LE SILENCE DU HAMAS SUR L’ANNEXION
Par Jacques BENILLOUCHE
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Le chef du Hamas Yahya Sinouar, lors d’un rassemblement pour protester contre le projet d’annexion d’Israël, à Gaza, le 1er juillet |
Bien
sûr, il y a eu une déclaration commune du Hamas et du Fatah
qui s’engagent à «s’unir» contre le projet d’annexion israélienne. Mais
il s’agit seulement d’une déclaration de principe, sans grande portée, car la
rivalité qui persiste depuis plus de dix ans entre ces deux organisations
empêche toute action commune. Chacune évite de mettre l’autre à la lumière même
si certains projets israéliens leur donnent une occasion de s’unir. Ils ont
trouvé une union opportune de façade parce que tout les sépare et que la haine
a gangrené leurs relations. Ils peuvent difficilement s’entendre quand la religion
les sépare à la base ; le Fatah est profondément laïc depuis sa création
tandis que le Hamas est adepte des Frères musulmans.
Visioconférence |
Certes, ils ont fait l’effort d’une visioconférence de
presse commune au titre de la propagande et à destination de la population
palestinienne ; mais c’était cousu de fil blanc. Jibril Rajoub, secrétaire
général du Fatah s’est adressé par vidéo interposé à Saleh al-Arouri, dirigeant
du Hamas basé à Beyrouth. Pour Rajoub qui n'a pas choisi un cadre à Gaza : «Nous mettrons en place tous
les mécanismes pour assurer l'unité nationale et pour nous exprimer d'une seule
et même voix». En écho, Al-Arouri a déclaré : «J'affirme que
la position de la direction du Hamas est pour le consensus national. Cette
conférence de presse conjointe est d'ailleurs une opportunité pour entamer une
nouvelle étape au service de notre peuple en ces moments périlleux».
Il s’agit d’une pure séquence de
cinéma quand on sait qu’une dizaine d’accords d’unification ont été
signés sans aucune réalisation concrète et que les deux mouvements sont en
guerre armée permanente, pour ne pas dire en guerre civile. Le plan américain
prévoit une démilitarisation de la bande de Gaza qui ne pourra jamais être
acceptée par le Hamas et ses brigades Ezzedine el-Kassem. Mais pour autant, les
islamistes refusent de faire entendre leur voix car ils se sentent peu
concernés. D’ailleurs le Hamas ne participe à aucune des négociations avec les
Américains tandis qu’Israël ignore totalement Gaza dans ses projets d’annexion.
Certes quelques missiles ont été lancés vers le sud d'Israël mais il s’agit surtout d’une action du
djihad islamique qui veut marquer sa présence et son opposition à toute
négociation avec «l’entité sioniste».
Accord du 12 octobre 2017 au Caire |
Le chef du Hezbollah, Hassan
Nasrallah, a critiqué depuis Beyrouth le plan d'Israël d'appliquer la
souveraineté sur la Cisjordanie parce que «c’est la chose la plus dangereuse
de tout le Moyen-Orient. Notre préoccupation de notre situation économique ne
doit pas nous faire oublier la nécessité de nous tenir aux côtés des
Palestiniens dans leur lutte contre le plan d'annexion». Quant à la Ligue
arabe, fidèle à ses prises de position remarquées : «la proposition de
souveraineté israélienne était un nouveau crime de guerre contre les Arabes
palestiniens».
Gaza est pourtant inclus dans
le Deal du siècle de Donald Trump mais les Israéliens préfèrent que le
Hamas ne soit pas partie prenante dans l’accord final puisqu’il n’y a aucun
contentieux territorial avec les islamistes. L'idée est de faire perdurer la scission entre Cisjordanie et Gaza afin d’écarter toute
velléité de création d’un État palestinien. De leur côté, les Gazaouis
préfèrent s’organiser en autarcie si on leur donne ce qui leur est dû
financièrement. Israël approuve cette séparation de fait et d’ailleurs, le projet
israélien d’annexion ne mentionne pas Gaza. Cela ne pourrait pas en être
autrement car, dans le cadre d’un État binational qui se profile, beaucoup de
problèmes surgiraient pour attribuer la citoyenneté israélienne à tous les
Arabes dans une région à forte densité évaluée à 5.400 habitants par
kilomètre carré. Israël est déjà préoccupé par l’annexion des
populations arabes de la zone-C.
La Cisjordanie et Gaza constituent déjà deux entités
distinctes, avec deux gouvernements autonomes. Gaza ne figure dans aucun projet
et dans aucune négociation territoriale. L’accord d’Oslo de 1993 prévoyait certes
une unité territoriale mais Gaza reste exclu des réflexions israéliennes.
Le Hamas s’oppose de son côté à
toute modification statutaire qui entraînerait une mobilité des Palestiniens depuis la Cisjordanie et leur installation à Gaza qui souffre déjà d’un manque
d’industries, de terres et de PME alors que les statistiques prévoient que sa
population devrait doubler dans les trente prochaines années. Certes, nombreux
sont les Palestiniens qui rêvent d’espace, de voyages libres, de travail à
l’étranger et surtout d’études dans les grandes universités arabes. Ils peuvent
disposer de cela en cas de bonnes relations avec l’Égypte et avec Israël. Alors
l’annexion reste un fantasme abstrait pour Gaza car la population n’est
intéressée qu’à une vie normale, à une terre qui est la leur, à des droits
naturels. Elle est devenue plus pragmatique et loin des discussions
idéologiques sur l’égalité et la dignité.
Distribution de dollars à Gaza |
Le Hamas s’est montré très discret car il a obtenu
quelques avancées qu’il ne veut pas annihiler par une attaque contre l’annexion
qui le concerne peu. D’abord, il a obtenu l’autorisation des Israéliens pour
l’importation de 150 millions de dollars de dons en espèces en provenance du
Qatar pour soulager la misère de sa population. Sous couvert d’une autorisation
donnée à des «hommes d’affaires», plus de 10.000 ouvriers palestiniens
ont obtenu le droit de travailler en Israël. Enfin le Hamas ne souhaite pas
gâcher les négociations en cours pour l’échange de prisonniers, par
l’intermédiaire de l’Égypte.
Bref l’annexion les concerne peu. Le Hamas laisse cette patate chaude au Fatah de Mahmoud Abbas.
1 commentaire:
Cher monsieur Benillouche,
Ne sachant quel commentaire faire à votre article - mais vos autres lecteurs israéliens, plus concernés que moi par la question, n'ayant rien trouvé à dire non plus - voilà que ce matin, je découvre sur le site Atlantico, un article qui décrypte les raisons, bonnes et moins bonnes, qui prévalent dans la politique d'annexion de la Cisjordanie par Israël :
https://www.atlantico.fr/decryptage/3590988/pourquoi-israel-va-annexer-la-vallee-du-jourdain
A vous lire.
Très cordialement,
M.A.
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