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mercredi 26 juin 2013

QATAR : LA MAIN DES ÉTATS-UNIS



QATAR : LA MAIN DES ÉTATS-UNIS

Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps


Dans le cadre d'une mini-révolution de Palais, Cheikh Hamad ben Khalifa Al Thani a cédé le pouvoir à son fils, cheikh Tamim. Cette décision représente en fait une mesure de sauvegarde du régime du Qatar. Les révolutions, qui grondent dans les pays arabes, ont amené l’émir sortant à prendre des mesures conservatoires en nommant son fils pour calmer la mauvaise humeur qui s’exprime au sein même de son Palais. En fait l’émir Hamad a préféré céder son pouvoir pour ne pas être contraint à le quitter. Il s'est souvenu qu’il était arrivé au pouvoir en 1995 après avoir déposé son père.




La folie des grandeurs


Le premier ministre qatari Hamad Bin Jassim


En effet des sources d’informations fiables ont fait état de confusions sécuritaires «graves»  qui seraient survenus au Qatar au cours du mois de juin, dans l’ambiance feutrée du Palais. La chaine de télévision al Irakiya affirme que, le 13 juin, ont éclaté des troubles dont l’origine reste un mystère. Il semblerait que des changements de postes avaient été planifiés qui touchaient des figures dirigeantes du Palais sans qu’on puisse les lier aux évènements qui déchirent la Syrie. Les américains seraient à l’initiative de ce transfert de pouvoir car ils tenaient à écarter le premier ministre, au centre des inquiétudes exprimées par les voisins du Qatar au sujet des ingérences de plus en plus flagrantes de l’émirat dans les affaires internationales. Plusieurs voix s’élèvent pour dénoncer le «financement» des groupes djihadistes, au Mali en particulier.

Depuis quelques années, cette monarchie absolue nourrit des ambitions démesurées et n’a de cesse que d’étendre son influence dans la région en prenant prétexte des Printemps arabes. On sait que, depuis que le Qatar s’est allié avec l’Otan pour renverser Kadhafi en Libye, il est devenu un acteur «diplomatique» incontournable dans le nouvel échiquier régional et un riche interlocuteur privilégié pour l’Occident. Mais le Qatar semble avoir été pris par la folie des grandeurs.



Changement dans la Continuité



Le prince héritier n’est pas un néophyte en matière politique car il a déjà la responsabilité de plusieurs dossiers sensibles de politique étrangère. Après l’obtention en 1998 de son diplôme de l’académie militaire britannique de Sandhurst,  il est devenu commandant en chef adjoint des forces armées et responsable de la gestion de l'armée et des problèmes de sécurité. Parce qu’il a été mêlé aux décisions du régime, il ne faut pas s’attendre à beaucoup de changement d'autant plus que certains observateurs internationaux le décrivent comme plus conservateur que son père.

Il est à l’origine du soutien aux révoltes arabes, et particulièrement aux Frères musulmans d’Égypte et il utilise la manne considérable de la production de gaz naturel de l’émirat pour imposer sa politique non seulement aux 1,7 million d’habitants, dont seulement 250.000 Qataris, mais aussi et surtout à de nombreuses entités islamistes comme le Hamas en particulier. Mais l’émirat a une influence disproportionnée par rapport à l’étroitesse du pays grand comme la moitié d’Israël, avec un espace de 11.437 km2.
Base d'Al-Udeid

C’est d’ailleurs pour cela qu’il a besoin de se protéger de ses ennemis. Il a accepté la présence d’une base militaire aux États-Unis. Al Udeid est devenue la plus grande base militaire aérienne américaine hors frontières. Dès 1996, l’émir avait accueilli sur son territoire du matériel et des équipements militaires américains qui pouvaient armer toute une brigade. Ensuite, la base s’est agrandie, au fur et à mesure des années, pour accueillir 30 avions de chasse et 4 avions de transport. En contrepartie, le Qatar a reçu la protection américaine et celle de l’OTAN en prenant en charge les coûts militaires qui s’élèvent à plus de 1 milliard de dollars. La base américaine fonctionne comme un hub pour toutes les opérations au Proche-Orient et a été utilisée dans les  guerres de la région, comme l’Afghanistan, ou comme quartier général  de la guerre contre l’Irak en 2003.



Influence américaine



L’influence des États-Unis est donc décisive au Qatar. Ainsi les Américains s’inquiétaient de la compétition de plus en plus destructrice entre le Qatar et l’Arabie, l’un proche des Frères musulmans et l’autre d’inspiration salafiste. Ils comptent sur le prince héritier Tamim, qui entretient des bonnes relations avec l'Arabie saoudite voisine, pour jouer dans l’intérêt de l’occident un rôle majeur dans l'amélioration des relations tendues depuis 2007. La guerre de Syrie a permis de revenir aux alliances naturelles puisque  Riyad fustige le Hezbollah et promet d’aider les rebelles à se défendre selon le même souhait que le Qatar. 

En mai 2011 la rencontre houleuse entre Bachar el-Assad et le premier ministre qatari avait signé la fin de l’idylle entre les deux pays. Cette rupture a constitué un changement radical de la diplomatie de l’émirat car depuis l’accession au trône de Cheikh Hamad, le Qatar avait été  le fer de lance d’un axe diplomatique fort avec la Syrie et l’Iran dont le but était de faire contrepoids au tandem Égypte-Arabie saoudite. Les américains ont estimé qu’il fallait siffler la fin de l’antagonisme arabo-qatari car Doha prenait constamment le contrepied des choix diplomatiques de son puissant voisin.

Mais depuis les révolutions arabes, le Qatar s’est rapproché de Riyad qui nourrissait une profonde aversion pour le régime bassiste de Damas. Doha a donc préféré lâcher son ancien allié syrien en misant sur une chute du régime. L’émirat a compris qu’il devait soutenir les révoltes populaires qui débouchaient sur la victoire électorale de formations islamistes dont la plupart se sont rapprochées du Qatar. Il pouvait ainsi noyauter les révolutionnaires qui se recommandaient de lui et s’inspiraient de son idéologie islamique. Dès l’été 2011, les autorités qataries ont donc décidé de prendre fait et cause pour la révolte syrienne.

La jeunesse du nouvel émir ne le désigne pas automatiquement pour être un grand réformateur moderne. Ses deux épouses qui lui ont fait six enfants, comme l’islam l’y autorise, ne font pas de lui un tenant du modernisme. Il fait certes partie de la nouvelle génération mais il lui reste à prouver qu'il veut démocratiser les méthodes de gouvernance pour tendre vers une monarchie parlementaire. On lui attribue volontiers un pragmatisme qui lui permettrait de jouer le rôle de médiateur dans les crises des pays arabes. Il dispose en effet de la puissante chaine de télévision Al-Jazeera qui diffuse dans le monde, de manière insidieuse, son idéologie. 
L'émir Hamad et Tsipi Livni

Il reste à savoir s’il maintiendra, comme son père, ses liens étroits avec Israël, sans exclusive puisqu’il affiche publiquement sa sympathie envers le mouvement radical palestinien Hamas.


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