LE BEST-OF DES ARTICLES LES PLUS LUS DU SITE, cliquer sur l'image pour lire l'article


 

samedi 1 octobre 2022

Israël sur la voie de l'extrême-droite européenne

 

ISRAËL SUR LA VOIE DE L’EXTRÊME-DROITE EUROPÉENNE

Par Jacques BENILLOUCHE

Copyright © Temps et Contretemps

           

Leaders de l'extrême-droite européenne

        On ignore souvent concrètement les conséquences de l’avènement d’un régime d’extrême-droite dans un pays. Les changements prennent alors plusieurs formes autoritaires qui s’expriment contre la population et surtout contre ses élites considérées comme de mauvais génies pervertissant le bon peuple et bloquant la bonne marche vers un avenir imposé. On parle alors de fascisme au sens large lorsqu’il rejette les droits de l'homme, le communisme, l'anarchisme, les libertés individuelles et le libéralisme politique et lorsqu’il prône le parti unique. L’extrême-droite au pouvoir peut prendre plusieurs formes mais le fondement et l'idéologie restent les mêmes.



Viktor Orban


            Le premier pays à mettre l’extrême-droite au pouvoir est La Hongrie. Le nationalpopuliste Viktor Orbán, devenu héros des extrêmes-droites du monde occidental est arrivé au pouvoir en 2010 en rognant sur les libertés acquises. Le code du travail a été modifié au profit des employeurs qui peuvent licencier sur de vagues raisons. Le droit de grève a été limité et le rôle des syndicats affaibli. Les allocations chômage ont été limitées à 3 mois et les chômeurs dirigés automatiquement vers un travail obligatoire. La Hongrie est devenue un paradis fiscal où les revenus des entreprises sont les moins taxées en Europe tandis que la TVA est la plus forte d’Europe avec un taux d’imposition unique sur le revenu. Le droit d’asile a été aboli. La théorie du «grand remplacement» a été appliquée : «Soit nous aurons un gouvernement national, et la Hongrie restera un pays hongrois et nous nous battrons pour une Europe européenne ; soit nous aurons un gouvernement internationaliste, qui sera essentiellement installé par George Soros, et alors la Hongrie deviendra un pays d’immigration».

Le poids de l'extrême-droite en Hongrie
l

Les auteurs antisémites et pronazis ont été imposés dans les écoles ainsi que des cours de religion en même temps que les valeurs culturelles chrétiennes, l’attachement à la patrie et à la famille. Le contrôle des universités a été transféré à des fondations verrouillées par le pouvoir tandis que la presse a été reprise en main ainsi que la radio. Aucun débat politique n’est autorisé. Une police politique, aux mains des autorités, échappe au contrôle des juges. La Constitution sur mesure verrouille le système législatif en appliquant des lois qui ne sont abrogeables qu’avec les 2/3 de l’Assemblée nationale. L’histoire de la Shoah a été réécrite pour dissimuler les responsabilités hongroises. Un seul bémol pour les Juifs, la communauté juive orthodoxe Loubavitch a obtenu le statut d’Église officielle subventionnée par l’État.

Jaroslaw Kaczynski


La Pologne est l’autre cas modèle où la droite nationaliste n’a plus jamais lâché le pouvoir. Le Mur de Berlin a accéléré beaucoup plus vite la recomposition politique dans les anciens pays communistes de l’Europe de l’Est. De fait, ils ont anticipé de beaucoup le clivage politique. Comme dans la plupart des pays à l’est de l’Europe, les anciens apparatchiks communistes se sont empressés de devenir, le plus souvent, des «sociaux-démocrates», en embrassant la logique du libéralisme pour se reconvertir. Jarosław Kaczyński est moins connu qu’Orban mais il est le réel leader de la Pologne depuis plus de 10 ans. Il a pris le pouvoir à la suite de la recomposition de son pays en deux nouveaux partis. L’un avec le libéral Donald Tusk, dont l’affairisme a fait sombrer le parti et l’a décrédibilisé pour un long moment. L’autre avec le PiS, le parti des frères jumeaux Kaczyński, deux des chevilles ouvrières du fameux syndicat Solidarność.

Il s’agit donc d’une droite nationaliste et autoritaire, qui a un discours très fort sur le social et une critique très profonde du libéralisme permettant à la population d’adhérer au programme très social. Mais elle contrôle tout dans le pays, les médias, la justice, l’économie et l’Église. Les élections se succèdent et l’extrême droite gagne toujours. Le monopole des moyens de l’État est trop fort quand il est aux mains des populistes autoritaires. La plupart des Polonais ont approuvé les gouvernements du PiS de Jarosław Kaczyński, surtout sur le plan économique. Des droits basiques tels que les allocations familiales et le SMIC n’étaient pas disponibles avant la droite nationaliste. Mais au revers de la médaille le pays a sombré dans l’autoritarisme.  Une fois au pouvoir, l’extrême droite ne le lâche plus. Elle casse l’école, l’ouverture de la société à l’autre, elle ment, elle manipule les médias, et ronge le pays de l’intérieur en faisant vivre les positions extrêmes, sans qu’un débat politique soit possible. L’extrême-droite au pouvoir ne respecte jamais les valeurs de démocratie, de pluralisme et d’égalité. L’audiovisuel public est entre les mains du gouvernement pour diffuser du contenu aux accents propagandistes, frôlant parfois la caricature. L’appareil judiciaire a été mis au pas.

L'extrême-droite en Suède


Ailleurs en Europe, l’extrême droite gagne du terrain. En Suède, le parti nationaliste, est devenu la deuxième force politique. Il était impensable il y a quelques années de voir des militants vanter ouvertement les idées de l’organisation néo-nazie «Mouvement de résistance nordique». Le parti des Démocrates de Suède, fondé par des nationalistes et des néonazis à la fin des années 1980, a réalisé 20% des voix, derrière les sociaux-démocrates. Il permet à la coalition de droite de battre sur le fil le bloc de gauche (sociaux-démocrates, écologistes et gauche radicale). L’extrême-droite entre donc au gouvernement.

La campagne a été largement dominée par les thèmes de l’insécurité et de l’immigration, les sujets de prédilection de l’extrême droite. Les problématiques d’intégration des immigrés, en particulier ceux originaires du Moyen-Orient, sont utilisées pour expliquer l’augmentation des règlements de compte entre gangs, le plus souvent liés au trafic de drogue. À droite comme à gauche, les partis se sont saisis de ses questions et ont durci leurs positions sur l’immigration. La montée en puissance de l’extrême droite a fini par submerger la digue qui la dissociait de la droite classique. La droite conservatrice traditionnelle est en grand danger de disparaître car elle n’a pas pris la mesure du phénomène.  Pour s’assurer une place au pouvoir, cette droite en déclin envisage désormais tranquillement une coopération plus ou moins approfondie avec l’extrême droite. C’est la fin du «cordon sanitaire». Il y a encore quatre ans, en Suède, il était impensable de négocier avec les nationalistes. L’extrême-droite est désormais présentée comme «respectable» et ses fondateurs néonazis à l’origine du parti sont négligemment oubliés. Elle se prépare à la guerre civile en ciblant Juifs et musulmans.

La France ne fait pas exception à cette montée des extrêmes, avec un record historique de sièges à l’Assemblée nationale pour le RN en avril. Seuls deux pays européens échappent e à la montée de l’extrême droite : l’Allemagne en raison de son Histoire et le Royaume-Uni par suite d’un système électoral uninominal à un tour.

giorgia meloni


En Italie, les élections viennent de placer en première ligne Georgia Meloni, cheffe du parti d’extrême-droite les Frères d’Italie (Fratelli d’Italia). L’alliance des droites dirigée par son parti a obtenu plus de 44 % des suffrages, une majorité claire et nette, tant à la Chambre des députés qu’au Sénat. La nouvelle alliance comprendra une alliance avec la Ligue du Nord, parti de Matteo Salvini également à l’extrême droite, et Forza Italia, le parti très à droite de l’ancien Premier ministre Silvio Berlusconi.

Cette Romaine de 45 ans qui, jeune militante, disait admirer Mussolini, est parvenue à dédiaboliser son image et rassembler sur son nom les peurs et les colères de millions d'Italiens face à la flambée des prix, au chômage, aux menaces de récession ou à l'incurie des services publics. Le prochain gouvernement devra notamment gérer la crise causée par l'inflation galopante, l'Italie croulant déjà sous une dette représentant 150% du PIB, le ratio le plus élevé de la zone euro derrière la Grèce. Mais l’Italie, qui a toujours subi une instabilité gouvernementale chronique, a conclu un mariage de raison entre trois alliés aux ambitions différentes qui donnent à la coalition victorieuse une durée de vie limitée. Mais si la victoire de Giorgia Meloni et de sa coalition constitue une nouvelle forte percée populiste, pour l’instant, elle ne donne pas à penser que la solidité institutionnelle de la démocratie soit menacée.

Itamar Ben Gvir


En Israël, si l’on croit les sondages d’opinions qui se sont toujours trompés, la droite de Netanyahou pourra obtenir une majorité étriquée de 61 sièges sur 120 avec l’appoint des 12 ou 13 sièges des deux dirigeants extrémistes Bezalel Smotrich et Itamar Ben Gvir. Cela n’étonne plus car depuis plusieurs années déjà l’opinion israélienne s’est déplacée à la droite de l’échiquier politique.  Netanyahou avait toujours refusé de s’allier avec le diable Ben Gvir mais aujourd’hui il tient à revenir au pouvoir et donc toutes les ficelles sont bonnes. Après l’interdiction de Kach en Israël, Ben Gvir avait été inculpé à huit reprises, notamment pour incitation au racisme et soutien à une organisation terroriste de feu le rabbin Kahana. Pendant près de dix ans, Ben Gvir, paria politique autrefois boudé par le Likoud et l’establishment de droite, a tenté d’entrer au Parlement israélien mais il n’a jamais réussi à franchir le seuil des 3,25 % requis pour prétendre à un siège.

Rabbin Kahana


À l’approche de l’échéance du 1er novembre 2022, Benjamin Netanyahou, craignant de perdre des voix à sa droite, a fait pression sur le Parti sioniste religieux, pour qu’il fusionne sa liste avec celle de Force juive (Otzma) de Ben Gvir qui est totalement opposé à toute négociation avec les Palestiniens. Son parti est le successeur idéologique du parti Kach, une formation suprémaciste juive et raciste réclamant l’expulsion des citoyens arabes du pays et l’instauration d’une théocratie. Il insiste également sur la refonte du système judiciaire israélien afin de mettre l’accent sur les valeurs juives plutôt que sur les valeurs démocratiques, en particulier en ce qui concerne les droits des minorités. Otzma son parti revendique l’annexion de toute la Cisjordanie, mais sans accorder aux Palestiniens la citoyenneté israélienne et il souhaite expulser d’Israël les citoyens arabes «déloyaux». Il encourage les arabes en général à émigrer afin de renforcer le caractère juif d’Israël. Le parti insiste également sur la refonte du système judiciaire israélien afin de mettre l’accent sur les valeurs juives plutôt que sur les valeurs démocratiques, en particulier en ce qui concerne les droits des minorités.

Itamar Ben Gvir vu tenant une décoration de la voiture du Premier ministre Yitzhak Rabin,


Il a fait parler de lui en 1995 lorsqu'il brandit à la télévision israélienne l’emblème d’une Cadillac, le véhicule du Premier ministre Yitzhak Rabin : «On est arrivés à sa voiture. On arrivera jusqu’à lui aussi». Yitzhak Rabin sera assassiné quelques semaines plus tard par un autre militant d'extrême droite. Avoir un parti kahaniste dans la coalition serait une situation sans précédent en Israël, et ce serait une façon de légitimer les opinions racistes et extrémistes d'Otzma. Les alliés d’Israël à l’étranger s’inquiètent déjà, en particulier les États du Golfe.

En 2019, lorsqu'Otzma avait rejoint un bloc de partis qui semblait susceptible de le faire entrer à la Knesset, le Comité juif américain avait déclaré qu'il se sentait «obligé de s'exprimer», qualifiant les opinions du parti de «répréhensibles». L'AIPAC a approuvé ces termes en disant qu'il boycotterait le parti.

1 commentaire:

Menasce a dit…

Bonjour M.Benillouche,

"Elle se prépare à la guerre civile en ciblant Juifs et musulmans". Cette phrase visant le parti des "Démocrates de Suède" n'est pas documentée. Dans The Times of Israêl du 5 décembre 2016, je lis cette déclaration de Jimmy Akesson, président de ce parti, relative à l'exclusion d'une de leurs parlementaires, Anna Hagwall, à la suite de propos jugés antisémites: " « Depuis de nombreuses années, les Démocrates de Suède oeuvrent résolument à faire cesser les courants antisémites et les théories conspirationistes dans la société. Par ses déclarations, Anna Hagwall a porté préjudice à ce travail et à l’image du parti ». Cette déclaration semble contredire votre assertion. Avez vous plus de contenu à proposer à vos lecteurs sur le parti nationaliste suédois et son supposé antisémitisme ? Merci pour votre travail.