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samedi 29 décembre 2018

Le débat permanent sur l'état de Tsahal



LE DÉBAT PERMANENT SUR L’ÉTAT DE TSAHAL

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright ©  Temps et Contretemps
            

          Le débat en Israël sur l’état d’impréparation de Tsahal au combat est devenu une rengaine. D’ordinaire les questions militaires sont traitées secrètement dans les bureaux de la Kirya, à l’abri des regards et des témoins politiques. Or cette question est de plus en plus étalée sur la place publique comme si on voulait en faire un argument politique. On sait que l’armée, depuis l’avènement de Netanyahou au pouvoir, n’est pas en odeur de sainteté auprès du gouvernement car elle n’approuve pas les options du gouvernement en ce qui concerne soit une attaque préventive contre l’Iran, soit les choix tactiques face au Hamas.



HaKirya

L’armée estime que la politique ne doit pas interférer dans la stratégie militaire qui reste du domaine exclusif de l’État-major, normalement compétent en la matière. Il est donc triste de constater qu’une démarche pernicieuse tend à discréditer les militaires pour montrer qu’ils font mal leur travail et qu’ils mettent en danger la sécurité du pays. C’est un bon moyen pour enfoncer le clou contre certains chefs sécuritaires en période électorale.

Ilan Harari

            Au grand jour, deux généraux s’affrontent sur fond d’analyses opposées. Le médiateur de l’armée, le général de division Yitzhak Brick affirme que l’armée israélienne n’est pas prête pour la guerre. De son côté, le contrôleur de Tsahal, le général de brigade Ilan Harari, conteste les affirmations du médiateur, Il ne nous appartient pas de juger de la pertinence des arguments de chacun car il s’agit d’un débat technique qui dépasse les compétences d’un journaliste mais la nature des échanges entre généraux laisse perplexe.
          Dans son rapport annuel sans concession, normalement non accessible au public, mais diffusé en partie par les protagonistes, le général Yitzhak Brick pointe les nombreuses lacunes dans les capacités opérationnelles de l’armée, jetant ainsi  un doute sur sa préparation à un éventuel conflit et mettant même en évidence le niveau insuffisant des forces militaires. Le rapport regorge de conclusions pessimistes dans l'appareil de Tsahal impliquant un risque lors d’une prochaine guerre. Pour lui : «Il y a un manque de surveillance militaire régulière des processus militaires, des problèmes de discipline et un manque d'exécution des ordres».



Brick souligne la qualité médiocre, en particulier du rang de commandant subalterne jusqu'au rang de bataillon en raison de deux décisions récentes. Tout d’abord, la réduction de quatre mois du service militaire obligatoire de trois ans pour les hommes, entraînerait une pénurie de 6.000 soldats en service régulier au cours des quatre prochaines années, dont la moitié au combat. Ensuite il fustige la suppression de  4.000 postes de militaires de carrière au cours des quatre dernières années : «Beaucoup de bons officiers prennent leur retraite très jeunes et les commandants de brigade se plaignent de ne pouvoir garder leurs bons officiers. La réduction du temps de service a créé des charges énormes qui ont abaissé les normes et entraîné un manque de performances et des dommages irréparables».


Général Brick

Le rapport déplore également l'utilisation continue de smartphones et d'applications comme WhatsApp, ainsi que l'utilisation de serveurs de messagerie non sécurisés «comme moyen de gérer la routine de l'unité.  Les soldats et les commandants effectuent des exercices avec un smartphone et les accompagnent lors d'activités opérationnelles. Un soldat avec un smartphone à côté d'une clôture peut révéler la position de l'armée. Les smartphones doivent être interdits pendant les exercices d'opérations militaires».
L’armée constate effectivement une réduction de l’engagement des officiers dans une longue carrière militaire, en particulier dans le domaine de la technologie, car la plupart d’entre eux préfèrent occuper des postes civils mieux rémunérés, parfois même au sein de l'armée. Il cite en outre une pénurie importante de médecins et de psychiatres dans certaines unités. Enfin un détail illustre l’atmosphère régnant au sein de l’armée, l’augmentation de 5% des plaintes écrites déposées en 2017 soit 7.002.
          Le général Ilan Harari a rejeté par écrit les affirmations du médiateur du ministère de la Défense selon lesquelles l'armée israélienne est insuffisamment préparée à la guerre. Pour lui, s’il a découvert un certain nombre de problèmes, l'armée est dans la meilleure forme qu'elle ait été depuis des années : «les forces terrestres de Tsahal sont préparées sans équivoque à la guerre». Le médiateur Brick avait déjà critiqué l'état des véhicules militaires et de ses unités de stockage d'urgence, qui sont essentiels pour armer et approvisionner les troupes de réserve pendant la guerre. 
Stockage de matériel

En septembre, Gadi Eizenkot avait ordonné la création d'un comité chargé d'enquêter sur les affirmations de Brick. Le sous-comité chargé de l'état de préparation et de la sécurité permanente de la commission des affaires étrangères et de la défense de la Knesset a également examiné la question. Le rapport de la Knesset indiquait que l'état de préparation opérationnelle de l'armée s'était «considérablement amélioré depuis l'opération Bordure protectrice». L'enquêteur avait constaté «une augmentation spectaculaire du nombre d'exercices d'entraînement, des stocks de munitions et des stocks de pièces de rechange. Il existe clairement des lacunes dans certains domaines. Il existe une lacune dans l'armée de terre numérique et dans sa mise en œuvre. Il existe un manque de camions et de matériel lourd, mais cela ne nuira pas à la préparation. Il existe un écart important dans l’affectation des ressources à la formation. Mais rien de tout cela n'empêche la victoire et la détermination qu'il y a une amélioration, principalement grâce au plan Gideon pluriannuel, qui place l'état de préparation avant la mise en place de l'armée».
Stop! Interdit de creuser sans permis de construire

Les langues se délient et de nombreux généraux estiment que l’on ne peut pas faire la guerre uniquement avec le cyber ou l'intelligence. Une guerre au Liban qui serait imposée par le Hezbollah ne peut pas se terminer sans manœuvre terrestre.  
Lors de sa prise de fonction, Gadi Eizenkot n’avait pas voulu tenir compte du plan quinquennal de constitution de la force «Gideon», réaffirmé par son prédécesseur, le général Benny Gantz. Il avait décidé de la réduction du budget des renseignements de près de 600 millions de dollars pour les transférer à l’amélioration de la préparation au combat des forces terrestres. De nombreuses installations souffrent encore d'un équipement logistique de qualité inférieure. Il y a pénurie d’APC (Armoured personnel carrier), les véhicules de transport de troupes ainsi que de véhicules logistiques. Au début de 2019, 80% des camions de l'armée sont encore d’anciens véhicules US REO,  camions militaires américains légers fabriqués en 1941, récupérés par Israël après la guerre.
US REO

Le premier ministre et par ailleurs ministre de la défense a estimé que les forces terrestres n’entraient plus dans la force stratégique de Tsahal. Or les événements au nord prouvent que la guerre n’est pas théorique. Les tunnels du Hezbollah ne peuvent être neutralisés que par des forces terrestres et non par l'aviation. La guerre de 2006 l'avait déjà démontré.
La tâche revient à présent au nouveau chef d’État-major Aviv Kohavi qui devra créer une nouvelle commission indépendante chargée d'analyser les réalités de l’état des troupes de Tsahal au moment où se profilent des tensions extrêmes avec l’Iran et le Hezbollah au nord. 
Mais il est important que ces discussions ne parviennent pas aux oreilles de ceux qui ont misé sur une défaite israélienne. Les sites iraniens et arabes glosent sur la prétendue invincibilité de Tsahal face à ses querelles intestines. La dissuasion d'Israël est en cause.

2 commentaires:

Yaakov NEEMAN a dit…

Bien sûr, toutes ces infos, tout ce débat n'aurait pas dû se propager dans les débats. Je voudrais revenir sur deux points :
1) "Un soldat avec un smart-phone près d'une forntière indique la position de l'armée". Dans ce cas, pourquoi ne pas utiliser des smart-phones comme autant de leurres, qu'on positionnerait à des endroits stratégiques ou non, pour faire croire à l'ennemi qu'on est là alors qu'on est ailleurs (et là sans smart-phone) ?
2) "Gadi Eizencot a décidé de réduire de 900 millions de dollars (soit 3,39 millliards de shékels) le budget du renseignement..." Il y a une solution très simple à cela. Il faut responsabiliser les banques et imposer plus lourdement leurs profits. Je vais prendre un exemple. Pour information, en 2017, le volume d'affaire de la Poalim (la banque des travailleurs !) a été de 454,4 milliards de shekels. Ce volume d'affaires lui a permis d'engranger 3,348 milliards de shékels de profits nets (1), avec un retour sur investissement de 7,5%. Donc en gros les profits de la Poalim en 2017 équivalent la réduction du budget du renseignement militaire. Imaginez un instant que la Poalim, réalisant qu'elle doit son bénéfice au fait que le Tsahal assure la sécurité du pays à partir duquel cette banque conduit ses opération.... décide de reverser tous ses bénéfices à l'armée ! Sa cote de popularité crèverait tous les plafonds ! Mais non : ce n'est qu'un rêve. Et pourtant, quelqu'un -- sans lequel l'Etat hébreu n'aurait pas eu le même visage ---- nous a assurés que si nous le voulions, ce ne serait pas un rêve... Bien sûr, il ne parlait pas tout à fait de cela. Mais s'il était de retour parmi nous, qu'en aurait-il pensé, et qu'aurait-il dit ?
(1)source : https://www.cnbc.com/2018/03/26/globe-newswire-bank-hapoalim-announces-fourth-quarter-and-full-year-2017-financial-results.html

Francis Moritz a dit…

BAZAK

On ne peut qu'etre confondu par ce déballage sur la place publique entre généraux. Pour un profane, vu de l'extérieur, cela soulève beaucoup de questions :
N'existe t il pas une norme , des reglements qui définissent ce qu'un général, fut il controleur extérieur à l'armée peut dire ?
Un militaire haut gradé de l'armée peut il tout dire en public ?
Enfin, quelle est l'éthique de ces généraux qui débattent au vu et su de tout le monde, notamment des ennemis d'ISRAEL ?
Est ce au nom de la démocratie qu'il est possible de mettre tout sur la place publique ? Ou est ce que ce sont des généraux et que tout leur est parmi ?
Il me semble qu'il y a là une part d'irresponsabilité à le faire. S'agit d'une manoeuvre de nature politique en vue de mettre tel ou tel parti ou candidat en difficulté ?

Je ne doute pas un instant que la sécurité du pays soit la priorité. Dans ce cas ces échanges sont non seulement inadmissibles mais au dela affaiblissent clairement la sécurité d'Israel, son image à l'étranger et finalement porte un coup à la démocratie telle qu'elle s'exerce en Israel et in fine crée un risque de perte de confiance des citoyens dans leur armée. Ailleurs et en d'autres circonstances on évoquerait une guerre psychologique !.