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jeudi 12 janvier 2023

La place des Chrétiens dans l'équation israélo-palestinienne par Francis MORITZ


LA PLACE DES CHRÉTIENS DANS L’ÉQUATION ISRAÉLO-PALESTINIENNE

 

Par Francis MORITZ

 

Pèlerinage chrétien  à Jérusalem

Le Moyen Orient a toujours été une mosaïque dans laquelle se trouvent un grand nombre de minorités, essentiellement issues des trois religions révélées. Pour les chrétiens palestiniens, il y a eu un avant la déclaration Balfour de 1917 qui créait un foyer national en Palestine et un après. Un siècle plus tard le paysage géopolitique de la région a été bouleversé. Du point de vue des Palestiniens chrétiens, avant Balfour, l’accession aux lieux saints se faisait librement, ainsi que leurs déplacements dans toute la région. Pour certains analystes, les peuples sur place se dirigeaient vers l’indépendance et la création d’États selon le modèle importé par les puissances européennes. 


Déclaration Balfour

La déclaration Balfour a été le point de bascule, lorsque les Anglais dans l’ambiguïté, ont tout promis à tout le monde. Leur gouvernement n’a pas été avare de promesses et leur contraire aux parties en présence, croyant réduire le risque de difficultés durant leur mandat. Aux Palestiniens, on donna des assurances sur la nature limitée du foyer national, aux Juifs la possibilité de s’établir et mieux si affinités. L’ambiguïté conduit inexorablement à la conflictualité. Il est alors trop tard, la machine était lancée. La suite est connue.

Le rôle des Palestiniens à partir de 1917

Chrétiens palestiniens

          Jusqu’en 1948, ils représentent de l’ordre de 8% de la population et sont majoritairement en première ligne dans la lutte pour la libération nationale au côté de la majorité musulmane. En 1948, la guerre et la propagande des ennemis d’Israël mettent sur le chemin de l’exode des dizaines de milliers de Palestiniens. D’après les statistiques, on dénombra de l’ordre de quelques 50 à 60.000 chrétiens, qui quittèrent Israël. Ce départ brutal aggravé par la propagande des belligérants arabes a porté un coup fatal à la communauté chrétienne palestinienne marquée à tout jamais par ce drame. Elle faisait partie intégrante de la population avant cet événement, mais emportée par la tourmente que fut leur départ, elle rejoint la lutte armée malgré un dilemme moral.

Par convictions religieuses, adversaire de la violence, cette communauté en devient acteur elle-même. On ne peut pas oublier que le cofondateur du FPLP fut Georges Habache (grec orthodoxe) et que le FDLP fut fondé par Nayef Hawatmeh (grec catholique). Parallèlement, les églises chrétiennes sur place, adoptèrent des positions contrastées. Certaines, notamment aux côtés de la résistance armée, d’autres dotées de dirigeants étrangers, soucieuses de leurs intérêts particuliers conservèrent une neutralité mal vécue par les chrétiens palestiniens. Le premier patriarche latin palestinien de Jérusalem, Michel Sabbah, joua un rôle actif, qui entraina parfois des conflits avec les autorités israéliennes. Actuellement on constate un relatif retrait des dirigeants actuels des églises qui se concentrent plutôt sur la protection de leurs intérêts, protection de statu quo et différend fiscal avec Israël.  

L’émergence de la Palestinité

Une délégation du Hamas visite une église à Gaza

       Les Chrétiens de Ramallah comme ceux de Gaza sont désormais gagnés par le concept identitaire auquel ils veulent se rattacher, celui de la communauté palestinienne. Depuis la prise de contrôle de Gaza par le Hamas, version locale des Frères Musulmans, et la déliquescence de l’Autorité Palestinienne, l’islamisation des cadres palestiniens s’est accélérée. Les chrétiens sont pris entre deux feux, celui de l’appartenance à la communauté palestinienne et son corollaire, l’émergence de la lutte armée, Les élites qui naguère ont joué un rôle central dans la vie palestinienne, disparaissent progressivement mais surement, car les jeunes ne voient aucune perspective dans leur avenir sur place.

Les élites chrétiennes encore présentes, tant dans les territoires qu’en Israël, dans les associations, parmi les artistes expriment une revendication croissante en vue d’une unité chrétienne qui fait défaut, car c’est celle d’une minorité dans la minorité.  La tension et le dilemme tant identitaire que politique montrent la fragmentation au sein même de cette communauté. On a pu le constater à diverses occasions, pendant les deux premières Intifadas, les chrétiens en général se sont tenus à l’écart.  Cette neutralité apparente tend à disparaître.

Noël à Bethlehem


Fin 2022, les Chrétiens en Israël représentent 1,9% de la population d’Israël, soit environ 185.000 personnes. Dont 76% sont des arabes israéliens qui représentent 6,9% des citoyens arabes israéliens, contre pratiquement 20% pour la population musulmane. D’après diverses évaluations, 50.000 Chrétiens palestiniens résident en Cisjordanie et Jérusalem-Est. A Gaza dont la population chrétienne diminue régulièrement, il y aurait moins de 1.000 personnes.

La loi sur l’État-nation de juillet 2018 confirmant le caractère juif de l’État a été très mal reçue par ce qui reste de la communauté chrétienne qui s’est sentie discriminée comme citoyens de seconde zone. Elle se trouve placée sur le même plan que la communauté musulmane. Ce sera alors la fin d’une tentative de l’État de coopter les élites chrétiennes. Ce qui semble aujourd’hui aller de pair avec l’émergence d’un changement politique important voulu par le nouveau gouvernement. On se rappelle que déjà en 2019 le premier ministre Netanyahou déclarait : «Israël n’est pas un État de tous ses citoyens». Les dernières élections semblent confirmer la désillusion, et le renoncement des citoyens non-juifs dont plus de 50% ne sont pas allé voter contre plus de 60% de votants en 2015.

La pression islamique

Haifa durant les fêtes de Noël et Hanoucah

         Le discours spécifique chrétien est systématiquement contrecarré par d’autres groupes au sein de la société palestinienne en Israël.  Les partis musulmans disqualifient le discours identitaire chrétien, vécu comme un obstacle dans la lutte contre le seul ennemi, l’État d’Israël. De sorte que progressivement une partie de ces chrétiens, pour ne pas dire la majorité, veut s’inscrire dans la minorité nationale largement musulmane pour ne pas rester otage de cette communauté majoritaire ou de l’État hébreu.

Les Chrétiens sont unanimes à refuser la conscription. Ils ne sont pas les seuls en Israël. A titre indicatif, il y aurait eu 180 conscrits arabes en 2013, 150 en 2015, moins de 100 arabes chrétiens en 2017. Pour les jeunes arabes chrétiens défavorisés, c’est une opportunité économique et professionnelle de s’armer et de recevoir une formation militaire pour faire face aux violences auxquelles ils sont confrontés. Ils sont supposés bénéficier ensuite d’avantages matériels et immatériels importants, mais semblent peu convaincus par l’expérience des druzes qui demeurent des citoyens de seconde zone à leur tour. Le service militaire les place eux même en position délicate car considérés par les organisations militantes armées comme des collabos et des traitres à la cause. Ce qui les met en danger ainsi que leur famille.

Soldats arabes avec le président Rivlin


D’aucuns ont pensé que la conscription devait être considérée comme un devoir par les non-juifs pour se voir reconnus tous les droits des citoyens, alors que l’exemple donné par les Juifs orthodoxes sont exemptés du service obligatoire. L’exemple est loin d’être convaincant. La campagne qui avait été lancée pour un service civil (Shirout Leoumi) n’avait pas eu plus de succès. Cependant la présence des chrétiens bénéficiant d’un bon niveau d’éducation est relativement élevée dans les institutions civiles au niveau local ou national, bien supérieure à leur part nationale.

En 2014 le parlement avait adopté une loi opérant la distinction entre représentation chrétienne et arabe au sein de la Commission nationale sur l’égalité des chances dans l’emploi. Yariv Levin, député Likoud à l’époque, ministre actuel de la Justice, déclarait son intention de poursuivre cette démarche par une série de lois visant à séparer légalement les chrétiens de la société arabe majoritairement musulmane.  Cette mesure semblait calquée sur le système Ottoman des millets (équivalent des Dhimmis) soulignant encore davantage la représentation communautaire comme principe de base du gouvernement mandataire britannique. Ce projet entraina une levée de boucliers unanime des acteurs civils, politiques, associations diverses.

Cette configuration pousse régulièrement au départ ceux qui le peuvent. Car ils ne trouvent plus leur place dans un environnement qu’ils perçoivent comme de plus en plus hostile. Enfin, ils appréhendent de nouvelles mesures que le gouvernement actuel pourrait prendre à leur encontre comme citoyens non-juifs.

  

6 commentaires:

Marianne ARNAUD a dit…

Je remercie monsieur Moritz pour cet article qui nous explique honnêtement, clairement et même mathématiquement, pourquoi les Chrétiens n’ont plus leur place dans « l’équation israélo-palestinienne ».

C’est très regrettable. Mais pour terminer sur une note d’espoir, laissons la parole à André Chouraqui qui, en 1986, dans la dernière édition de sa traduction de la Bible et de celle des Évangiles, écrivait déjà dans son Liminaire pour Un Pacte neuf :



« S’il est un recours contre l’universelle horreur des massacres qui se commettent ou qui se préparent, il ne se trouve que dans la toute puissance de l’amour. Cette œuvre l’affirme à nouveau : il ne sera de salut qu’à partir de notre renoncement à tout meurtre, toute guerre, dans l’universelle réconciliation de l’homme avec l’homme, son frère. Il dépend de nous, de notre réveil et de notre relèvement, qu’au bout de la nuit s’incarne enfin l’utopie prophétique, avec la naissance d’un homme nouveau. Une terre nouvelle l’attend déjà.

Hommes, mes frères, il est temps de répondre à l’appel de l’amour ! »



Très cordialement

Anonyme a dit…

Dans la tête d'Henry Kissinger :
L'an prochain à Jérusalem : c'est bien ! c'est très bien !
En attendant, je vais rester caché dans mon placard amerloque, dont je pourrai sortir pour jouer à l'oracle.

Avraham NATAF a dit…

Haddad et Hawatmeh étaient les plus extrémistes du mouvement palestinien et des specialistes des attaques contre l'aviation. Ils n'ont eu aucune place dans le nationalisme. Les chrétiens du Moyen Orient agissent comme toute minorité en étant discrets et en s'occupant du quotidien. A Bethléem, ils ont quasiment disparu

bliahphilippe a dit…

A mon sens, l'article de Monsieur Moritz donne de la situation des chrétiens une image partielle et déséquilibrée en défaveur d'Israel.
Il est évoqué un malaise des chrétiens pris en tenaille par Israel dans le cadre d'une loi nation et celle des palestiniens en rapport avec l'"oppression islamiste", en omettant toute précision significative à cet égard, ce qui induit le lecteur à l'erreur consistant inconsciemment ou non à établir un parallélisme douteux entre les deux situations.
Le journaliste arabe Khaled Abu Toameh plus clair que l'auteur quant à la vague notion d'"oppression islamiste" écrit :"Pourquoi la persécution des chrétiens à Bethléem et ailleurs, dans les zones sous contrôle de l'Autorité palestinienne, est-elle si peu médiatisée quand elle n'est pas carrément passée sous silence ? « Les attaques des chrétiens par les musulmans sont généralement ignorées par la communauté internationale et les médias, lesquels ne s'émeuvent que s'il est possible de blâmer Israël ».
Le diable se cache dans les détails omis par monsieur Moritz quant aux réalités des persécutions faisant état de violences et mauvais traitement infligés aux chrétiens :fusillades, attaques à main armée,attaques d'églises, confiscation de patrimoine, emprisonnement et tortures,conversions forcées à l'Islam en 2007 par le Hamas .
En résultante de ce contexte dans une continuité historique il est bon de se concentrer sur une ville anciennement chrétienne : "
En 1947, les chrétiens représentaient 85 % de la population, ce qui faisait de Bethléem un authentique bastion chrétien. En 2016, les chrétiens ne sont plus que 16% de la population."
Quelle comparaison possible avec Israel où pas un chrétien n'est persécuté dans sa foi, dans ses biens et dans son intégrité physique!
Sauf erreur la population chrétienne à l'intérieur d'Israel n'a pas diminué. De plus, en Israel les tribunaux veillent à empecher toute ségrégation sociale et économique entre ses citoyens. A notre connaissance aucune plainte des chrétiens n'a fait l'objet de procédure.
Alors la loi Nation : Israel se veut un Etat Juif et non l'Etat de "tous ses citoyens" aboutissant à noyer ou faire disparaitre son identité au risque un jour d'etre remplacé comme cela risque de se produire ailleurs. Israel ne veut pas devenir la minorité de ses minorités. C'est son droit affirmé depuis le début de son existence. Les Juifs ont suffisamment "payé" chez les Nations pour revendiquer ce droit sans avoir de comptes à rendre! Il existe une majorité d'Etats musulmans qui entendent conserver cette caractéristique. Il existe en Europe de l'Est quelques nations qui elles aussi aspirent à protéger leur identité.
Pourquoi seul Israel en porterait tous les péchés, considérant ce que Monsieur Moritz rappelle à juste titre sans en faire le lien : les chrétiens n'ont pas tous les devoirs des autres israéliens envers l'Etat, savoir le plus astreignant :celui du service militaire d'une durée de 3 ans ou l'obligation d'allégeance envers l'hymne national.
A lire impérativemeent pour une information plus détaillée : https://fr.gatestoneinstitute.org/19302/bethleem-chretiens

bliahphilippe a dit…

@ Monsieur Moritz ;
Tout d'abord merci de votre réponse à mon commentaire.
Je voulais avant tout insister sur le contraste de situation incomparable dans ses effets dramatiques entre chrétiens qui vivent en Israel et ceux sous l'autorité palestinienne ou celle celle du Hamas, une différence essentielle qui ne m'est pas apparu dans toute sa force à première vue en comparaison du dilemne mesuré et relatif vécu par eux dans le cadre de l'Etat nation israélien.
La distinction prudente dont vous faites état entre islamistes (islam en action) et musulmans concernant au moyen-orient le sort d'une communauté chrétienne au sein de cette globalité est peu opérante à leurs yeux au vu de l'implacable résultante qui en découle partout ailleurs.
A cet égard, on peut comprendre ainsi que vous le relevez que pour certains l'acceptation du service militaire en Israel soit une option de défense pour leur communauté.
Sans se tromper on peut imaginer que les chrétiens vivant sous autorité autre qu'israélienne reveraient de se contenter du "malaise" subi hypothétiquement sans trop de risques dans le cadre de l'Etat nation juif-israélien.
Bien à vous.

Georges Kabi a dit…

L'integration sociale des Chretiens en Israel a commence plus tot que celle des Musulmans, dont trop sont restes figer en 1948. De plus, on constate une urbanisation quasi parfaite des Chretiens d'Israel, chasses de leurs villages par les Musulmans et les Druzes.
A Nazareth, les Musulmans sont majoritaires et pour la premiere fois, le maire est musulman.
Les Chretiens ont achete des logements a Nof HaEmek (ex-Nazareth Ilit) portant la population arabe de cette agglomeration a 60%. Ce qui est le plus remarquable, c'est que les Chretiens n'hesitent plus a vivre avec des voisins juifs, surtout dans les quartiers de haut niveau, car les Chretiens ont le plus haut niveau economique dans tout Israel, plus haut que celle des Juifs (ceci grace a l'expansion galopante de la population ultra-orthodoxe).
Enfin, le seul pays au Proche-Orient ou la population chretienne grandit est Israel, car en plus des Chretiens arabes, il faut ajouter les Chretiens russophones dont la quantite est superieure a celle des Arabes chretiens. La seule difference c'est que les Russophones font leur service militaire et sont consides comme "apparentes" aux Juifs.