DÉCOMPOSITION DES PARTIS TRADITIONNELS EN FRANCE
Par Jacques BENILLOUCHE
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La
défaite de François Fillon a sonné comme un coup de tonnerre au sein des
Républicains et des Socialistes. Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ont agité
le cocotier pour envoyer à la retraite de nombreuses figures politiques. Cela
ne fait pas de mal pour des dirigeants politiques habitués à des rentes de
situation. C’est un sauve-qui-peut général qui est assimilé aux rats qui
quittent le navire. La perspective d’une défaite aux législatives hante les
élus de gauche comme de droite. C’est pourquoi certains pensent qu’un retrait
volontaire de la compétition est préférable à un échec aux législatives compte tenu des résultats
à la présidentielle. Mais la rancune est tenace auprès de ceux qui marquent
ouvertement leur mauvaise humeur pour avoir perdu une élection imperdable.
À
gauche, les élus sont dans l’attente du deuxième tour puisque certains d’entre
eux pourraient se retrouver enrôlés par Macron pour consolider sa plate-forme
politique. Peu d’initiatives ont donc été prises pour l'instant. Il faut résorber le coup de massue. Le parti socialiste va pâtir
de l’échec de Benoît Hamon qui libère ainsi la voie à de nombreux départs du
parti vers de nouveaux horizons. Contrairement aux Républicains qui espèrent
sauver les meubles aux législatives, la liste des départs du PS ne sera
définitivement connue que lorsque les investitures seront officialisées par
Macron. Alors certains resteront au parti parce qu’ils n’ont pas de
solution alternative immédiate, d'autres rejoindront Macron et d'autres enfin prendront leur retraite méritée de la vie politique. Le PS risque de connaître
une mort lente avec ses luttes intestines et les difficultés financières qui ne
tarderont pas à le pénaliser par manque d’élus.
Le
PS doit faire face au succès de la France insoumise qui a pris une place
centrale dans l’échiquier politique. Jean-Luc Mélenchon se trouve désormais à
la tête d’un mouvement axé sur un populisme progressiste qui s’opposera au
national-populisme de Marine Le Pen. Mais il n’est pas certain que sa victoire
à la présidentielle soit suivie d’une victoire aux législatives car le scrutin
est à deux tours et Mélenchon ne dispose pas de réserves de voix. Le parti
communiste, qui sait qu’il aura du mal à reconstituer un groupe à l’Assemblée
sans l’aide des socialistes, ne s’est pas trompé puisqu’il fait appel au
rassemblement à gauche et au vote Macron. La vengeance socialiste risque d’être froide pour le
camp de Mélenchon. Benoît Hamon dispose de relais solides dans les départements
et les régions pour sauver les meubles.
À
droite, la recomposition est en cours. Des députés exploitent l’alibi du
non-cumul des mandats pour quitter définitivement l’Assemblée nationale. Jean-François
Copé, 53 ans, député et maire LR de Meaux, a renoncé à se présenter aux
législatives et veut se consacrer à sa ville. Ennemi juré de François Fillon
depuis leur duel pour la présidence de l'UMP en 2012, il a jugé très sévèrement
la campagne de son ex-rival qui, selon lui, a conduit la droite à une
humiliation au premier tour de la présidentielle.
Bernard Acoyer |
L’ancien
président de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer, 72 ans, a annoncé qu’il ne
briguera pas un nouveau mandat de député pour se consacrer à ses fonctions de
maire adjoint de la nouvelle commune d’Annecy. Il continuera à présider la
fédération départementale des LR et compte garder son poste de secrétaire
général des Républicains, poste auquel il a accédé après la victoire de
François Fillon à la primaire sauf s’il en est écarté par la nouvelle
gouvernance.
Pierre Lellouche |
L’ancien
secrétaire d’État Pierre Lellouche, 66 ans, se retire de la vie politique et
rend sa carte des Républicains car il juge la campagne présidentielle de son
camp «épouvantable». Il ne se représentera pas dans la 1ère
circonscription de Paris parce qu’il a vécu la campagne présidentielle comme «la preuve définitive de la décomposition de nos partis politiques traditionnels». Il est sévère contre Fillon à qui il avait conseillé de se retirer pour
laisser la place à Alain Juppé. Il s’est livré à une critique virulente de la
campagne à droite qui a abouti à la défaite de François Fillon. Ce dernier, «entouré d’une camarilla de fidèles et d’ambitieux, conforté par l’hystérie
d’une secte a tenu à aller au bout du suicide personnel et collectif».
Plus
de 110 cadres et membres des «Jeunes avec Juppé» ont déjà annoncé
leur ralliement à En marche. L'hémorragie se poursuit à droite. Ceux qui
avaient soutenu le maire de Bordeaux, Alain Juppé, estiment qu’on leur a volé
la victoire et que le parti n’a pas eu le courage de remplacer à temps François
Fillon fragilisé par les révélations sur son train de vie et sur les emplois
présumés fictifs dont aurait profité sa famille : «Nous, anciens
responsables, animateurs et membres des Jeunes avec Juppé, avons décidé de nous
engager aux côtés d'Emmanuel Macron».
Soutiens de Juppé |
Après
le ralliement de nombreux soutiens de Sens Commun à Marine Le Pen, des dirigeants
de droite lancent l’alerte. Des élus LR, partisans d'Alain Juppé et de Bruno Le
Maire notamment, ont mis en garde leur «famille contre le
rétrécissement de la droite sur une ligne politique exclusivement identitaire
et conservatrice qui serait sans issue». Une trentaine d'élus du clan
Juppé, dont Édouard Philippe, Benoist Apparu, Christophe Béchu, Arnaud Danjean,
Fabienne Keller, des proches de Bruno Le Maire comme Sébastien Lecornu et
Thierry Solère, ou encore le sarkozyste Gérald Darmanin, appellent, dans un
communiqué, à repenser «la façon dont nous portons les valeurs de
liberté, de responsabilité, d'autorité de l'État et d'attachement à l'Europe».
Ils sont prêts à créer une structure autonome pour participer à la gouvernance
du pays. D’autres, à l’instar de l’ancien premier ministre Jean-Pierre
Raffarin, affichent ouvertement leur volonté d’une collaboration avec le
nouveau président. Alain Juppé de son côté, a jugé nécessaire de «revoir
la ligne politique» des Républicains partiellement responsable selon
lui de l'échec de François Fillon au premier tour de l'élection présidentielle : «Préparer l'avenir, c'est à la fois éviter
le Front national et deuxièmement reconstruire une droite dans laquelle ce que
j'incarne, et beaucoup d'autres avec moi, trouveront pleinement leur place».
Il ne veut qu’en aucun cas la ligne de Sens Commun s'impose.
Jeunes avec Macron |
Nous
ne sommes qu’au début des règlements de comptes à droite qui risquent de
connaître leur paroxysme à l’occasion des ralliements éventuels de députés LR à
Emmanuel Macron. L’intérêt final de cette recomposition consistera en un appel
d’air pour intégrer de nouveaux visages jeunes à l’Assemblée même s’ils
consacreront leur premier mandat à se former. On se souvient que François
Mitterrand avait investi en 1981 des débutants pour aller à l’assaut de
forteresses de droite, en particulier François Hollande et Ségolène Royal. La réussite du pays et sa sortie de la crise
économique dépendra de la capacité d’Emmanuel Macron à rassembler et à ouvrir
sa majorité, non pas à des individualités, mais à des mouvements de dirigeants
politiques expérimentés qui cohabiteront avec de jeunes nouveaux venus.
Fillonistes |
Encore
faudrait-il que la rancune tenace liée à l’échec de la droite ne conduise pas à un vote
de mauvaise humeur au profit de Marine Le Pen qui pourrait faire la surprise au
second tour. La politique de la terre brûlée sera stérile. On voit déjà s’installer une
campagne de dénigrement de caniveau. Les programmes politiques ne sont pas
abordés mais le tir à bout portant sur des questions secondaires est de mise. On relève le «scandale
du restaurant la Rotonde» alors que Macron fêtait en petit comité sa victoire au
premier tour qui avait un temps été compromise.
Les
Fillonnistes, mauvais perdants, digèrent mal une défaite incroyable et ignorent
le danger lepéniste pour lancer des attaques contre Macron. Ils persistent à le qualifier de gauche, l’accusent d’avoir profité des manigances de François Hollande.
Ceux de gauche n’hésitent pas à le considérer comme un de traître. Et pourtant le scrutin
est clos et au lieu de choisir le vote qui barre la route à Marine Le Pen, on
glose sur le cataclysme des prochaines élections législatives qui mettront en
scène de nouveaux venus inexpérimentés comme s’il ne fallait pas un jour commencer.
Au
lieu de regrouper les bonnes volontés pour défendre ensemble la France, on
passe son temps à fustiger les ralliements, on crée de nouvelles divisions
comme s’il en manquait dans le pays. On peut avoir rêvé de Fillon mais le vote
démocratique a tranché et l’on a évité le pire. Il faut savoir surmonter la défaite qui est irréversible. Nombreux mettent en doute la
jeunesse du Président mais ils ne relèvent pas qu’il a cependant réussi légalement contre des dirigeants installés et contre des partis établis, que sans structure politique
il est parvenu à fédérer autour de lui des jeunes et des dirigeants historiques,
qu’il a suscité un nouvel espoir auprès des jeunes.
On n’a pas le droit de lui
faire un procès d’intention et de prédire ou espérer son échec par goût du désordre et de
la vengeance politique. On ne peut pas vouloir la défaite des extrémismes en France
et hésiter à voter pour Macron. Il faut se regouper contre le danger islamiste. Pourtant rien n’est fait et le danger guette encore.
2 commentaires:
Le reproche qui m'est fait par l'auteur d'être systématiquement "contre" se vérifiera une fois de plus.....
"Le scandale du restaurant La Rotonde" en est un lorsqu'on accède au second tour avec le FN pour compétiteur.
Au soir du premier tour l'heure était suffisamment grave pour que le candidat d' En Marche reporte sa soirée festive pour se consacrer à un discours solennel avec l'empathie qu'il se devait d'afficher envers ses concitoyens face à la menace de l'extrême-droite. Il se le devait d'autant que sur un total de près de 37 millions de votants la marge qui le sépare de Marine Le Pen n'est que de 870000 voix. Ce qui revient à dire que le troisième tour ( les législatives), verra croître les députés FN au nombre de deux actuellement.
Mais il a préféré "se faire plaisir", répondît-il aux journalistes qui l'interrogeaient. Même le Canard a relevé cette bévue de débutant en même temps qu'il dénonce " un discours pâlichon ".
N'est pas Chirac qui veut.
Certains parleront d' anecdote mais cela n'augure à mes yeux rien de bien sérieux sur sa capacité à gouverner un pays déjà bien malade.
Bien cordialement
L'offre politique française, dans un pays où 60% de la population appartient aux classes moyennes et aisées, surfe sur une colère où se mêlent chômage, déclassement, perte de repères identitaires. Cette classe politique est faible, avide de pouvoir pour des raisons terribles - tentation totaliitaire et paranoïaque chez Mme Le Pen et M. Mélenchon, argent chez M. Fillon, etc. - et n'a que peu de sens de l'intérêt collectif. Les extrêmes hypnotisent les électeurs en promettant le grand soir, la fin de l'insécurité etc etc. Et pourtant notre pays n'est pas en guerre, pas en danger vital, les systèmes sociaux sont généreux et fonctionnent bien. Le FN et l'immigration mal assimilée, ainsi que des politiques économiques laxistes et meme lâches de Mitterrand à Hollande via Chirac et Sarkozy, nous ont conduits dans une impasse. En 2022 si l'évolution économique mondiale ne nous est pas favorable, nous aurons le choix décrit par Michel Houellebecq dans "Soumission ". Les Juifs Français, attachés à la liberté, l'égalité , la fraternité et à Israël, vont se retrouver dans une position difficile et commencent déjà à y réfléchir.
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