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mercredi 11 janvier 2023

Envahissement par Claude MEILLET

 

ENVAHISSEMENT


Par Claude MEILLET

         

Dehry et Ben Gvir

     Bouillant chaud. Bien qu’en comité restreint, la discussion atteignait un niveau de décibels de niveau supérieur. Il y avait le vieux militant, férocement anti-religieux. Le jeune rabbin libéral, calme-lui, plutôt rigolard. L’avocate, ébène, sévère, arque boutée sur le droit, rien que le droit. Le bibiste, inflexible, la nuque raide, dominateur. Et lui, Jonathan, s’efforçant au rôle, risqué, de médiateur. Difficile en effet, de garder le débat sur les rails de la raison, quand la déclaration du bibiste impénitent, La démocratie non plus, messieurs, n’est pas un long fleuve tranquille, était suivie, dans la foulée, par le tonitruant surtout quand la religion sort de son lit, du militant, irréductible.




Il tenta donc de mettre en perspective la situation génératrice de cette très vigoureuse confrontation. Le sentiment religieux, réponse à la peur ontologique. Les églises, structures collectives qui se sont greffées sur les diverses réponses à l’interrogation individuelle. La volonté d’hégémonie, qui a dressé les églises les unes contre les autres. D’où la palinodie des massacres vertueux réciproques. La volonté de pouvoir, qui a entraîné les églises à diriger la vie publique. D’où le long écheveau des très sanglantes guerres de religions. Avec, dans les temps actuels, les formes les plus variées. De l’envahissement pacifique, plus souterraine et bien plus efficace, comme celui des Évangélistes, à la violence absolue, comme celles de Daesh, des Talibans ou des Ayatollahs. Avec des formes intermédiaires, comme celles de la Démocratie chrétienne en Italie, de la devise britannique «Dieu et mon Droit», de l’engagement sur la Bible des présidents des Etats-Unis.



Et puis, des surprises. Comme celle de la préemption, inattendue, soudaine, rapide, de la démocratie israélienne par les tentacules de la théocratie. Tentative louable mais fugitive. Les freins rongés des convictions, des passions, sautèrent quasi instantanément. À tout seigneur tout honneur. Le militant, tout vieux qu’il soit, explosa le premier. Il s’agit d’un apprenti-sorcier, plus apprenti qu’il ne le croyait, qui a ouvert la boite de Pandore. (Jonathan aperçut le bibiste, levant les yeux au ciel). La position d’élément indispensable à la prise de pouvoir majoritaire libère l’envahissement de la politique par les forces de la religion juive la plus extrême. Joker !

Envahissement à effet immédiat. Par le traitement privilégié des populations orthodoxes.  Suppression de la taxation des boissons sucrées, par exemple. Dont ces populations sont fortement consommatrices. Au grand dam des experts de la santé publique. Par les projets tout chauds. De subventionnement des écoles Yeshivas, d’exonération de service militaire, de non-subventionnement des réalisations culturelles non conformes à la doxa nationaliste, de modification «dans le bon sens» des programmes d’éducation. Plus grave encore. En favorisant une démarche d’annexion des territoires palestiniens, d’imposition de la force pure sur le Grand Israël. Au risque d’une déflagration régionale et d’une mise au banc internationale.

Profitant d’une reprise de souffle, le rabbin s’installa dans la modération en invitant à ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Le Judaïsme, constituant-clé à la fois, de la judéité et de l’État israélien, ne se tient pas à cette caricature, donnée par sa projection politique actuelle.



       Il ne put pas développer son argumentation, car l’avocate, sourcils froncés, articulation claire et précise, imposa un thème qui, visiblement, lui semblait prédominant, impératif. A la remorque de cette tentative d‘installation d’un mode politique théocratique, apparaît une autre tentative. Installer, au seul bénéfice d’une caste mafieuse, une subordination du droit et du pouvoir juridique, au pouvoir exécutif et législatif.

C’est-à-dire, comme c’est historiquement le plus souvent le cas, lier la théocratie à la prévarication. C’est-à-dire, prendre en otage le pays lui-même, tout un peuple, son histoire, ses valeurs, son organisation, pour protéger les chefs de la mafia des effets de la justice. C’est-à-dire prioriser la prédominance d’un camp politico-religieux, sur le traitement des urgences telles que le risque climatique, l’inégalité sociale grandissante, l’amélioration des conditions de vie…….

L’ouragan se déclencha. Comme dans un moteur à explosion, le piston repartit dans le sens inverse. Le bibiste, bouillant plus que chaud, rejeta, lui, ces élucubrations plus délirantes les unes que les autres. Le rééquilibrage des pouvoirs n’a rien à voir avec un souci de protection judiciaire, mais au contraire à un renforcement de la démocratie. Le concept de mafia s’applique plutôt à l’anarcho-gauchisme. L’élargissement du champ de la religion dans la vie publique ne fait que concrétiser la vérité d’un État juif. Le Grand Israël n’est pas une invention messianique mais une réalité historique actée.

La jeunesse offrit alors à Jonathan une nouvelle occasion d’admiration. Le rabbin libéral imposa une nouvelle fois sa volonté de modération. Il dit douter effectivement, et particulièrement après cette discussion, que la démocratie ne soit jamais un long fleuve tranquille. Mais pour favoriser son apaisement, il recommanda, lui, rabbin, que la religion rentre dans son lit. Que la religion soit interdite de politique. Que partout, et surtout en Israël, la séparation de l’Église et de l’État devienne constitutionnelle. La réinstituant ainsi dans le rôle essentiel, individuel, qui est le sien. Et lui évitant les dangers d’association à de faux amis trop bien intentionnés. Alea jacta est, se risqua Jonathan.

 

1 commentaire:

Georges Kabi a dit…

Il est difficile, voire impossible de separer la religion juive de l'Etat d'Israel, car si on veut etre impartial, il faut reconnaitre tout de meme que les fondements de l'Etat puisent dans la tradition religieuse. A ce propos, on pourrait rappeler ce que declara Yaacov Hazan, l'un des deux chefs historiques du tres marxiste Hashomer Hatzair: "Nous avions voulu construire une jeunesse nouvelle liberale, democratique mais aussi respectant les fondements de la tradition, nous avons obtenu une jeunesse ignorante de ses sources, pronant l'extremisme de droite comme de gauche". Mais Yaacov Hazan avait oublie de preciser que lui, et Meir Yaari (le deuxieme chef historique de l'Hashomer Hatzair), mais aussi la plupart des peres fondateurs et les "haloutzim" (pionniers) etaient tous passes par la Yechiva!
Et aujourd'hui, plus aucun jeune (sauf ceux des yeshivot) ne connaissent rien des fondements traditionnels de l'Etat d'Israel, car l'Histoire se termine avec la destruction du 2e Temple et renait avec Herzl. Et au milieu c'est un vide abyssal. Cela peut expliquer pourquoi la religion revient en force, que les religieux participent aux elections a plus de 90% d'entre eux, alors que les laics profitent de ce jour ferie pour aller se promener.
Et on en arrive a ce gouvernement qui fait peur.