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lundi 23 janvier 2023

Russie-Ukraine, qui veut franchir les lignes rouges par Francis MORITZ

 

RUSSIE-UKRAINE, QUI VEUT FRANCHIR LES LIGNES ROUGES

Par Francis MORITZ

Reunion de Ramstein pour faire sortir les chars Leopard d'Allemagne

          Lors de la mobilisation de 1914, les soldats partirent avec la fleur au fusil. On leur avait promis une guerre courte et sans victimes. Bilan, plus de 9 millions de morts et disparus dont 1,4 million pour la France, 21 millions de blessés dont 4 millions en France. Pour l’instant le conflit se déroule ailleurs qu’en Europe de l’ouest. Les Américains et ses alliés au sein de l’Otan répètent à qui veut l’entendre et même à ceux qui n’y croient pas, que l’Ukraine est le dernier rempart européen devant la folie meurtrière de la Russie, que l’Ukraine vaincra la Russie, qu’elle récupèrera les territoires occupés y compris la Crimée, que le théâtre d’opérations restera circonscrit à l’Ukraine et la Russie.




Pour y arriver, nous dit-on, il faut fournir des équipements lourds offensifs. L’ami américain, le soutien sans faille financièrement et militairement, a déjà décidé de ne pas fournir ses tanks M1 Abrams, car trop consommateurs de carburant, nécessitant un entretien important et une formation spéciale.  Les experts militaires contestent ces explications. On rappellera que les États-Unis avaient déclaré dès le départ, ne pas engager de troupes au sol. Ironie de l’histoire, l’Allemagne est devenue l’arsenal de l’Europe. Le secrétaire d’état américain, Lloyd Austin enfonce le clou «L'Allemagne est un allié fiable et ce depuis très longtemps», déclare-t-il aux journalistes, pressé sur le rôle de Berlin. «Je crois vraiment qu'ils continueront d'être un allié fiable à l'avenir», a-t-il ajouté. Enfin, il a précisé que l'Allemagne était essentielle pour aider à former les soldats ukrainiens. «L'Allemagne continue d'ouvrir les portes et de mettre à notre disposition les installations des zones d'entraînement pour que nous puissions continuer à travailler, et l'Allemagne entraîne également des troupes…». On ne saurait être plus clair. Le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, a également déclaré que l'Allemagne était l'un des alliés apportant le plus de soutien à l'Ukraine. 

La pression est mise sur l’Allemagne pour lui imposer de livrer directement et autoriser la fourniture des tanks Léopard-2 - réputés pour leur efficacité sur le plan offensif - livrés aux voisins de la Russie (Pologne, Finlande, Lituanie).  Kiev parle de 300 chars, plus de 100 chars de combat de différents modèles Léopard-1 et 2, Challenger-1 seraient rapidement disponibles, en vue d’une offensive au printemps mais que les opérations pourraient se prolonger au-delà de 2023.

Char Leopard allemand


L'offensive de printemps

Selon un article du New York Times, l’objectif d’une offensive printanière est explicite, car Kiev ne s'attend pas à pouvoir résister indéfiniment aux attaques russes et tente d’imposer un revirement sur le champ de bataille. De hauts responsables militaires ukrainiens et américains se sont rencontrés en Allemagne pour planifier les détails. Lors de la réunion des ministres de la défense à Ramstein, il s’agissait de clarifier comment les armes pourraient être acheminées. Il s’agirait dans un premier temps de reconquérir la région de Zaporijia – y compris la ville de Marioupol si possible. 

Un succès compliquerait sérieusement les approvisionnements russes en Crimée. Les milieux militaires américains affirment que depuis Kherson, qui a été reprise à l'automne, l'Ukraine pourrait attaquer les approvisionnements destinés aux territoires conquis par la Russie depuis la Crimée. La Crimée elle-même pourrait facilement être attaquée au cours de l'offensive. Enfin l’article indique que Washington est prêt à autoriser un bombardement plus étendu de la Crimée. Ce qui pourrait constituer un franchissement des lignes rouges qui entrainerait une escalade, pouvant même déclencher une attaque nucléaire. Hypothèse non retenue par la Maison blanche. 

Lloyd Austin secrétaire d'état et le général Mark ;A; Milley à Ramstein


Or dans le passé, l'Occident a franchi à plusieurs reprises les lignes rouges de la Russie - avec des conséquences dramatiques. Dans la configuration actuelle, une éventuelle attaque nucléaire frapperait l'Europe mais pas les Etats-Unis. Le Premier ministre polonais a déclaré que l'approbation allemande - légalement requise - pour le transfert de chars Leopard polonais à l'Ukraine était secondaire. Le ministre allemand Boris Pistorius de la Défense a rencontré son homologue américain mais n'a partagé aucune conclusion. 

Il n'est pas «juste de critiquer» l'Allemagne pour avoir pris le temps de réfléchir à l'opportunité de donner des chars Leopard-2 à l'Ukraine, a déclaré DW Adam Smith, qui dirige les Démocrates au sein du US House Armed Services Committee. Il a ajouté que même si les alliés de l'Ukraine veulent la défaite de la Russie, ils ne veulent pas non plus d'un conflit direct. La position américaine est très ambivalente.

Lloyd Austin secretaire d'état americain


Attaquer la Crimée ?

Selon le New York Times, l'administration Biden est disposée à donner son feu vert à des attaques à plus grande échelle mais sans en déterminer précisément l’envergure.  Les précédentes attaques contre des navires de guerre russes ou contre des bases aériennes en Crimée n'ont déclenché que des réactions russes modérées, parait-il.  Cela a considérablement réduit les craintes que Moscou réponde par une frappe nucléaire tactique. L'Amérique est donc favorable au bombardement de la Crimée à plus grande échelle. Ce qui pourrait priver la Russie d'une base arrière. Cependant, le président Joe Biden semble avoir des doutes et n’est pas encore prêt à donner aux Ukrainiens des armes telles que des missiles qui pourraient atteindre les installations russes en Crimée. 

L'administration américaine se révèle ambivalente. Elle est plutôt sceptique quant à la capacité de l'Ukraine à reconquérir la péninsule. L’hypothèse que Moscou puisse réagir aux tentatives de conquête par une escalade dramatique demeure actuelle. Les stratèges de Washington n'ont pas osé formuler officiellement l’éventualité où Moscou réagirait directement à la fourniture de matériels allemands et français aux pays voisins de la Russie chargés de les transférer à l’Ukraine. Que se passerait-il si la Russie envoie ses missiles en Finlande, en Lituanie ou en Pologne ou en Allemagne ? La France qui ne dispose pas d’armes nucléaires tactiques, contrairement à la Russie ne pourrait pas faire usage de son arme atomique sauf en très ultime recours.

Franchir les fameuses lignes rouges

Le test du jusqu’où-on-peut-aller-sans-finalement- franchir les lignes rouges n'est pas nouveau. L'Occident l'a déjà fait, provoquant des réponses russes sévères. Lors de l'attaque de la Géorgie contre l'Ossétie du Sud en août 2008, la Russie, a repoussé les troupes géorgiennes. Un deuxième exemple est le coup d'État de Maïdan soutenu par l’Occident en février 2014, qui avait rapproché l'Ukraine de l'UE et de l'OTAN. Moscou avait réagi - totalement imprévu pour et par les puissances occidentales - en soutenant la sécession de la Crimée en mars 2014 et en l’absorbant. Il n'est pas certain qu'il aurait été possible d'éviter la guerre en Ukraine si l'OTAN avait renoncé à son implication, mais c'est concevable. L'Occident a préféré tester les lignes rouges de la Russie. L'Ukraine le paie maintenant au prix fort mais jusqu’à quand, c’est la question. 

L’échéance se rapproche  

Le test actuel porte sur l’utilisation par Moscou d’armes nucléaires tactiques. Faisant explicitement référence a ce danger très réel, l’éminent Henry Kissinger - opposant déclaré à la politique russe - a récemment appelé à s'abstenir de toute nouvelle escalade et à plutôt envisager un cessez-le-feu. À Washington, son avertissement est ignoré. L'administration américaine et le complexe militaro-industriel peuvent se le permettre : une éventuelle réplique nucléaire russe dévasterait l'Europe, Mais pas les États-Unis – de la même manière que la guerre économique contre la Russie a un impact très négatif sur les pays européens, mais pas sur les États-Unis.

Chaque jour davantage, l’Europe se trouve prise en étau sinon même en otage d’un conflit dans lequel elle s’enfonce et qui risque à tout instant de s‘étendre dans les pays voisins de la Russie, voire au-delà. Pourtant, Washington pousse l’Allemagne et les Européens à s’impliquer dans cette guerre qu’elle conduit de loin. C’est pourquoi Washington engage l’Allemagne à l’escalade. Cette Allemagne qui refusait, encore il y a peu, de constituer une armée digne de ce nom et qui se trouve en première ligne d’un conflit qu’elle n’a pas voulu. Seul un cessez-le-feu et des négociations pourront mettre fin à plus de victimes, plus de destructions et éviter que l’Europe ne connaisse en direct les affres de la guerre et du sang versé. Mort où est ta victoire ?

 

1 commentaire:

Georges Kabi a dit…

On peut legitimement se poser la question si cette guerre initiee par la Russie et les Etats-Unis n'a pas pour but de reintroduire une partie de l'Europe dans le giron russe. Y a-t-il eu des accords secrets entre la Russie et les USA. Je vois tres bien a l'horizon un retrait americain (et surtout europeen) style retrait americain de l'Afghanistan.