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lundi 23 mars 2015

LE DIFFICILE DOSAGE DE LA COALITION



LE DIFFICILE DOSAGE DE LA COALITION

Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps

            

          La victoire de Benjamin Netanyahou a été très nette avec six députés d’écart et 4,73% des voix face à la liste de l’Union sioniste. Le problème aigu à résoudre reste la mise en place d’une coalition pour obtenir une majorité stable. Netanyahou dispose d'un délai de six semaines pour résoudre cette difficulté qui n’est pas la moindre. 
          Le contour de cette coalition est pratiquement défini, sauf  querelle ou ego de dernière minute. Le nouveau premier ministre disposera d’une majorité de 67 députés composée du Likoud (30 députés), de Kulanu de Moshé Kahlon (10), HaBayit Hayehudi de Naftali Bennett (8), de Shass (7), de Yaadouth Torah (6) et d’Israël Beiteinou d’Avigdor Lieberman (6). Cette coalition reste cependant dépendante de deux partis antagonistes et concurrents menés par Kahlon et Bennett qui peuvent, selon leur bon vouloir, la quitter et faire tomber le gouvernement.


Les gagnants avec une boite de bulletins Likoud et une boite de sondages

En tout état de cause cette coalition hétéroclite, réunissant des idéologies opposées, sera composée de religieux et de laïcs, d’extrême-droite et de centristes qui vont s’opposer sur des principes politiques fondamentaux. Il n’est pas sûr qu’ils clarifieront leurs positions parce qu’ils doivent élaguer tous les sujets qui fâchent et les remettre au lendemain pour accéder au gouvernement.  

État palestinien


            Le principe de «deux États pour deux peuples» sera au centre de la politique du nouveau gouvernement. Après avoir prôné ce principe dans son discours de Bar Ilan en 2009, Netanyahou l'avait récusé la veille du scrutin pour attirer à lui les voix de l'extrême-droite. Mais voici qu'à nouveau, dans le cadre de ses prises de positions sinueuses, il vient d'annoncer  qu’il «croyait à la solution à deux États, mais pas maintenant»
          Les partis s'opposent les uns aux autres sur ce projet fondamental. Moshé Yaalon du Likoud estime qu’«un État palestinien est impossible. Nous sommes comme des frères siamois et l’idée d’une séparation complète est inapplicable». Le sioniste religieux Naftali Bennett a dit et écrit qu’il n’accepterait jamais la création d’un État palestinien et qu’il prônait l’annexion pure et simple de la zone C : «Nul État palestinien ne sera jamais créé sur la terre d’Israël. Les terroristes ne méritent pas un État».

Le nationaliste Avigdor Lieberman avait publié son programme bien avant les élections : «Going Against the Stream—La vision de Israël Beiteinou». Il avait opéré un revirement en abandonnant le principe du Grand Israël. Il n’exclue plus la création d’une entité palestinienne aux côtés d’Israël : «Les Arabes israéliens qui décident que leur identité est palestinienne seraient en mesure de renoncer à leur citoyenneté israélienne et de devenir des citoyens du futur État palestinien. Israël devrait même les encourager à le faire avec un système d'incitations économiques, dès lors que tout accord doit inclure des échanges territoriaux et de population.»
Moshé Kahlon est ouvertement en faveur de concessions territoriales. Il a qualifié la situation d'Israël de «blocus politique. Le vrai Likoud savait comment faire la paix et comment renoncer à des territoires... Lorsque nous avons dû faire la paix avec le plus grand des pays arabes, nous l'avons faite. Lorsque nous avons dû faire des concessions, nous les avons faites». Il va donc falloir concilier ces différentes parties. L’art du premier ministre consistera à faire la synthèse entre des positions diamétralement opposées.

Constructions de logements


            Le problème des constructions oppose ouvertement Bennett et Kahlon. La stratégie de Bennett et de l’ancien ministre du logement Uri Ariel a été de financer les constructions de logements dans les territoires, souvent au détriment des zones de développement en Israël qui ont moins bénéficié de la manne ministérielle. Le point de vue de Moshé Kahlon et de son expert en la matière, Elie Elalouf, est diamétralement opposé à celui des sionistes religieux. Les deux sont pour la théorie de «Dira Neto» ou «appartement net» permettant à l’acheteur de ne payer que son logement en utilisant les terres domaniales de l’État d’Israël. Cela exclut a priori les constructions dans les territoires qui ne dépendent pas, du moins officiellement, des terres domaniales. Le plan vise à diminuer les délais de construction de 13 à 7 années incluant : la planification territoriale, le développement urbain, la commercialisation, les autorisations administratives et la mise en chantier.

Kahlon veut dissoudre l’autorité qui gère le domaine public, «Israel Land Authority» et veut relancer la construction de 250.000 logements bloquée par la bureaucratie israélienne. Arie Dhery du parti orthodoxe Shass est sur la même longueur d’onde puisqu’il veut allouer 7,5% des constructions à des logements publics. D’ailleurs il exige lui-aussi  le contrôle sur l'Autorité des Terres d'Israël laissant clairement entendre que sa priorité reste la construction en deçà de la ligne verte où se trouve la majorité de ses électeurs.

Bataille d’ego


            Les nombreux partis qui composeraient la coalition aiguisent les ambitions ministérielles des militants qui ont conduit la bataille avec Netanyahou. La bataille d’ego laissera le plus de trace indélébile car la nature humaine privilégie les intérêts personnels au détriment de l’intérêt de l’Etat. Certains postes ministériels sont très disputés comme le ministère des finances, celui de la défense et les affaires étrangères. En s’inspirant d’un bon mot d’un membre de l’UMP en France, les membres du Likoud plaident pour «aller très loin dans l’ouverture, y compris jusqu’au Likoud». 
          Pour satisfaire les revendications internes du parti, le nombre de ministres limité aujourd’hui à 18 devrait être augmenté avec à la clé une augmentation des dépenses de l’Etat. Pourtant l’argument des caisses vides était brandi lorsque des fonds étaient réclamés pour certains projets. Yair Lapid avait exprimé son opposition à ce sujet sur fond d’argument, certes démagogique : «Nous ne devons pas élargir le gouvernement à plus de 18 ministres. Il s’agit de votre argent. Ce sont des centaines de millions de shekels qui pourraient aller aux garderies et de la baisse des prix».
Yoav Galant

            Le poste de la défense avait été promis par Kahlon au général Yoav Galant alors que Moshe Yaalon estime que c’est sa chasse gardée. Avigdor Lieberman en avait fait une condition pour intégrer une coalition. Bien que Kahlon soit en position de force, il n’en fera pas un casus belli. Il lorgne sur les finances. Le ministère des finances avait été promis au numéro-2 du Likoud, Gilad Erdan, mais la présence indispensable de Kulanu dans la coalition pourrait avoir raison de cette certitude.
Avigdor Lieberman n’est plus en position de force pour exiger le ministère où il n’a pas brillé pour avoir été tricard dans les chancelleries occidentales. Mais il vient de poser un ultimatum à Netanyahou : s'il ne reçoit pas le ministère des affaires étrangères, il ne rejoindra pas la coalition. Or Netanyahou devra se battre contre l’isolement d’Israël et Lieberman n'est pas le mieux placé pour renouer les liens distendus avec l'Europe. On songe alors au vieux cheval de retour Sylvain Shalom qui a toujours marché dans l’ombre de son chef ou alors à Gilad Erdan ou Youval Steinitz.

Chefs historiques
 
Miri Regev
            Il faudra récompenser les chefs historiques du Likoud, en particulier Benny Begin dont le retour a permis de siphonner quelques députés aux sionistes religieux, ou Israël Katz, le fidèle parmi les fidèles, toujours cantonné à un ministère de second ordre. Les femmes manquent et la place qui leur est laissée au Likoud est insignifiante. Mais on pourra compter sur la pugnacité de Miri Regev qui ne se laissera pas faire, au risque de semer un vent de révolte au parti. Elle pourrait obtenir le ministère de la sécurité intérieure qui pourrait être aussi le lot de consolation de Lieberman.
Arie Dheri

            Le ministère de l’intérieur est le poste le plus convoité par le Shass car il peut lui assurer des financements pour ses Yeshiva. Mais sauf à faire fi de l’opinion publique, on voit mal Netanyahou le confier à un repris de justice même s'il a payé sa dette à la société. Shass se battra pour diriger le ministère des affaires religieuses actuellement détenu par les amis de Bennett. C’est le seul moyen pour lui de prendre le contrôle des institutions religieuses pourvoyeuses de fonds publics.

            Enfin il restera à attribuer la responsabilité des négociations avec l’Autorité palestinienne qui risquent d’être réduites à leur plus simple expression. Les Palestiniens seront les laissés pour compte de ce nouveau gouvernement face à l’omnipuissance de Benjamin Netanyahou. 
          Moshe Kahlon,  qui a eu des voix de gauche qui se sont portées sur son nom, devra faire la preuve de son indépendance en imposant son programme social et en ne sombrant pas dans l'inertie comme son collègue, Yaïr lapid, avant lui. C'est pourquoi, en sus du ministère des Finances, Kahlon demandera deux portefeuilles supplémentaires, le ministère de la Défense pour son adjoint, Yoav Galant, et un ministère social à définir pour Elie Elalouf.  Il réclamera pour un de ses militants la direction de la commission des finances et des affaires économiques. Il exigera surtout que l'Administration foncière israélienne soit transférée sous son contrôle afin de résoudre la crise du logement.


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