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mercredi 5 avril 2017

La politique audio-visuelle musclée de Netanyahou



LA POLITIQUE AUDIO-VISUELLE MUSCLÉE DE NETANYAHOU
Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps

            
          La politique audio-visuelle musclée du gouvernement a été à l’origine d’une mini crise politique au sein du gouvernement, avec un risque d'élections anticipées. Compte-tenu des sondages en berne pour le Likoud et pour Koulanou, dépassés par Yesh Atid, ces deux partis ont préféré trouver un compromis au sujet du projet de radiodiffusion qui avait été rejeté par une majorité de la classe politique. Le temps n’est pas venu pour Moshé Kahlon de se lancer dans une aventure destructrice au moment où son parti est crédité dans les sondages de cinq sièges contre dix actuellement. Il a préféré renoncer à ses exigences et avaler des couleuvres.






            Certains ont vu, dans la volonté de Netanyahou de contester le projet qu’il avait soutenu, une diversion face à la déconvenue suscitée par l’attitude de Trump vis-à-vis d’Israël et face à ses déboires judiciaires. Le nouveau président américain commence à décevoir et n’apparaît plus comme celui qui devait tailler en pièces la politique d’Obama à l’égard d’Israël. Par ailleurs, personne ne croit réellement que le premier ministre israélien soit véritablement obsédé par l’avenir de milliers d’employés de l’ancienne autorité de radiodiffusion. En fait, il s’agit d’un prétexte pour calmer les appréhensions des nationalistes vis-à-vis des diktats américains et d’un alibi pour devancer l’échéance judiciaire.
Israel Broadcasting Authority

            L’histoire date de 2014 lorsque la Knesset avait adopté, sous le gouvernement Netanyahou, une loi visant à fermer l’Autorité de radiodiffusion d’Israël (IBA) et à la remplacer par une nouvelle société planifiée pour émettre dès le 30 avril. C'était un moyen de licencier tout le monde et de réembaucher ceux qui étaient dans une ligne politique "acceptable". Paradoxalement, le premier ministre renie la loi qu’il avait lui-même initiée. Le ministre des Finances Moshe Kahlon, voulant faire preuve d’une fausse autorité, avait exigé l’ouverture de la nouvelle structure à la date prévue. Une menace d’exclusion du gouvernement a calmé ses ardeurs alors qu’il croyait que la présence de son groupe évitait de facto des élections anticipées.
            Il s'était trompé en ne pensant pas que Netanyahou lorgnait vers de nouvelles élections. Le premier ministre a justifié son revirement en accusant de manière fallacieuse la nouvelle entité de "gauchisme" alors puisqu’aucune émission n’avait été encore diffusée. Il voulait s’inspirer de la stratégie gagnante de Trump qui s’était élevé contre le pouvoir exorbitant des media accusés d’être ses ennemis.

            Son objectif caché reste de museler des journalistes trop libres à son gré et de contrôler tous les sites d’informations du pays. Les dictateurs dans les républiques bananières ne font pas mieux. Pourtant les deux plus importants media sont déjà aux mains de ses amis, Israël Hayom et Walla, qui roulent ouvertement pour lui. Mais les petits le gênent car ils sont plus vindicatifs et moins corruptibles, avec des journalistes de talent. IBA a été visé alors qu'il fait partie de ceux qui ont une faible audience mais qui disposent d’une auréole symbolique.
            En usant de la menace d’élections anticipées qui inquiètent les partis actuels sûrs de laisser des plumes, Netanyahou a cherché à détourner l’attention sur ses problèmes judiciaires. Il veut prendre de vitesse les juges qui n’auraient pas le temps de l’inculper afin de se présenter aux élections, pur comme un novice. Mais il veut aussi masquer ses relations difficiles avec Trump face aux nationalistes de son gouvernement qui s’inquiètent de la nouvelle tournure politique américaine. 
Greenblatt, Netanyahou

            En effet le conseiller de Trump, Jason Greenblatt, en visite en Israël, a exigé du gouvernement qu’il gèle toutes les constructions à l’extérieur des implantations de Cisjordanie et qu’il limite les constructions à l’intérieur de ces blocs. Netanyahou ne s’attendait certainement pas à ce diktat ; il croit être retourné à l’ère d’Obama. Pire, avec Trump au pouvoir, sa marge de manœuvre a considérablement diminué sachant que les Démocrates ont décidé de ne pas lever le petit doigt pour lui. Cette situation envenime les relations du Likoud avec Bennett qui fait du forcing pour prendre la place du premier ministre actuel. La question serait reportée après les nouvelles élections. 
            Des sondages mitigés ont convaincu Netanyahou de se saisir du problème annexe de l’audio-visuel pour justifier une cinquième campagne électorale en onze ans de pouvoir. Mais la concurrence est vive actuellement. Kahlon lui a coupé l’herbe sous le pied en acceptant de transiger pour ne pas perdre ses maigres plumes à la Knesset. Il a trouvé la parade en créant deux sociétés de radiodiffusion : l'une pour les questions générales et l’autre pour les informations et les questions politiques. La nouvelle société distincte devrait commencer à émettre à partir du 15 mai sachant déjà que tous les programmes prévus ont été annulés. Moshé Kahlon, l’homme qui se présentait en pilier de la défense de la démocratie, s’est plié au diktat de Netanyahou.
La nouvelle structure IBA

            Dans cette affaire, les salariés d’IBA sont des laissés pour compte. Ils ont d’ailleurs manifesté contre la nouvelle structure car, pour eux, l'accord se traduit par «la mise en place d'une entité divisée qui ne peut pas combiner efficacement les ressources et à moindre coût comme cela avait été prévu ; le résultat est le gaspillage des fonds publics».
            Benjamin Netanyahu a réussi à imposer ses vues en ignorant les drames que cette nouvelle situation a suscités. De grands journalistes de renom ont quitté leurs employeurs pour rejoindre la nouvelle structure. De jeunes journalistes, à la situation fragile, se retrouvent sur le marché du travail puisque leur sort n’a pas été discuté dans le détail. Il semble que ce soit l’objectif masqué du gouvernement qui a cherché à «punir» les opposants et à éliminer les «mauvais esprits contradicteurs» qui n’ont plus qu’à se soumettre ou à se démettre. Ils subiront le fait du Prince. L’IBA a été détruit et mal remplacé et la liberté de la presse, qui a toujours fait l’honneur du pays, risque d’être enfouie dans les tiroirs de l’Histoire.

            Les manifestations des centaines d’employés de l’Autorité de radiodiffusion à Tel-Aviv n’auront aucun effet dans un contexte de la loi du plus fort ; le combat est inégal. Elles n’auront même pas suscité une attention de la part de Moshé Kahlon, plus intéressé à sauver son poste de ministre que de satisfaire les desideratas de ceux qui l’ont élu. Depuis son arrivée au pouvoir sous la fanfare, il n'a fait que renier ses engagements en ayant une politique stérile. Il sera certainement sanctionné par ses électeurs qui ont été bernés. 
Mausolée Baba Sale

          Cette réforme était censée régler un problème de gros sous alors que dans le même temps, le ministre de l'Intérieur Arie Dehry a trouvé les fonds nécessaires pour la création à Netivot du mausolée du Baba Sale, alias Israël Abouhatsera, destiné à une très faible minorité de fidèles. Les orthodoxes ont toujours été les pourvoyeurs de votes à droite sous réserve que le gouvernement passe à la caisse.


            L’Histoire a prouvé dans le passé que le bâillonnement des media est toujours l’apanage des régimes faibles qui finissent toujours, un jour ou l'autre, par tomber. 

4 commentaires:

Arie AVIDOR a dit…

Excellente analyse qui relève, entre autres, la propension de Netanyahou à pratiquer le poker menteur.

andre a dit…

Baba Sale est une idole pour les marocains et qu'il ait un mausolée en Israël n'est que justice à l'égard de tous ceux qui avaient quitté la douceur de leur Maroc natal pour devenir les proletaires et les employés manuels des sionistes ashkénazes .. Il faut être juste et reconnaissant avec ceux qui furent tant décriés , les" Marokin Shekin " qui par leur courage et leur travail ont payé cher leur ticket d'entrée en Eretz Israël .

Santou a dit…

La gauche ne fait pas mieux en matière de manipulation médiatique n est ce pas ?

Jojo a dit…

Le site de Baba Sale est visité par 600,000 personnes chaque année. Une très faible minorité en effet. Ca va couter 8 millions sur 3 ans, une goutte d'eau. Par contre les théatres fréquentés par les riches de Tel Aviv et subventionnés à hauteur de dizaines de millions ça ne vous dérange pas j'imagine.