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samedi 7 janvier 2023

L'alliance Russie-Iran est une menace potentielle pour Israël par Francis MORITZ

 

L’ALLIANCE RUSSIE-IRAN, MENACE POTENTIELLE POUR ISRAËL

 

Par Francis MORITZ

 

Commandant en chef de l'armée iranienne Major Général Abdolrahim Mousavi à droite, Chef d'état major des forces aériennes Major général Mohammad Bagheri à gauche, en visite dans une base souterraine de drones

          Nous vivons dans un monde qui change à chaque instant en fonction de la géopolitique. Le rapprochement rapide entre Moscou et Téhéran est exemplaire. Ces deux pays sont mis à l’index du monde occidental. La guerre en Ukraine et la répression en Iran ont mis fin aux négociations sur le nucléaire pendant que l’Iran devient un co-belligérant du conflit ukrainien comme l’est le monde occidental, l’UE à travers l’Otan, États Unis en tête, non directement sur le terrain mais en fournissant des moyens militaires. Il semblait évident que le Kremlin ainsi que les ayatollahs, face au renforcement des sanctions, ne pouvaient rester les bras croisés.




On peut s’étonner de cette hypothèse, alors que le président Poutine a félicité Netanyahou, en soulignant qu’il se réjouit de pouvoir collaborer avec lui. Les bonnes relations individuelles sont primordiales certes ; ce n’est pas pour autant que les intérêts supérieurs de Moscou passeront après cette déclaration de bonnes intentions. Washington qui suit de très près tous les développements côté russe, n’hésite pas à diffuser des informations habituellement confidentielles. C’est la dimension médiatique du conflit.

Il y a quelques jours le responsable de la CIA déclarait : «Ce qui commence à émerger est au moins le début d’un partenariat de défense à part entière entre la Russie et l’Iran. Les Iraniens fournissent des drones à la Russie ce qui entraine de nombreuses victimes et les Russes étudient les moyens par lesquels ils peuvent soutenir les Iraniens. Ce développement constitue une menace pour le voisinage de l’Iran ainsi que pour nombre de nos amis et partenaires dans le voisinage de l’Iran». 

Réunion à Moscou des ministres de la défense turque et syrien, arrivée de la délégation turque


Plus clairement il s’agit d’un glissement qualitatif dans les rapports de force et d’intérêt.  Plus spécifiquement, c’est aussi l’émergence d’une menace potentielle pour Israël. On ne peut pas concevoir la dépendance soudaine de la Russie envers l’Iran sans qu’il y ait tôt ou tard une contrepartie pour service rendu et quel service ! La question de la nature des contreparties russes ne tardera pas à se poser, si ce n’est pas déjà engagé. A cet égard aussi, une réunion exceptionnelle à eu lieu il y a quelques jours à Moscou, réunissant les ministres de la Défense, turc, syrien et russe qui s’étaient rencontrés la dernière fois en 2011. Ce n’est pas un hasard.

Le changement dans les rapports bilatéraux

Ce qui converge.  Les deux pays collaborent depuis des années sur les plans économique et militaire. Dès le début de la guerre, l’Iran est devenu un des plus inconditionnel partisan de la Russie. Téhéran fournit des centaines de drones qui, tout en démontrant une efficacité relative, provoquent des dommages majeurs aux infrastructures ukrainiennes et provoquent de nombreuses victimes civiles. L’Iran envoie également des formateurs en Crimée pour accélérer les compétences russes et se propose d’aider Moscou à monter une ligne de production sur place. Il est en outre question de fournir des missiles de courte portée. Moscou a déjà formé des pilotes iraniens pour utiliser des avions russes récents et pourrait fournir des hélicoptères et des systèmes de défense aériennes à l’Iran. En Syrie, bien qu’ayant des objectifs parfois différents, les deux pays ont collaboré contre des ennemis communs. Ils se sont aussi opposés au rôle de Washington sur l’échiquier international.

Sergei Shoigu ministre russe de la défense


Ce qui diverge. La Russie entretien des relations étroites avec certains ennemis de l’Iran dont l’Arabie Saoudite et Israël. Les deux pays sont concurrents sur le marché de l’énergie où le Kremlin regarde de plus en plus vers l’Asie.

Les possibles contreparties

En se référant au modèle de l’Otan, la Russie pourrait fournir des systèmes de défense anti aérienne avancés qu’elle a refusé jusqu’à maintenant en raison des problèmes que cela pourrait susciter, avec d’autres pays dont la Turquie, l’Arabie Saoudite, Israël. L’Iran pourrait obtenir des avions dernière génération Sukhoi Su-35. Ces nouveaux moyens beaucoup plus performants que les dispositifs actuels pourraient sérieusement compliquer une attaque contre les sites nucléaires en particulier. La Russie a également fourni à l’Iran des matériels militaires américains, drones compris qui ont été obtenus pendant le conflit actuel en Ukraine.  Ce sont les premiers éléments évalués par les responsables américains et israéliens. 

Il y a d’autres menaces qui pourraient rompre l’équilibre des forces entre Israël et Iran. Le renseignement se trouve en première place. La Russie dispose de technologies avancées qu’elle pourrait fournir ou partager avec l’Iran, lui donnant un avantage stratégique. Imaginons que le Kremlin dispose d’informations sensibles sur les plans israéliens ou sur les opérations secrètes an Moyen Orient. L’hésitation que pouvait avoir Moscou à partager de telles informations, s’il en dispose, fait maintenant place à une éventualité que les stratèges ne peuvent écarter, selon la théorie du Worst case scenario.

A moscou, réunion russo-turco-syrienne des ministres de la défense

  

L’arme cyber est un moyen d’aider l’Iran.  La Russie, super puissance dans ce domaine, peut apporter son aide pour améliorer substantiellement les compétences existantes en Iran. Elle pourrait même aller jusqu’à communiquer les failles qu’elle a identifiées et qui faciliteraient grandement une attaque de l’Iran ou de l’un de ses affidés. Les analystes israéliens pensent qu’en raison des relations existantes entre Poutine et Netanyahou, la Russie ne prendra aucune mesure qui romprait le statut quo actuel et modifierait l’équilibre des forces entre Téhéran et Jérusalem. L’argument étant que la Russie craindrait qu’Israël ne fournisse à l’Ukraine des systèmes de défense qui viendraient modifier l’action russe sur le terrain. Il n’empêche, après ces multiples spéculations, la Russie pourrait tout aussi agir secrètement et fournir sélectivement à l’Iran, soit des moyens sophistiqués en matière de cyber technologie, soit des informations sensibles.

Dans cette perspective il ne faut pas écarter une seconde hypothèse, celle de l’armée russe qui considère que la relation avec Israël n’est pas d’égal à égal et qui pousse depuis des années à un recalibrage, remettant, selon elle, la relation à sa juste place. En l’occurrence cela ne va pas dans le sens israélien. Mais peut-être que les lignes rouges établies par Israël sont suffisamment précises pour dissuader les deux pouvoirs actuels, le politique et le militaire, aussi longtemps qu’ils ne s’affronteront pas sur fond de discorde concernant les objectifs à atteindre en Ukraine. Quels experts pouvaient prévoir l’entrée en guerre de la Russie ? Qui avait imaginé un jour que des canons français tireraient sur l’armée russe ? Qui imaginait que des drones iraniens sèmeraient la terreur à Kiev ? C’est un changement majeur de paradigmes. Donc la stratégie n’est pas d’attendre passivement le pire, mais bien d’envisager qu’il puisse se produire. C’est le rôle et la responsabilité du pouvoir en place.

Yoav Galant


La nomination de l’ex général et ancien ministre, Yoav Galant, proche de Netanyahou peut être une indication de la volonté du nouveau gouvernement d’agir plutôt que de réagir. Les conflits passés ont démontré, si besoin était, et si besoin vital il y a, qu’Israël n’est jamais aussi efficace que lorsqu’il prend l’initiative et anticipe les mouvements de l’adversaire.  Il y a sans doute aussi une opportunité mince de dissuader l’Iran de poursuivre ses menés et ses menaces, compte tenu du contexte. Ce qui pourrait permettre la création d’un front uni comprenant les Émirats qui sont en excellents termes avec le Kremlin, l’Arabie saoudite, l’Europe et les États Unis, de qui dépendent beaucoup des décisions à venir. Washington pourrait avoir un plan B, après avoir mis toute son énergie pendant des mois à arracher un accord à l’Iran, lequel consisterait à forcer la main à Israël pour la mise en œuvre de la solution à deux États, qui est le choix de la Maison Blanche pour rebattre une fois de plus les cartes au Moyen Orient.

 

1 commentaire:

Avraham NATAF a dit…

Nous entrons, avec le déséquilibre mondial, dans une nouvelle ère. C'est le Casino De Las Vegas; beaucoup de perdants et un chanceux. Qui seront les perdants; nous tous