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mardi 17 janvier 2017

Macron, invention des media et des sondages


MACRON, INVENTION DES MEDIA ET DES SONDAGES
Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps 

          

          Une véritable folie s’est emparée de l’opinion publique française, manipulée par les media et les sondages, pour pousser les électeurs à rejoindre le nouveau gourou. Il faut savoir gré à Emmanuel Macron d’avoir compris le système audio-visuel puisqu’il l’exploite au maximum. Les journalistes sont à ses pieds parce qu’ils craignent de rater l’épisode sans lequel ils seraient ringardisés. Comme s’ils n’avaient pas suffisamment d’informations à se mettre sous la dent, ils suivent le parcours de la nouvelle coqueluche qui renverse les codes établis.




            Macron agit comme un libérateur d’idées jusqu’alors sclérosées alors que rien de nouveau ne passionne les électeurs. À voir la tristesse et l’inanité du débat sur les primaires de la gauche, il comprend qu'il faut changer la donne pour impliquer les électeurs dans la politique nationale. Les partis n’ont pas innové et ils ressassent les mêmes arguments éculés, les mêmes diatribes, les mêmes invectives avec des discours trop longs qui désorientent les Français, vite déconnectés.
            Macron s’est donc forgé une image du renouveau, faisant croire qu’il n’est pas un homme des partis alors qu’il doit son existence politique à l’un d’entre eux. À son actif, il a réussi à ringardiser tous les autres candidats, pourtant encore jeunes, qui diffuse leur bouillie politique sans innover, sans coller aux thèmes du nouveau siècle. La presse, avide de sensationnel, joue le jeu du candidat parce qu’elle lui permet de développer ses ventes tout en donnant l’impression de s’agenouiller devant le nouveau Dieu. Elle va très vite en besogne, ignorant la réalité démocratique qui transforme en étoile filante les candidats sans assise politique.
Macron à l'Elysée

            Il attire parce qu’il est jeune mais il n’a dirigé aucun parti ; Il fait croire qu’il dispose d’un programme élaboré alors qu’il ne s’agit que d’incantations non chiffrées et qu’il ne peut se prévaloir d’une expérience des affaires de l’État. Il n’a jamais été conseiller municipal et ni maire pour toucher du doigt aux affaires de la Cité. Il n’a pas affronté les élections qui tannent le cuir d’un homme politique. Il connaît certes les affaires financières et la banque mais ne s’est pas distingué à son poste au ministère des finances où nul ne se hasarderait à affirmer qu’il y a brillé.

            On compare Macron à Matteo Renzi alors qu’il s’agit d’une autre pointure qui a un long passé de militant. L’Italien avait participé aux élections parlementaires de 1996 au Parti Démocrate qui lui ont permis d’être élu président de la province de Florence en 2004 et de devenir maire de la ville de Florence en 2009. Il a pris les fonctions de secrétaire du PD avec mission, aux élections du mois de février, d’organiser une grande coalition gouvernementale alliant la gauche, le centre et la droite.  Il a occupé le poste de président du Conseil.
Alexis Tsipras

            On compare Macron aussi à Alexis Tsipras, pour sa jeunesse certainement et non pas pour son passé politique. Le Grec était tombé dans la marmite politique dès son adolescence. Il s’était engagé à la fin des années 1980, dans les Jeunesses communistes grecques, au lycée où il fut membre influent du mouvement lycéen. Il entra au bureau exécutif du syndicat des étudiants puis se fit élire au comité central de l'Union nationale des étudiants de Grèce. De 1999 à novembre 2003, il devint le premier secrétaire politique de la section de la jeunesse du parti Synaspismos, «Coalition de la gauche, des mouvements et de l’écologie».  Il participa à toutes les manifestations internationales contre la mondialisation néo-libérale et en décembre 2004, il fut élu membre du comité central du parti, puis au secrétariat politique. Il participa aux élections locales de 2006 à Athènes pour obtenir un poste de conseiller municipal.
Justin Trudeau

            Enfin on compare Macron au canadien Justin Trudeau qui déjà, le 29 avril 2007, avait été choisi par les militants du Parti libéral du Canada comme candidat dans la circonscription de Papineau. Il remporta le siège puis fut réélu en 2011 et en 2015. Il devient chef du Parti libéral le 14 avril 2013 après avoir obtenu 80,1% des voix. Il a gagné les élections fédérales le 19 octobre 2015 et fut désigné Premier ministre.
            Ces exemples auxquels se réfèrent les journalistes montrent que la politique est un métier et non un casting pour un concours de beauté ou pour la une de Match. Il existe des étapes à franchir avant de pouvoir aspirer aux plus hautes fonctions. Il est important de passer par la case élections pour obtenir une certaine légitimité de la part du peuple. Or ce n’est pas le cas de Macron. Confier l’avenir de la France à un débutant fait courir au pays un grand risque, le même risque, pour d'autres raisons, que si Jean-Luc Mélenchon ou Marine Le Pen étaient choisis. Par ailleurs il ne peut se prévaloir de relais dans les institutions locales, les seules à relayer la parole du candidat pour lui donner une assise politique.
            Les Français ne sont pas dupes et ils l’ont montré récemment à l’occasion des choix auxquels ils étaient confrontés. Ils font joujou avec les media, la presse people et les sondages en leur faisant miroiter des illusions mais réagissent autrement devant l’urne, ce qui explique d’ailleurs les écarts entre les sondages et les résultats finaux. Éric Fottorino, ancien directeur du Monde, avait fait le bon diagnostic : «Les enjeux de pouvoir sont de ceux qui vous font perdre des amis et gagner des courtisans».  Macron s’est brouillé avec ses amis au gouvernement et avec son mentor François Hollande. Il a perdu des amis et gagné une multitude de courtisans dont les positions sont versatiles. 
            L’engouement pour ce personnage risque de prendre l’eau lorsque la réalité s’imposera. La bulle explosera très vite après ce petit moment de plaisir médiatique auquel s’adonnent les Français. L’Histoire nous rappelle les rêves auxquels ont été confrontés Édouard Balladur en 1994, et Alain Juppé en 2016, qui avaient pourtant une expérience de haut niveau des affaires publiques. Très hauts dans les sondages, ils se sont effondrés sur la dernière ligne droite parce qu'ils étaient une créature des media et malgré les articles laudatifs.
            Cette fougue derrière Macron a quelque chose d’irrationnel parce qu’elle n’est fondée sur rien de concret. Les ralliements d’hommes politiques sont timides. Certes Jean-Marie Cavada et Corine Lepage l’ont rejoint mais ce sont des habitués des changements de veste en fonction du sens du vent. Les soutiens de Macron ne le jugent pas sur son programme mais ils adoubent un nouveau produit médiatique, bien empaqueté et bien vendu mais qui au final décevra vite car la politique n’est pas une illusion, un instant de délire, un espoir sans lendemain.

            Le programme de Macron est l’auberge espagnole de ce qui peut plaire à tout le monde, à savoir les libéraux et la gauche. Il propose une troisième voie sans chiffrer sérieusement ses propositions. Il veut supprimer les cotisations maladie et chômage payées par les salariés en augmentant la CSG qui touche les actifs, les retraités et les revenus du capital. Il veut assouplir les 35 heures en proposant aux jeunes de travailler plus de 35 heures par semaine, mais 30 à 32 heures seulement pour les seniors. Pour «doper l'esprit d'entreprendre» il veut garantir le chômage aux indépendants, aux autoentrepreneurs comme aux salariés s’ils décidaient de démissionner.
            Macron veut «protéger le pouvoir d'achat des petites retraites» en modulant l'âge de départ à la retraite en fonction des métiers, en la faisant passer de 60 ans minimum à 67 ans maximum. Il veut créer plus d’autonomie pour les établissements et donner la priorité à l'éducation, et notamment à l'école primaire. Il refuse le système d'école primaire unique, pour aider notamment les écoles des quartiers en difficulté. Il prévoit une réforme administrative pour supprimer certains départements situés dans les zones les plus urbanisées tout en les maintenant dans les zones rurales.  Enfin il veut restaurer l'autorité de l'État en créant «10 .000 fonctionnaires de police et de gendarmerie sur les trois premières années du quinquennat» et «en recréant une nouvelle police de proximité».

            Le bateau Macron surfe aujourd’hui sur le désarroi des Français qui ont essayé la droite puis la gauche, en vain. Mais ce bateau risque de ne pas éviter les obstacles marins qui ramèneront à la raison l’électorat français. Macron aurait vraiment montré son courage politique s'il avait participé aux primaires de la gauche en candidat libre. Gagnant il aurait acquis une toute autre légitimité. Au final, les Français reviendront à leurs fondamentaux en choisissant les valeurs sûres de la politique, François Fillon ou le candidat de gauche, mais en éliminant sans aucun doute Marine Le Pen. Ils ne sont pas encore prêts à l'aventure, guidés par un "gamin" de la politique.


            «Le bonheur se révélait aussi fugace qu'une étoile filante dans le ciel, et pouvait disparaître d'un instant à l'autre», citation tirée de Un havre de paix de Nicholas Sparks. L'étoile filante, telle sera la qualification de l'épopée Macron. 

7 commentaires:

Arie WOLFF a dit…

Macron est une pure créature des médias comme l'a été Segolaine Royal en 2006/2007.
Ceci étant, il faut peut être s'interroger sur l'effet "Trump" qui semble se répandre en Europe, et qui pourrait créer bien des surprises.
Et pour terminer, les sondages, qui se trompent lamentablement à chaque élection

Unknown a dit…

Je ne suis absolument pas d'accord avec cette analyse. Il y a un grand nombre d’élus de droite comme de gauche qui ont rejoint Emmanuel Macron. Des spécialistes de l’économie comme Elie Cohen ou Ferry Pisani donnent au programme d'En Marche une crédibilité que vous lui niez. L’adhésion de plus de 140 000 électeurs pour leur majorité jeunes montre qu'il ne s'agit pas d'une étoile filante.Ceux qui connaissent le Parti Socialiste savent bien que c'est devenu une machine infernale. Le pays a besoin de reformes profondes qui nécessitent pour leur réussite un rassemblement allant bien au dela de la Droite ou de la Gauche, c'est pour cela que que Macron ira au bout.

Bernard Meyer a dit…

Force est de constater que la nouvelle idole des médias fait salle comble. De Paris à Lille en passant par Hénin Beaumont il séduit à gauche comme à l'extrême droite. Il est de bon ton d'aller applaudir la bête curieuse.
Il se définit comme étant un candidat hors système mais multiplie les clins d'œil des deux côtés de l'échiquier politique tout en lorgnant vers le centre droit.
Le grand écart n'a qu'un temps et son programme fourre-tout ne séduira au final que les bobos en mal de nouveauté, toujours à la recherche de ce côté "in".
Bien cordialement

Marianne ARNAUD a dit…

Cher monsieur Benillouche,

Si je ne m'abuse, votre site en est au moins au quatrième article qu'il consacre à Emmanuel Macron ! Cela ne vous donne-t-il pas l'impression d'être, vous aussi, en quelque sorte, "à ses pieds" et de "jouer le jeu" de ce candidat ?

Très cordialement.

Jacques BENILLOUCHE a dit…

Chère Marianne,

Avec la différence que mes articles ne sont pas très laudatifs à son égard.

J'ai décidé de ce dernier article sur lui après les nombreux mails qui cherchaient à me convaincre de le rejoindre.

Cordialement

Marianne ARNAUD a dit…

Si on s'en tient à ce que disait déjà Léon Zitrone, journaliste "plénipotentiaire audiovisuel" selon Libération : "Qu'on parle de moi en bien ou en mal, peu importe. L'essentiel c'est qu'on parle de moi", peu importe que vos articles sur Macron soient ceci ou cela, l'essentiel est que vous en parliez.

andre a dit…

Article courageux sinon téméraire.
Si Macron parvient au second tour, IL battrait Fillon et écraserait Le Pen .
IL peut parfaitement éliminer le candidat PS et Melenchon et parier sur l'effondrement de Fillon ou de Le Pen pour être qualifié.
André M Tribune juive