LE REGARD DE JACQUES BENILLOUCHE POUR TRIBUNE JUIVE
SYRIE : LA FIN PROGRAMMÉE DU PAYS
Par Jacques BENILLOUCHE
http://www.tribunejuive.info/politique/syrie-la-fin-programmee-dun-pays-leregard-de-jacques-benillouche
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La Syrie est en cours
de désintégration dans un Moyen-Orient en ébullition après avoir été créée de
toutes pièces en royaume arabe en 1918 après la fin de l’occupation ottomane
puis, en État indépendant en 1946. En effet, après l’accord Sykes-Picot, les français
et les britanniques s’étaient répartis administrativement les territoires de
l'Empire ottoman déchu, créant artificiellement des pays distincts. Cet accord avait
mis fin à la Syrie historique, Bilad al-Cham, qui comprenait la Syrie actuelle,
le Liban, la Jordanie et la Palestine. Après le départ des français
et avec l’appui des britanniques, la Syrie a obtenu son indépendance alors que
son existence semble remise en cause aujourd’hui.
Décomposition
du pays
Mais aujourd’hui, dans
l’indifférence totale du monde occidental, la Syrie se décompose avec le risque
de disparaitre à court terme dans son statut actuel. À deux semaines du second anniversaire du
début du conflit qui a fait, selon l’ONU, plus de 70.000 morts, le secrétaire
général des Nations unies Ban Ki-moon a prévenu qu’une solution militaire
conduirait à une «dissolution» du pays. Mais Bassar El-Assad s’accroche à son
pouvoir, quitte à laisser se développer un chaos généralisé.
Certains lui prêtent la décision ultime de regrouper ses dernières forces dans une enclave fortifiée de l'Etat des alaouites, entouré de sa garde militaire la plus fidèle aux ordres de sa proche famille. La guerre a fait le lit des islamistes. Le soulèvement pour la liberté s’est transformé en confrontations ethniques tandis que le conflit devient de plus en plus religieux. Il a attiré les djihadistes du monde entier, ravis de trouver un terrain propice pour propager leur islam radical, grâce à la militarisation du soulèvement. Dans l’ombre, les monarchies du Golfe, motivées par des impératifs religieux, financent l'aile islamiste d'une rébellion déjà marquée par l'influence des Frères musulmans.
Certains lui prêtent la décision ultime de regrouper ses dernières forces dans une enclave fortifiée de l'Etat des alaouites, entouré de sa garde militaire la plus fidèle aux ordres de sa proche famille. La guerre a fait le lit des islamistes. Le soulèvement pour la liberté s’est transformé en confrontations ethniques tandis que le conflit devient de plus en plus religieux. Il a attiré les djihadistes du monde entier, ravis de trouver un terrain propice pour propager leur islam radical, grâce à la militarisation du soulèvement. Dans l’ombre, les monarchies du Golfe, motivées par des impératifs religieux, financent l'aile islamiste d'une rébellion déjà marquée par l'influence des Frères musulmans.
Mais les islamistes
prospèrent à mesure que la guerre civile s'enlise dans des combats sans fin. La
Syrie est déjà éclatée en clans dirigés par des seigneurs de guerre qui s’approprient
chacun une partie de la Syrie pour y faire régner leur ordre. À l’image de
l’Afghanistan, ces milices nourrissent le djihad mondial et cherchent à pourrir
les régimes arabes qui résistent encore. Une concurrence sanglante existe entre combattants. D'ailleurs deux palestiniens ont été pendus le 2 mars en Syrie par les rebelles qui les accusaient d'espionner au profit de l'armée d'Assad.
Dans l’Est
syrien, des dirigeants de l’Armée syrienne libre (ASL) s’inquiètent de la
montée en puissance des unités djihadistes. Un commandant de l’ASL déplore :
«Ils reçoivent de l’argent de l’étranger et ont les meilleures armes pour
lutter contre le régime. Ceci fait d’eux les meilleurs combattants. Les
étrangers qui viennent rejoindre le Front al-Nosra sont des extrémistes qui
interprètent l’islam de façon erronée». Ce groupe djihadiste, inconnu avant le
début des violences en Syrie il y a près de deux ans, a connu une ascension
fulgurante, s’imposant partout comme le fer de lance de la rébellion au
détriment de l’ASL.
Unité Hamza |
Pour célébrer sa promotion de bataillon à brigade, l’unité islamiste
Hamza ibn Abdel Mottalleb, qui opère indépendamment d’al-Nosra, a envoyé ses
combattants défiler dans la rue. Selon un chef de bataillon de l’ASL : «leur
unique objectif est la création d’un État islamique en Syrie. L’ASL veut en
Syrie un islam modéré comme en Turquie, loin des extrémismes de l’Arabie
saoudite, du Pakistan ou de l’Afghanistan. Nous commençons à avoir des soucis
avec al-Nosra et avec les brigades islamiques car ils poursuivent des objectifs
différents des nôtres ».
Un risque nouveau s’est inséré dans
une situation inextricable. Pour l’instant circonscrit, le problème des armes
chimiques pourrait changer la donne de la région. Selon les services de
renseignements, elles sont toujours sous contrôle de l’armée d’Assad qui semble
vouloir les garder comme armes de dissuasion, et les utiliser en dernière
extrémité si sa situation personnelle était compromise. Armes chimiques |
Pourtant Assad n’a
jamais trompé l’occident sur ses intentions. Il a adopté dès le départ une
stratégie de violence, pour prouver sa détermination à ne rien céder, à l’instar
des Moubarak et Ben Ali d’hier. Il a utilisé les chars et les hélicoptères pour
mater la rébellion, sans hésiter à détruire son peuple et les villes qui s’opposaient
à lui. Mais la guerre de libération s’est transformée en guerre de religion,
alaouites contre sunnites, poussant certains clans religieux à s’allier à lui
de crainte de subir la vengeance terrible des armes. Le cercle infernal s’est
déclenché : guerre de positions abandonnées puis reprises au prix de
centaines de morts, bases militaires tombées aux mains des rebelles puis
reconquises pour transformer le pays en gruyère où chaque clan rival s’approprie
un bout d’espace syrien pour y imposer sa loi.
Stratégie
de la terre brûlée
Manifestation d'alaouites pour Assad |
Tant que les alaouites
le soutiendront parce qu’ils craignent la vengeance terrible des autres sectes,
alors le combat se poursuivra avec la même intensité. Ainsi, la troupe des 50.000
fidèles surarmés et aguerries permettront à Assad de résister plusieurs mois
encore. Tant que la Russie, l’Iran et l’Irak lui apporteront un soutien
politique, matériel et financier, Assad restera à la tête de son pays ou de ce
qu’il en restera. Tant que le Hezbollah libanais, intéressé à occuper ses troupes
inactives sur le pied de guerre, cherchera à en découdre avec l’occident à
défaut de combattre Israël, alors Assad résistera à une guerre qu’il lui est
difficile de gagner mais qu’il ne pourra pas perdre.
Le pays est dans la
détresse avec 70.000 morts et de nombreux disparus. Les prisons sont pleines de
résistants politiques. Les destructions ont mis plus de deux millions de
syriens dans la rue, souvent sans nourriture tandis que les plus veinards ont
trouvé refuge aux frontières turque et jordanienne.
Politique
américaine d’abandon
Les américains hésitent à intervenir bien
qu’ils aient peur des islamistes qui ont pollué la rébellion et qui veulent faire
basculer la Syrie vers un État islamique. Le président Obama s’inspire des
leçons de l’Irak et de l’Afghanistan pour en déduire que l’action militaire ne
peut être justifiée uniquement pour sauver des vies d’autant plus qu’il lui
sera difficile d’imposer ensuite une paix quelconque. Il a par ailleurs d’autres chats
à fouetter à l’intérieur de ses frontières avec la guerre économique qui ronge
la stabilité de la première nation du monde.
Mais de nombreux stratèges américains estiment que cette
stratégie de l’autruche ne sera pas payante à moyen terme car les États-Unis finiront
par être aspirés, malgré eux, dans la spirale des conséquences du conflit syrien
étendu à toute la région. En laissant la Syrie se décomposer en fiefs
de guerre, chacun défendant ses propres intérêts sans stratégie nationale, les américains
pourraient avoir du mal à assurer l’approvisionnement en ressources pétrolières
et à s’opposer à la prolifération des armes chimiques.
Ces stratèges se justifient en expliquant que 20% des
rebelles sont des djihadistes bien armés et bien organisés, capables de prendre
le dessus sur les opposants sunnites modérés et de transformer le pays en une nouvelle base du
terrorisme international. Pour favoriser une déflagration régionale, ces
islamistes provoqueront certainement Israël qui sera amené à riposter en
entrainant la levée habituelle de boucliers dans les pays arabes, avec le
risque de déstabilisation qui en
résulterait. Certains islamistes, attisés par des officiers iraniens en mission,
ont déjà tenté de réveiller la frontière du Golan, pour l’instant sans succès. Il
est à craindre, par ailleurs, que le
Hezbollah, bien implanté et bénéficiant de soutiens gouvernementaux, tente de déstabiliser
le Liban quitte à susciter une nouvelle guerre civile pour en récolter les
dividendes. L’Irak, avec ses immenses réserves de pétrole, s’impliquerait dans
la mêlée tandis que l’Iran se sentirait libéré pour construire sa bombe
nucléaire pendant que le chaos sévit en Syrie. Toute la région serait alors en feu.
Actions secrètes américaines
C’est pourquoi des responsables politiques pressent
Barack Obama d’agir avant que la situation ne se dégrade davantage. Ils préconisent que les américains maintiennent
l’intégrité de la Syrie avant qu’elle ne se décompose plus encore, en optant à
la fois pour une solution politique et militaire.
Ils doivent d’abord convaincre l’entourage de Bassar
Al-Assad qu’il a le choix entre une défaite ruineuse et l’abandon du soutien au
dictateur en engageant des négociations avec les rebelles. Les américains pourraient
alors imposer une zone d’exclusion aérienne pour maintenir au sol les avions de
l’armée syrienne afin de favoriser le dialogue. Ils devront reconnaitre un
gouvernement de transition excluant les djihadistes et armer certains groupes
de rebelles. Cette solution ne garantit pas la réussite du processus mais elle
aurait l’avantage d’établir des liens avec les rebelles non-djihadistes, dont les
États-Unis auront besoin si Assad décidait de se maintenir malgré le chaos. Elle donnerait au moins l’impression au syriens modérés qu’ils ne sont pas complètement abandonnés.
Il semble que les États-Unis aient commencé à agir en
sous-main. Des instructeurs américains entraînent des rebelles de l’Armée
syrienne libre (ASL) passés en Jordanie. «Ils structurent, encadrent et donnent
des conseils aux insurgés syriens depuis la fin de l’année dernière» selon une
source française. Cette formation se déroule au «King Abdallah special
operation training center» (Kasotec) situé au nord d’Amman. Des forces
spéciales américaines, des forces spéciales britanniques et une poignée de français
participent à cette instruction pour renforcer la capacité d’action des
opposants à Bachar el-Assad.
Forces Delta |
Ces forces spéciales, aidées selon certaines sources fiables
par des commandos israéliens parlant parfaitement l’arabe, organisent «des
pénétrations en territoire syrien» pour surveiller les armes chimiques du
régime car leur dissémination aux mains des djihadistes ou du Hezbollah
libanais pro-iranien constitue un casus belli pour Israël. D’autres forces
spéciales Delta sont déjà à pied d’œuvre à Harissa, au nord de Beyrouth, d’une
part pour la formation des libanais mais surtout pour organiser la pénétration
en territoire syrien.
John Kerry, le nouveau secrétaire d'État américain, a
voulu officialiser ce soutien à la rébellion syrienne en annonçant des aides non létales, armes
conçues pour que la cible ne soit pas tuée ou blessée, à savoir gilets pare-balles,
véhicules blindés et matériel anti-émeutes. Mais le ministre
syrien des Affaires étrangères Walid al-Mouallem a condamné l’initiative américaine
de fournir une aide non létale aux rebelles qui se battent pour renverser
le président Bachar al-Assad, accusant Washington de deux poids deux mesures. Dans
une conférence de presse à Téhéran avec Ali Akbar Salehi, ministre des Affaires
étrangères de l'Iran, il a déclaré : «Je ne comprends pas comment les
Etats-Unis peuvent apporter un soutien à des groupes qui tuent le peuple syrien.
Assad est le président légal de la Syrie jusqu'aux prochaines élections»
John Kerry a implicitement acté le désengagement des États-Unis de
la Syrie tout en confirmant les missions des rebelles aidés et formés par les
américains : contrôler l’arsenal chimique syrien, créer une structure
pro-occidentale pour l’après-Assad, et empêcher les groupes d’Al-Qaeda de
prendre le contrôle de la Syrie. Les américains sont à présent convaincus qu’ils
ne pourront contenir les islamistes que dans le cadre d’un accord avec les
russes pour définir les lignes d’un armistice. Ils se seraient même mis d’accord sur les types
d'armes à fournir aux groupes rebelles. Le président français s’est rendu à
Moscou pour apporter la caution de la France dans le cadre d'une solution négociée.
Le temps presse car toutes les parties agissant en Syrie semblent avoir programmé la mort délibérée du pays. Israël observe ce qui se passe à ses frontières mais agira en fonction de l'intérêt de sa sécurité. L'absence de gouvernement n'entame en rien sa détermination.
Le temps presse car toutes les parties agissant en Syrie semblent avoir programmé la mort délibérée du pays. Israël observe ce qui se passe à ses frontières mais agira en fonction de l'intérêt de sa sécurité. L'absence de gouvernement n'entame en rien sa détermination.
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