L’IRAN ENVISAGE DES REPRÉSAILLES CONTRE ISRAËL
Par Jacques BENILLOUCHE
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Incendie de Natanz |
Les
«incidents» constatés au sein de l’usine nucléaire de Natanz reposent la
question de la stratégie israélienne vis-à-vis de l’Iran et de la position
d’Israël face à la menace nucléaire iranienne.
Si les Américains n’obtiennent pas du régime de Téhéran sa renonciation
au projet nucléaire, toutes les options sont ouvertes. Les experts occidentaux estiment
que le risque d’une attaque israélienne n’est pas exclu. On se souvient même
que Nicolas Sarkozy en son temps avait conseillé aux dirigeants iraniens
de renoncer au nucléaire militaire afin de leur permettre d’échapper à une «alternative
catastrophique : la bombe iranienne ou le bombardement de l’Iran».
Cliquer sur la suite pour voir trois vidéos de l'incendie
Mais de l’avis des principaux
experts israéliens des questions stratégiques, une attaque israélienne
d’envergure, sur le mode du bombardement Osirak, n’est plus d’actualité. La «doctrine
Begin» semble aujourd’hui obsolète. En 1977, dès qu’il avait pris la
direction du gouvernement, Menahem Begin avait affirmé qu’Israël «ne
s’accommoderait jamais de l’émergence à ses côtés d’une puissance nucléaire qui
menacerait son existence».
Osirak |
C’est pourquoi, dans la nuit du 5 au 6 avril
1979, du matériel nucléaire destiné à l’Irak et entreposé à la Seyne-sur-Mer avait
été détruit sur le territoire français pour retarder, mais non stopper, le
programme nucléaire irakien. Le 7 juin 1981 l’aviation israélienne avait reçu
l‘ordre de détruire en Irak la centrale nucléaire d’Osirak en fin de
construction. Enfin en septembre 2007, l’armée de l’Air israélienne détruisit
un site syrien situé sur l’Euphrate, près d’Al-Kibar, abritant une centrale
nucléaire livrée par la Corée du Nord.
La menace iranienne a pris
naissance dans les années 1990 lorsque les ayatollahs décidèrent de relancer le
programme nucléaire commencé au temps du Shah d’Iran. Mais l’option militaire de
décembre 1994 reste présente depuis que le responsable de la planification à l’État-major,
le général Uzi Dayan, avait déclaré qu’Israël pourrait mener une attaque
préventive contre les installations iraniennes avant qu’elles ne deviennent
opérationnelles.
En 2002, un opposant iranien avait
révélé l’existence de deux sites nucléaires, l’un consacré à l’enrichissement
d’uranium, à Natanz, et l’autre à l’eau lourde, à Arak. En septembre 2007,
Ahmadinejad avait révélé que l’Iran disposait de 3.000 centrifugeuses d’enrichissement
d’uranium en activité. On sait le sort qui leur avait été réservé par le virus Stuxnet. Par ailleurs il développait une capacité balistique importante dont le Sejil-2, d’un rayon d’action de plus de 2
000 kilomètres, pouvant atteindre Israël et fonctionnant au carburant solide, d’où une
possibilité de mise à feu plus rapide.
Cependant l’option d’une frappe
aérienne israélienne contre les installations nucléaires iraniennes s’éloignait
car elle représente pour Israël un scénario à haut risque entraînant une
nouvelle réflexion sur l’attitude à adopter face à cette nouvelle donne. La perception
de la menace iranienne a évolué et de nombreux experts israéliens battent en
brèche le discours officiel israélien, qu’ils qualifient de «construction
politique maladroite, contre-productive et éloignée des réalités stratégiques
du Proche-Orient». La plupart de ces experts ne croient pas que l’Iran
prendra le risque de se faire détruire par une attaque nucléaire de «seconde
frappe» qu’Israël peut lancer à partir de ses sous-marins Dolphin capables
de tirer des missiles de croisière et en permanence stationnés au large des
côtes iraniennes.
Une attaque aérienne contre les
installations iraniennes est toujours envisageable mais tous les experts
militaires conviennent que l’Iran n’est pas l’Irak. L’effet d’une attaque
aérienne surprise ne peut plus jouer. Osirak était une cible facile à ciel
ouvert. Les sites iraniens sont disséminés et profondément enfouis sous terre.
Certaines installations sont même ignorées des services de renseignement. Un
doute subsiste sur la capacité de l’armée de l’Air israélienne de détruire en
une frappe unique les installations nucléaires iraniennes, en raison de la
protection de béton qui les protège. La réussite d’Israël serait partielle.
C’est pourquoi la seule éventualité reste une guerre non nucléaire entre Israël
et l’Iran, qui pourrait se poursuivre sur
plusieurs années, via les alliés de l’Iran – Syriens, Hezbollah et Hamas.
Par
ailleurs, les Israéliens ne sont pas convaincus qu’ils obtiendraient le feu
vert américain alors que des rumeurs se répandent sur la volonté de Donald
Trump de négocier avec le président Rohani. On ne voit pas le gouvernement
israélien décider de mener une attaque sans l’accord des États-Unis, a fortiori
en cas de changement de gouvernance aux États-Unis. Ainsi, l’option militaire
est pratiquement abandonnée car Israël compte sur l’Administration américaine pour
renforcer ses capacités de défense antimissile.
Mais
le gouvernement Netanyahou pourrait être pris au piège de ses discours. Ses
menaces n’ont jamais impressionné les dirigeants iraniens. C’est pourquoi une
nouvelle stratégie a été mise en place tant que les services de renseignement
ne détectent aucun signe d’une attaque imminente contre Israël. Le premier ministre
laisse le Mossad tenter d’entraver le programme nucléaire iranien par des voies
secrètes, comme par exemple l’endommagement des installations.
Par ailleurs certaines voix
israéliennes pacifiques suggèrent, en raison de la crise économique et
sanitaire dramatique en Iran, d’ouvrir un dialogue indirect avec Téhéran,
comparable à celui qui s’est noué entre l’Union soviétique et les États-Unis du
temps de la guerre froide. Pour eux, une telle option est de l’intérêt commun des deux
parties si l’on veut atteindre la dénucléarisation du Proche-Orient. C’est
d’ailleurs pour cela que Donald Trump cherche à exploiter la situation
dramatique en Iran pour pousser ses propres pions.
Israël
développe donc ses capacités technologiques.
Le 6 juillet, le lancement, à partir d'un site de lancement basé dans le
centre d'Israël, du satellite de reconnaissance électro-optique aux capacités
avancées, Ofek 16, couvrira les besoins des services de renseignement et des
forces aériennes pour connaitre les réelles intentions des Mollahs.
Behrouz Kamalvandi |
Le
numéro deux de l'Organisation iranienne de l'énergie atomique, Behrouz
Kamalvandi, a évoqué «l’incident» qui avait provoqué un incendie dans le
site nucléaire de Natanz, au centre de l'Iran. Il a annoncé une nécessaire
reconstruction de la salle où l'incident a eu lieu, tout comme une remise en
l'état des dispositifs de métrage et de mesure qu'elle contenait, qui ont été «réduits
en cendres», retardant les plans en cours à Natanz sans pour autant les
paralyser puisque «le Conseil de sécurité national iranien qui s'occupe du
dossier a décidé d’accélérer la cadence, de reconstruire un site mieux équipé
dans des dimensions plus larges, et peut-être même en changer le lieu dans un
contexte dominé par des impératifs de défense».
Kheyvan Khosravi |
Les responsables de l’incendie
ne sont pas désignés mais, vu la cacophonie paniquée depuis plusieurs jours,
les yeux se tournent évidemment vers Israël qui bien sûr ne fait aucun
commentaire sur les événements étrangers. Selon les experts, Israël ne saurait
avoir monté le coup sans assistance internationale et régionale. Alors l’Iran informe
le monde entier, par la voix du porte parole du Conseil suprême de la sécurité
nationale, Kheyvan Khosravi, de l'ampleur de la riposte qu'il prépare contre ceux
«qui ont osé franchir le Rubicon, et visé le secteur stratégique qu'est le
nucléaire iranien».
Plusieurs hypothèses sont
avancées sur l’origine de l’incendie comme une frappe par des chasseurs furtifs
F-35 ou des F-22, par des drones ultra perfectionnés, par une cyberattaque ou
par sabotage par relais locaux au sein du ministère iranien du Renseignement.
L’hypothèse la plus probable nous vient du quotidien koweïtien de langue arabe
bien informé, Al Djarida. Selon le journal, deux avions de combat
israéliens de type F-35 avaient déjà survolé l'espace aérien iranien à
l’occasion de plusieurs exercices en 2018 et 2019 : «les deux avions
auraient traversé d'abord les espaces aériens, syrien et irakien, avant
d'entrer dans celui de l'Iran. Ces deux appareils auraient exécuté des vols de
reconnaissance et d'identification de cibles dans les régions de Bandar Abbas,
Ispahan et Chiraz. Les F-35 israéliens auraient volé à très haute altitude,
au-dessus d'autres régions le long du littoral du Golfe persique dont on pense
qu'ils abritent des installations liées au programme nucléaire iranien. Les
deux avions auraient réussi à échapper à tous les radars des défenses
antiaériennes des pays traversés».
F35 |
Cependant il n’est pas dans les
habitudes d’Israël de fanfaronner ; le ministre israélien de la Défense,
Benny Gantz, a certes prétendu qu’Israël ne tolérerait pas un Iran nucléaire
mais, «il ne faut pas tout mettre sur le compte d'Israël». Le ministre
israélien des Affaires étrangères Gabi Ashkenazi, a répondu en écho que «ce n'est
pas le genre d'information à affirmer ou à infirmer».
Israël attend cependant avec
sérieux les représailles iraniennes dont on ignore les formes.
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