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mercredi 18 mars 2015

NÉGOCIER AVEC BACHAR Par Jean SMIA



NÉGOCIER AVEC BACHAR

Le billet d'humeur de Jean SMIA

                    

             Des bruits courent qu'il faut négocier avec Bachar El Assad. Négocier quoi ? Un espace pour le Daesh ? Rendre la Syrie à l'empire Ottoman ? Recréer un État des Alaouites comme en 1920 ? Lorsque l'on considère le contexte historique par lequel les Alaouites sont au pouvoir, on prend conscience qu'il n'y a rien à négocier. Deux paragraphes résument la réalité historique avant de commenter.



Les Alaouites


           Ils sont près de trois millions, soit 10 à 12% de la population syrienne. Le clan des Al-Assad, qui gouverne la Syrie depuis 1970, est en majorité de confession alaouite. Cette religion est un mélange d'éléments venus du chiisme, du christianisme byzantin et de cultes hellénistiques. La pratique et l’organisation de leur religion sont souples. La prière se fait dans l’intimité au domicile, seuls les hommes sont initiés pendant leur adolescence, les femmes ne portent pas le hijab, l’alcool est toléré, les adeptes ignorent le jeûne et le pèlerinage à la Mecque. Ils croient en la réincarnation et célèbrent une forme d'eucharistie à l'aide de pain et de vin. Ils célèbrent des fêtes aussi bien musulmanes que chrétiennes.
Pour des raisons plus politiques que religieuses, les Sunnites, ennemis jurés des Chiites, les considèrent comme chiites et hérétiques car ils vouent un culte à Ali. Et ce, malgré la fatwa du grand mufti de Jérusalem qui, en 1936, a incorporé la doctrine alaouite à la Oumma.

Une minorité longtemps méprisée

Jusqu’au XXe siècle, la minorité alaouite a toujours subi humiliations et persécutions, vivant retirée dans sa région d’origine : les montagnes du nord. Sous les Ottomans, seuls les domestiques alaouites étaient tolérés dans les villes. En 1920, l’occupant français a créé un «État des Alaouites» mais doit y renoncer sous la pression des milieux nationalistes arabes (déjà !).
Les Turcs, perdant la Première Guerre mondiale, perdent également l'autorité sur ce territoire au profit des Français. Ce territoire devient État des Alaouites, puis en 1930 «Territoire ou Gouvernement de Lattaquié». Les Français encouragent, pendant l'entre-deux-guerres, un particularisme alaouite qui conforte à faire de ceux-ci un peuple à part entière, en bouclier au nationalisme arabe des sunnites (déjà aussi !).
En 1937, ce territoire du nord est intégré à la Syrie. Peu à peu, les Alaouites commencent à s’intégrer dans la société. Dans les années 40 et 50, ces partisans de l’idéologie laïque du parti Baas deviennent militaires et fonctionnaires. La prise du pouvoir par le général Hafez Al-Assad, père de l’actuel Bachar Al-Assad, leur ouvre les portes du gouvernement.

La nécessité de survivre

Aujourd’hui, nombre d'Alaouites redoutent, en cas d’effondrement du régime, de subir, de la part des sunnites, le même sort que les Chrétiens d'Irak. Il n'est pas impossible qu'ils soient tentés de constituer un réduit dans leur région d’origine: les montagnes surplombant la côte nord-ouest. Un tel processus semble s'ébaucher. Des villes sunnites, en périphérie de la région alaouite, ont ainsi été victimes d’un phénomène de purification ethnique: l’armée fidèle à Bachar Al-Assad a laissé les habitants fuir vers le Liban et la Turquie.
Lorsque l'on évalue les chances de survie d'une minorité religieuse quelconque dans le contexte totalitaire actuel des terres d'islam, qu'il soit sunnite ou chiite, il n'y a de sauvegarde pour une minorité que dans un territoire indépendant, convenablement et solidement défendable et défendu, et, qui ne compte pas sur les promesses des étrangers à la région pour défendre leur intégrité, n'en déplaise à messieurs Kouchner et Fabius.

C'est leur peau qu'ils défendent, pas des principes moraux élastiques. Lorsqu'il s'agit de sauver la vie de ses enfants: il n'existe aucun interdit applicable dans la façon de les défendre. Quelle que soit l'arme de destruction massive à utiliser. Qui condamnerait les Chrétiens d'Irak s'ils avaient pu sauver leur peau en utilisant des armes interdites ? Et en plus, c'est la France qui avait placé les Alaouites dans cette position de bouclier au nationalisme islamiste.

Démocratie pacifique

À moins que, fiers l'expérience libyenne, et pressés de la réitérer, ces Messieurs s'obstinent de rêver à l'apparition soudaine et spontanée d'une démocratie pacifique en Syrie, en Arabie Saoudite et en Iran. Cependant, il reste étonnant de constater la «vista» des hommes politiques de 1936 comparée au manque d'anticipation de nos diplomates actuels et surtout leur absence d'esprit de synthèse en regard des événements autour de l'arabo-islamisme. En effet, trois mouvements principaux semblent se faire une guerre sans merci : Sunnites, Chiites et Frères musulmans.
Pourtant, les trois ont le même objectif annoncé et proclamé : islamiser le monde.  Ils ne différent que par la méthode : certains ont décidé de conquérir des territoires à partir de l'endroit où ils sont et d'étendre militairement leurs conquêtes, d'autres ont décidé d’insérer des multitudes de cellules actives dans les territoires à conquérir et de profiter de toute faiblesse locale pour occuper définitivement l'espace. Et devant ce projet clairement déclaré et non dissimulé, la seule préoccupation de nos diplomates est de chercher avec lequel des trois s'allier.
Les diplomates de 1936 avaient judicieusement analysé la solution. Elle consiste à armer et rendre invulnérables toutes les minorités de la région : Les Kurdes, les Alaouites et autres barrages à cet expansionnisme.

Mère-grand, comme vous avez de grandes dents… C'est pour mieux te convertir, mon enfant.

1 commentaire:

Bernard ALLOUCHE a dit…

Monsieur votre analyse est très structurée et donne une vision de la situation coté européen des plus parfaite.
Seulement il ne faut pas oublier l'administration Américaine qui a refusé de détrôner Assad dans le seul but d'entamer de futures négociations avec l'Iran
et par là même infligeant un sacré camouflet à la France.
L'Amérique prendra les décisions qui seront guidées par ses propres intérêts comme les Anglais au temps de leur colonialisme dans la région. La position de la France ou de l'Europe ne sera que secondaire.