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mercredi 1 mai 2013

LE ROI ABDALLAH DE JORDANIE RENONCE A SA NEUTRALITÉ



LE REGARD DE JACQUES BENILLOUCHE POUR  TRIBUNEJUIVE.INFO

LE ROI ABDALLAH DE JORDANIE RENONCE A SA NEUTRALITÉ 



Le petit royaume jordanien n’a jamais fait parler de lui et est toujours resté à l’écart des conflits de la région parce qu’il n’oublie pas que sa population est majoritairement d’origine palestinienne et qu’il lui est difficile de prendre position sans créer une scission au sein de son peuple. Mais les troubles en Syrie qui, selon les propres termes de Bachar Al-Assad, sont voués à s’étendre au-delà des frontières, ont forcé la Jordanie à sortir de sa réserve. 




Des réfugiés par milliers




Plusieurs milliers de  réfugiés syriens campent à ses frontières. Par ailleurs des palestiniens, intégrés depuis de longues années en Syrie, ne se sentent plus en sécurité dans les camps syriens et souhaitent se réfugier en Jordanie pour rejoindre une partie de leur famille. Or ces mouvements de populations pourraient déstabiliser l’équilibre précaire en Jordanie et permettre à des éléments perturbateurs, missionnés par des intérêts étrangers, de s’infiltrer parmi les réfugiés avec l’intention affirmée de renverser le royaume.

Mais le roi Abdallah II a non seulement pris position dans la révolution syrienne mais il s’est aussi impliqué dans le conflit israélo-palestinien. Mahmoud Abbas vient de se rendre secrètement par avion en Jordanie pour signer un accord avec le roi. Il est vrai que la validité de cet accord reste sujette à caution car, juridiquement, le président de l’Autorité n’a pas été officiellement reconduit dans ses fonctions. Il assure seulement la gestion des affaires courantes depuis trois ans et les grandes décisions engageant l’avenir des palestiniens lui sont en principe interdites.

L’accord signé dans le secret des cabinets reconnait au roi de Jordanie la responsabilité de la garde des Lieux Saints, en particulier la mosquée d’Al-Aqsa, avec le droit de les protéger par tous les moyens qu’il jugera utiles. La séance des signatures s’est effectuée sans tapage ni publicité, en présence de quelques collaborateurs des deux dirigeants et sans consultation des deux parlements. 



Accord secret



Benjamin Netanyahou s’était rendu lui-aussi secrètement, en décembre 2012, à Amman pour officiellement discuter des derniers développements en Syrie. Mais en fait il aurait abordé avec Abdallah II les termes de l’accord qu’il devait signer avec Mahmoud Abbas en autorisant que des commissions politiques et juridiques travaillent dans le plus grand secret. Les opposants au chef de l’Autorité palestinienne ne contestent pas le choix du gardien des Lieux Saints mais ils craignent que la signature de cet accord, sans consultation du parlement palestinien, crée un précédent. Ils redoutent que Mahmoud Abbas ne soit entrainé dans la signature d’autres protocoles avec Israël mettant en jeu cette fois des concessions  palestiniennes.

Il ne fait aucun doute que Mahmoud Abbas a pris acte de la faiblesse de sa position et de la perte de sa crédibilité, à la fois auprès des palestiniens mais aussi auprès des occidentaux. En signant cet accord avec le roi, il a voulu partager avec lui les décisions cruciales concernant l’avenir de la Palestine et lui faire endosser une partie de cette responsabilité. Mais cet accord sous-entend la résolution du problème palestinien à travers la création d’une confédération entre la Jordanie et une entité évaluée à maximum 50% de la Cisjordanie. Cela règlerait ainsi la création d’un État croupion qui n’aurait de viabilité qu’adossé au royaume de Jordanie. 

Par ailleurs, en attribuant la garde des Lieux Saints musulmans au roi de Jordanie, le problème de Jérusalem, pierre d’achoppement de toute négociation, est en partie résolu. La Jordanie entérine ainsi la souveraineté d’Israël sur toute sa capitale, exceptés les Lieux Saints musulmans et peut-être quelques quartiers totalement arabes qui seraient cédés aux palestiniens via la Jordanie.



Fin de neutralité



Le roi Abdallah, qui avait gardé sa neutralité à l’égard de la révolution syrienne, semble avoir à présent pour objectif de se débarrasser de Bassar Al-Assad dont il craint les capacités de nuisance sur son royaume. Le chaos syrien est en passe de se propager tout autour de la région tandis que la pression des monarchies arabes se fait de moins en moins discrète. Le roi a même accepté, sur les conseils de Barack Obama en visite chez lui, d’étendre sa coopération avec l’armée israélienne. Ainsi Amman a accepté d'ouvrir son espace aérien aux avions et aux drones israéliens pour surveiller la situation en Syrie, et éventuellement pour effectuer des frappes militaires.

Le royaume hachémite a été à l’abri des révolutions arabes mais il n’est pas certain qu’il puisse rester à l’écart des problèmes sécuritaires et économiques de son voisin. L’ancien premier ministre jordanien, Abdallah Al-Nusour, a d’ailleurs exposé les implications de la crise syrienne sur la Jordanie en estimant qu’elle avait atteint des «niveaux dangereux, représentant une menace pour la sécurité nationale jordanienne».

Le roi s’était toujours opposé aux pressions des occidentaux et des États du Golfe pour s’ingérer dans les affaires syriennes et favoriser la chute du régime syrien. Mais à présent c’est chose faite puisque la Jordanie a rejoint l’opposition au dictateur syrien. Le quotidien syrien Al-Watan a d’ailleurs critiqué ce choix le 16 avril : «le rôle de la Jordanie en Syrie devenu clair et sans vergogne.» 
Chuck Hagel


La neutralité de la Jordanie a été brisée par l’arrivée de 200 soldats américains sur le sol jordanien, officiellement dans le cadre d'un cadre d’une coopération bilatérale pour faire face aux défis sécuritaires. Le Secrétaire américain à la Défense, Chuck Hagel, a révélé  devant le Congrès que le Pentagone «enverrait 200 soldats pour aider l'armée jordanienne à faire face aux réfugiés syriens, à se préparer à l'utilisation possible de gaz toxiques, et à assurer le commandement et le contrôle des opérations pour préparer l’après-Assad». Ces troupes spécialisées, dans le renseignement et les communications, auront pour rôle de suivre de près la situation et les développements en Syrie.



Infiltrations de salafistes


Salafistes jordaniens


L’État-major militaire jordanien a tenu à relativiser l'arrivée des troupes américaines qui n’avait «rien à voir avec la situation en Syrie, mais qui entre dans le cadre des exercices militaires effectués en présence des médias avec la participation de 19 pays».

Le revirement du roi est lié aux informations sécuritaires fournies par les occidentaux et par le Mossad israélien. Elles font état d’infiltrations en Jordanie, en décembre 2012, d’un nombre croissant de salafistes djihadistes, évalué alors à 500 combattants, qui n’ont pas hésité pas à affronter la police jordanienne. Mais la situation a évolué en mars 2013 avec l’arrivée massive de plus de 5.000 combattants syriens lourdement armés, installés dans des camps jordaniens. 

Mais certains observateurs veulent voir dans ce revirement des motivations de pure politique intérieure jordanienne. Deux clans s’affrontent en effet ; d’une part les tribus, les gauchistes et les nationalistes arabes qui appuient Bassar Al-Assad ; d’autre part les Frères musulmans et les jordaniens d’origine palestinienne, soutenus par les États-Unis, le Qatar et l’Arabie saoudite, qui ont obtenu des gains électoraux aux dernières élections faisant d’eux une puissance incontournable. Abdallah II doit tenir compte de cette force pour la survie de son royaume. 
Camp de réfugiés de Zaatari en Jordanie

Le roi de Jordanie ne peut plus faire face à un afflux de réfugiés atteignant près d’un demi-million de personnes sur une population de 6 millions. Il craint à la fois pour la situation économique du pays mais aussi pour la sécurité de son royaume. Il ne peut plus contrôler cette arrivée massive de combattants djihadistes qui mettent en danger l’équilibre, non seulement en Jordanie, mais aussi au Liban, en Irak et même en Turquie. C’est pourquoi la Jordanie est passée du stade de la neutralité au stade opérationnel. Ce choix lui a été imposé malgré elle.

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