faible d’Al-Sissi savait qu’en se mettant du côté d’Israël, il s’assurait
le soutien de Londres, Paris et Washington.
Mais
l’Égypte ne s’attendait pas à cette levée de boucliers contre sa résolution,
pourtant retirée et encore moins à la déception de la classe politique
israélienne. Les Israéliens ont accusé Barack Obama de trahison pour avoir été
à l’origine de cette résolution ou au moins pour l’avoir encouragée : «L’administration
Obama a non seulement échoué à protéger Israël contre cette alliance contre le
pays à l’ONU, elle a pactisé avec elle en coulisses». Le paradoxe a voulu
que le pays qui connaît le plus de sécurité, se retrouve isolé, pour ne pas
dire assiégé, par les effets de cette résolution. Les Israéliens ont eu le
sentiment d’avoir été abandonnés.
Cependant on ne doit pas oublier que la France
d’abord, puis les États-Unis, ont joué un rôle vital dans le maintien de la
suprématie militaire d’Israël. Ils ont renforcé ses capacités économiques et
fait jouer le droit international pour le protéger. Mais Israël a besoin de se
sentir épaulé par les puissances occidentales pour garantir sa sécurité. La
résolution 2334 a semé un doute à ce sujet. Israël attend de Trump l’assurance
que le dernier épisode Obama est terminé.
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