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dimanche 31 mars 2013

LES LIMITES DES SANCTIONS CONTRE L’IRAN



LES LIMITES DES SANCTIONS CONTRE L’IRAN

Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps
                 


          Benjamin Netanyahou avait raison de contester l’efficacité des sanctions contre l’Iran. Elles n’ont jamais  limité le commerce iranien en raison de l’égoïsme de certains pays et des intérêts économiques contradictoires. Pour Washington, les sanctions avaient pour objectif «d’intensifier la pression économique contre le régime iranien», et de le contraindre ainsi à infléchir sa politique nucléaire. Certes l’embargo pétrolier de l’Union européenne, deuxième consommateur de brut iranien après la Chine, semble appliqué mais il est contourné par d'autres pays, au vu et au su des occidentaux.



Conséquences des sanctions


Marché de Kerbala


L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a estimé que les sanctions internationales avaient coûté 40 milliards de dollars à l’Iran, en 2012 : «La production iranienne évolue à son plus bas niveau depuis trois décennies. Alors que l’Iran produisait environ 3,7 millions de barils par jour fin 2011, elle n’en produisait plus que 2,65 au mois de janvier 2013». Mais pour attirer la compassion sur son peuple, l’Iran accuse ces sanctions de pénaliser sa population qui se plaint d’être privée de médicaments : «Le prix de certains médicaments a augmenté, parfois de 400 %. En plus, les médicaments spéciaux ne sont plus disponibles». Les importations de médicaments américains et européens ont certes diminué de 30% en 2012. D’ailleurs le ministre iranien de la santé a été destitué pour avoir utilisé des devises pour d’autres achats que l’importation de médicaments. Il est cependant fort probable que les dirigeants iraniens accentuent volontairement les difficultés rencontrées par les iraniens de manière à culpabiliser les pays occidentaux.

     Il est certain que ces sanctions ont eu un impact sur l’économie iranienne, mais pas au point de bloquer totalement les échanges et de mettre le pays à la disette. Il en résulte, selon les statistiques officielles, une inflation qui a atteint le chiffre de 27,4% en 2012 tandis que la hausse des prix sur les produits de première nécessité s'est élevée à 60%. Cette situation a entrainé une récession suivie d’une hausse du chômage dans le pays des mollahs qui gaspillent des fortunes dans leur programme nucléaire.
Marché noir de devises dans une rue de Téhéran

     Face à la rareté des entrées de devises et à l’interdiction d’accès au système bancaire international, la monnaie locale s’est effondrée. Le dollar s’échangeait il y a deux ans à 10.500 rials or il est côté aujourd’hui à 40.000 rials d’où un marché noir toléré dans les rues de Téhéran.

     Mais le paradoxe tient au lavage de cerveau subi par les iraniens qui, selon l’institut de sondage Gallup, se prononcent favorablement pour la poursuite du programme nucléaire. L’institut prouve ainsi que les sanctions n’atteignent pas le moral de la population à moins qu’elle ne patiente jusqu’aux élections présidentielles de juin 2013 pour exprimer son désir de changement. 

Embargo diversement respecté


405 Peugeot encore produite en Iran


     La France, à l’instar de l’Union Européenne, respecte l’embargo au détriment de sa propre économie. Les ventes du groupe PSA Peugeot ont reculé de 16.5% car l’Iran était l’un de ses principaux marchés avec 457.900 véhicules vendus. Son partenaire local, Iran Khodro, détient 30% du marché avec 800 millions d’euros de chiffre d’affaires. Mais les  constructeurs asiatiques n’ont pas eu de scrupules à s’introduire sur le marché iranien pour combler le vide laissé par PSA. Deux poids, deux mesures.

     En effet, tous les pays ne sont pas aussi rigoureux dans le respect de l’embargo, en particulier les pays asiatiques qui s’en donnent à cœur joie pour l’ignorer ou le contourner. La Chine, le Japon, la Corée du sud, l’Inde, la Turquie et Taïwan ont obtenu officiellement des Nations-Unies le droit de ne pas respecter  cet embargo. Les États-Unis et l’Europe ont décidé de fermer les yeux et de ne pas contester cette décision internationale. 
Tanker iranien

     Ces six pays ont donc profité pour absorber 65% de la production pétrolière iranienne en négociant, au passage, des prix de «crise» au rabais, à la limite de la braderie. Des informations officielles d’origine américaine précisent aussi que l’Afghanistan importe auprès de l’Iran le tiers du pétrole nécessaire à son armée, avec l’aval discret des américains qui financent la reconstruction de l’Afghanistan.

     S’il est interdit de commercer directement avec l’Iran, les intermédiaires sont nombreux à jouer le rôle d’écrans capables de débaptiser ou dénationaliser le pétrole iranien en cours de route. La Suisse joue en particulier le rôle d’intermédiaire car, bénéficiant du statut de pays neutre, elle n’est pas tenue de respecter certaines décisions politiques internationales ; elle est donc libre de vendre le pétrole des mollahs.  
     Ainsi, le département du Trésor des États-Unis a accru sa pression afin de décourager les banques occidentales de continuer à traiter avec la société suisse Naftiran Intertrade Company (NICO), chargée de négocier la vente du pétrole brut iranien sur les marchés internationaux. D’ailleurs le vice-président iranien chargé du développement, Ebrahim Azizi, a ouvertement recommandé à son administration de «développer au maximum l’exportation de pétrole via la Suisse».
Ebrahim Azizi

           Une poignée de traders sont chargés à Genève de l’écoulement du tiers du commerce mondial de brut en utilisant des artifices commerciaux judicieux. L’un d’entre eux avait acheté deux millions de barils à un revendeur au Bahreïn pour ensuite mélanger sa cargaison au large de la Malaisie avec un pétrole d’origine légale afin de «blanchir» sa cargaison. C’est aussi le cas de revendeurs russes qui mélangent leur pétrole d’Oural avec celui en provenance d'Iran.



Solutions de rechange



     Les américains avaient pensé pouvoir bloquer ce commerce illicite en interdisant aux compagnies américaines d’assurer les tankers de brut iranien. Mais la parade a été trouvée par certains pays qui ont constitué leurs propres compagnies d’assurances, souvent avec des fonds publics. D’autres, comme la Corée du sud, ont accepté de se faire assurer directement par l’Iran qui détourne ainsi des contrats d’assurances rentables perdus à son profit par les occidentaux.
La ligne rouge de Netanyahou

     Benjamin Netanyahou était au fait de ces informations et c’est pourquoi il insistait auprès de Barack Obama pour durcir les sanctions afin qu'elles soient plus efficaces : «Les sanctions à elles seules sont incapables de stopper le programme nucléaire iranien. Elles doivent être assorties d'une menace militaire crédible». Mais il n’est pas certain que les États-Unis soient prêts à modifier l'équilibre mondial en touchant à l’approvisionnement en pétrole des pays émergents. Le risque est grand de susciter une grave crise économique mondiale avec à la clef un conflit généralisé car, priver un pays de pétrole c’est le contraindre à la guerre.        

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