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jeudi 5 janvier 2017

L'Egypte et les dessous de la résolution de l'ONU



L’ÉGYPTE ET LES DESSOUS DE LA RÉSOLUTION DE L’ONU

Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps 
            
Construction illégale à Nevé Ativ près de la frontière syrienne

          La résolution 2334 de l’Onu a fait l’objet de multiples tractations de couloir avant son adoption définitive. L’Égypte a joué un grand rôle, d’abord pour l’initier et ensuite pour l’amender avant de la retirer. Cette résolution, qui dénonce les implantations de Cisjordanie, a été mal préparée et n’a pas été planifiée au point d’être considérée comme une opération de dernière minute. Elle a été votée le 23 décembre, juste avant les fêtes de Noël, le dernier jour de travail de l’ONU, avant l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche le 20 janvier.



            On s’est étonné de cet empressement de l’administration américaine au point de l’interpréter comme la dernière volonté de Barack Obama qui voulait, tardivement, se venger de l’attitude de Benjamin Netanyahou à son encontre. Et pourtant le président américain n’a jamais montré d’agressivité, ou d’insistance, dans ses tentatives de proposer une solution au conflit palestinien. Il donnait au contraire l’impression de traiter par le mépris les manœuvres de Netanyahou lorsque ce dernier avait tenté de retourner le Congrès à l’occasion de l’accord sur le nucléaire signé en mars 2015. Il avait considéré son discours véritablement comme une ingérence des Israéliens dans les affaires intérieures américaines.
Implantation d'Ofra

            Il a donc choisi les derniers jours de 2016 pour infliger un camouflet politique au premier ministre Netanyahou. C’est véritablement un petit geste sans conséquence matérielle, autre que psychologique, quand on sait que Obama avait les moyens, comme Bush père, de bloquer l’aide militaire annuelle passée de 33 à 38 milliards de dollars. Certes l’augmentation de 15% ne compensait nullement la variation du coût de la vie et l’accord est restrictif puisqu’il interdit au Congrès de voter d’autres aides sous peine d’imposer le remboursement à Israël.
F-35

            Mais il faut relever qu’Obama, durant ses deux mandats, n’a jamais agi une seule fois contre Israël. Il a toujours opposé son veto à l’Onu ; il a créé un pont aérien pour fournir les munitions lorsqu’Israël était en manque durant la guerre avec Gaza ; il lui a vendu les meilleurs avions furtifs F-35 du monde alors que d’autres pays en avaient fait la demande. Bref, il tenait à ce qu’Israël ait la meilleure défense au Moyen-Orient. On ne pourrait pas dire autant de certains pays européens qui ont été lavés de tout soupçon de traîtrise alors qu’ils apposaient leur signature au bas de plusieurs motions ou résolutions. Certains ont trouvé une explication à la «sollicitude» dont a fait preuve Obama à l’égard d’Israël, au cours de son second mandat. Il voulait ménager l’électorat démocrate qui vote à 70% pour Clinton afin d’assurer son élection. Une fois l’élection acquise à Trump, Obama n’avait plus aucune raison de caresser les Juifs américains dans le sens du poil. 
            De son côté, l’Égypte a été accusée à tort de traîtrise. Dans ces gesticulations onusiennes, elle s’est pourtant comportée en véritable alliée d’Israël. Elle était redevable auprès des pays arabes de lui avoir permis d’obtenir un siège au Conseil de sécurité, à charge pour elle de présenter un projet de résolution dans le sens des revendications palestiniennes. Mais la veille du vote, le président Al-Sissi avait donné ordre à sa délégation à l’ONU de retirer le projet lorsqu’il a été convaincu que les États-Unis n’avaient pas l’intention de faire jouer leur droit de veto. L’Égypte voulait bien faire un geste en faveur des États arabes, mais elle n’était pas prête à attenter aux intérêts fondamentaux israéliens.
Daesh au Sinaï

            Depuis longtemps Al-Sissi avait exprimé ses réserves sur l’attitude des Palestiniens pour ne pas brader son amitié avec Israël. Depuis 2013, l’Égypte mesure les risques qu’elle encourt avec les djihadistes au Sinaï pour envisager de mettre en danger la collaboration avec les organisations sécuritaires israéliennes. C’est pour être conforme à cette stratégie que les mesures ont été prises contre la bande de Gaza avec la destruction des tunnels et des villages frontaliers. L’Égypte était aussi redevable à Israël des frappes de drones contre les terroristes du Sinaï, en juillet 2016 en particulier. Les frappes avaient été réalisées avec la bénédiction du Caire.
            Le groupe terroriste Ansar Bayit al-Maqdes, qui avait promis allégeance à Daesh, avait pris pour cible les forces de sécurité égyptiennes stationnées dans le Sinaï. Afin d'aider le président égyptien al-Sissi à combattre la présence terroriste dans le Sinaï, Israël avait permis à l'Égypte d'augmenter ses forces déployées au Sinaï, limitées selon les accords de paix de Camp David signés en 1979. Ainsi à l’ONU, l’Égypte n’a pas voulu aller à l’encontre des intérêts israéliens et a préféré retirer sa résolution quitte à brader la cause palestinienne. Puisque les États arabes ne montraient aucun activisme en faveur des Palestiniens, l’Égypte et la Jordanie avaient d’ailleurs choisi de nouer des alliances avec Israël qui pouvait leur faire gagner un appui international dans le monde. Par ailleurs le régime faible d’Al-Sissi savait qu’en se mettant du côté d’Israël, il s’assurait le soutien de Londres, Paris et Washington.
            Mais l’Égypte ne s’attendait pas à cette levée de boucliers contre sa résolution, pourtant retirée et encore moins à la déception de la classe politique israélienne. Les Israéliens ont accusé Barack Obama de trahison pour avoir été à l’origine de cette résolution ou au moins pour l’avoir encouragée : «L’administration Obama a non seulement échoué à protéger Israël contre cette alliance contre le pays à l’ONU, elle a pactisé avec elle en coulisses». Le paradoxe a voulu que le pays qui connaît le plus de sécurité, se retrouve isolé, pour ne pas dire assiégé, par les effets de cette résolution. Les Israéliens ont eu le sentiment d’avoir été abandonnés. 

          Cependant on ne doit pas oublier que la France d’abord, puis les États-Unis, ont joué un rôle vital dans le maintien de la suprématie militaire d’Israël. Ils ont renforcé ses capacités économiques et fait jouer le droit international pour le protéger. Mais Israël a besoin de se sentir épaulé par les puissances occidentales pour garantir sa sécurité. La résolution 2334 a semé un doute à ce sujet. Israël attend de Trump l’assurance que le dernier épisode Obama est terminé.


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