EBRAHIM RAÏSSI, LE BOUCHER DES EXÉCUTIONS MASSIVES EN IRAN
Par Jacques BENILLOUCHE
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En ordonnant des pendaisons massives, Raïssi n’en était pas à ses débuts. Il avait déjà une certaine expérience acquise lors de ses précédentes fonctions. Sa proximité avec les Conservateurs et l’Ayatollah Khamenei, qui ont réussi à disqualifier ses principaux adversaires, lui ont permis de s'élever dans la hiérarchie. Né le 14 décembre 1960 à Mashhad, ce religieux et homme politique peu charismatique était directeur de Astan-e Qods-e Razavi, la puissante fondation de charité qui gère le mausolée de l'imam-Reza à Machhad ainsi qu'un immense patrimoine industriel et immobilier. Depuis mars 2019, il était chef du système judiciaire iranien et vice-président de l'Assemblée des experts.
Sa carrière a été
fulgurante. Nommé procureur général de Karaj, à côté de Téhéran, à seulement 20
ans, au lendemain de la Révolution islamique de 1979. Il restera plus de trois
décennies dans le système judiciaire : procureur général de Téhéran de 1989 à
1994, et chef adjoint de l'Autorité judiciaire de 2004 à 2014, année de sa
nomination au poste de procureur général du pays. Il n’avait rien de modéré
tandis que ses actes et ses déclarations témoignent en sa défaveur. Toujours
coiffé d'un turban noir de Seyed, descendant de Mahomet, il est marié à une
professeure de sciences de l'éducation. Il fut l’élève du Guide suprême dans
ses cours de religion et de jurisprudence islamique. Il est donc vu comme un
possible successeur du Guide suprême sachant qu’en tant que membre du bureau
directeur de l'Assemblée des experts, il participe à la nomination du Guide.
Raïssi a la
réputation d’être un «boucher» dénué de tout sentiment humain. Il avait
commandé des exécutions massives de prisonniers marxistes ou de gauche du temps
où il était procureur adjoint du tribunal révolutionnaire de Téhéran. Il est le
plus connu pour son implication dans l'élimination de dissidents dans les
prisons iraniennes en 1988, vers la fin de la guerre Iran-Irak. Des milliers de
gauchistes, dont beaucoup étaient des membres des Moudjahidine e-Khalq (MEK)
mais aussi de nombreux communistes, ont été exécutés avec son approbation. Il s’est
défendu en expliquant qu’il n’appliquait que l’ordre donné par Khomeini pour
procéder à cette épuration : «À Téhéran, il y avait 100 à 120 assassinats
par jour contre les forces révolutionnaires. C’est mon honneur d'avoir lutté
contre l'hypocrisie».
Manifestation de femmes en Iran |
Il appuie toutes les mesures contre les femmes car,
avec un esprit anachronique, Raïssi a défendu les règles pour limiter les
interactions entre hommes et femmes dans les espaces publics : «Empêcher le
mélange des hommes et des femmes dans l'environnement de bureau est pour que
les hommes et les femmes puissent fournir de meilleurs services aux gens, et
c'est une bonne initiative pour créer un environnement de travail et des
efforts appropriés pour les femmes. C'est tout à fait défendable et les
premiers défenseurs seront des femmes».
Les dernières pendaisons de jeunes manifestants et
surtout celle d’un dignitaire irano-britannique accusé d’espionnage, ont été
effectuées avec son imprimatur ; certains disent qu’il les a ordonnés. L’ancien
haut responsable de la défense iranienne, Alireza Akbari, 61 ans, avait été
condamné pour «corruption sur Terre et pour atteinte à la sécurité
intérieure et extérieure du pays pour avoir transmis des renseignements au
Royaume-Uni». C’est un président sans pitié qui ne respecte pas les droits
élémentaires de la défense puisque les jugements sont expéditifs.
Alireza Akbari |
Ces pendaisons ont pour but de détourner l’attention
sur les réels problèmes que traverse l’Iran. Elles ont aussi pour objectif d'éliminer des concurrents politiques. Ainsi l’exécution d’Akbari
intervient alors que l’Iran est secoué par des manifestations déclenchées depuis
le 16 septembre. Conscient des difficultés économiques, Raïssi préconise une «économie
de résistance autosuffisante» et le développement de l'agriculture plutôt
que d’attendre les investissements occidentaux : «Je vois l'activation d'une
économie de résistance comme le seul moyen de mettre fin à la pauvreté et aux privations
dans le pays. Il serait erroné d'attribuer tous les malheurs économiques de
l'Iran aux sanctions imposées au pays par les États-Unis. L'inflation est l'un
des graves problèmes auxquels les gens sont confrontés aujourd'hui. Le prix des
produits de base a considérablement augmenté». Malgré cela, la situation a
empiré.
Sans le soutien de Khamenei, Raïssi ne serait rien. Il est partisan de
la ligne dure. Seuls 18 millions d'électeurs sur 59 millions d'inscrits lui ont
accordé leur confiance, prouvant que la population a massivement approuvé le
boycott des élections et que le président est le plus mal élu de l’histoire. C’est
pourquoi, pour contenir la protestation, il est amené à rouvrir les plaies de
la répression meurtrière de 2019. Sombre perspective pour l’Iran.
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