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lundi 25 juillet 2022

Les élections et l'épopée des sondages

 

LES ÉLECTIONS ET L’ÉPOPÉE DES SONDAGES

 

Par Jacques BENILLOUCHE 

Copyright © Temps et Contretemps

 


            La nouvelle campagne électorale en Israël s’ouvre et avec elle de nombreux sondages vont être publiés de différents instituts. Pour beaucoup de partis, il s’agit de maintenir la flamme auprès de leurs militants qui, pour certains, ont déjà décroché. Cinq scrutins, c’est au-dessus de leurs forces. Certains militants utilisent l’arme des sondages pour tenter de démoraliser leurs adversaires et pour persuader leurs électeurs que tout est perdu. Qu’ils soient bons ou mauvais pour le gouvernement de transition, les sondages n’ont aucune valeur politique parce que les listes des candidats ne sont pas encore établies, et que pour certaines formations, les primaires n’auront pas lieu avant août.





            C’est un bon moyen pour les sondeurs de s’engraisser sur le dos des militants des partis qui leur passent commande. Le véritable sondage sera celui du 1er novembre qui désignera le vainqueur ou à la rigueur, les prétendants à une nouvelle coalition. Les sondages ne tiennent pas compte de la volatilité de l’électorat ce qui explique qu’ils se trompent souvent, pour ne pas dire toujours. Mais une chose reste certaine, ils faussent la réalité de l’opinion publique. Soit qu’ils poussent les protagonistes à abandonner trop tôt, convaincus à tort que tout est joué d’avance. Soit qu’ils poussent à l’abstention ceux qui n’ont plus d’espoir de voir leurs candidats arriver en tête.

          En France le système des sondages est plus pointu car les techniques ont été améliorées. Les écarts par rapport à la réalité sont donc faibles. En Israël les instituts de sondages ne sont pas indépendants et ils utilisent des échantillons d’électeurs qui ne sont pas scientifiquement triés d’où les erreurs de prévision. On donne des résultats bruts en feignant d’ignorer les indécis, souvent évalués à 20% des sondés, soit 24 sièges en Israël ce qui représente beaucoup pour une population d’électeurs de 5 à 6 millions.

           Les indécis ont effectivement de quoi hésiter face à plusieurs listes dont on n’appréhende pas les différences : à droite le Likoud tente de séduire les électeurs de Smotrich et de Ben Gvir dont la frontière est poreuse. Au centre, le choix n’est pas simple avec Yesh Atid de Yaïr Lapid ou Bleu-Blanc de Benny Gantz. La gauche est laminée par ses guerres intestines tandis que les religieux orthodoxes et Avigdor Lieberman s’appuient sur leurs électeurs fidèles.

Les partisans de Netanyahou sont archi-convaincus de la victoire de leur idole et n’ont même pas besoin de s’intéresser à l’évolution de son programme politique. Ils votent pour un homme et non pour un parti. Malgré ses quatre échecs aux précédentes élections alors qu’il était arrivé en tête, ils croient dur comme fer en leur leader Maximo. Personne n’envisage pour l’instant un quelconque effondrement de Netanyahou face aux éventuelles actions de la justice.

            Ce n’est pas un secret que les sondages en Israël se trompent souvent parce qu’ils dépendent du jour où ils sont réalisés et du donneur d’ordre qui a tendance à «prédire» un résultat conforme à ses espérances. Les méthodes influent sur les résultats selon la décision de cibler les lignes fixes ou les portables, selon la façon dont les questions sont posées, selon la liste partielle des candidats offerte aux sondés, et surtout selon la manière des instituts de sondages à interpréter, voire «influencer», les résultats.

Les sondages font vivre des centaines de personnes. Cela explique certains résultats divergents publiés par différents instituts de sondage qui peuvent difficilement mesurer avec précision le comportement des électeurs le jour de l’élection, dans l’isoloir. Dans le mois précédant les élections de 2006, 2009, 2013 et 2015, l’institut de sondage Teleseker avait accordé au parti travailliste en moyenne 3 sièges de plus que la réalité avec une erreur de 17% sur le résultat final du parti. De son côté, l’institut Hagal Hahadash a surestimé le poids du Likoud en lui attribuant 4 sièges de plus.

Parfois les sondages sont volontairement optimistes pour pousser les électeurs à voter sans conséquence, selon eux, pour des petits partis charnières, plus ciblés, pour qu’ils existent à la Knesset et influent à leur manière sur les lois votées. Certains sondeurs orientent les questions de manière plus détaillée et exhaustive pour mener inconsciemment l’électeur vers un parti donné. Par ailleurs, on sait en particulier que les Arabes ne répondent jamais aux sondages et pourtant ils figurent dans des résultats faussés par nature. Enfin certaines petites listes sont négligées, alors qu’elles pourraient créer la surprise.

Est-ce une nouvelle saison ou une rediffusion ?


Les grandes erreurs des sondages dans les précédentes élections sont à rappeler. Le parti Kadima de Tsipi Livni est passé en 2009 de 23 sièges dans les sondages à 28 sièges au scrutin final. Le parti des Retraités espérait en 2006 deux sièges mais en a obtenu 7. Enfin Yesh Atid en 2013 était crédité par les sondeurs de 14 sièges alors qu’il en a obtenu 19. Ces écarts importants pour une Knesset de seulement 120 députés poussent donc à la prudence et interdisent d’échafauder des hypothèses non vérifiées. On peut accepter un écart d’erreur de 1 à 2 sièges mais au-delà, les sondeurs deviennent coupables de manipulation.

En France on ne citera que l’exemple célèbre d’Éric Zemmour donné deuxième au premier tour et qui a fini dans le peloton de queue. Tout ceci pour dire que les spécialistes des sondages se trompent toujours et que la mise en orbite d’un gourou est un bon moyen pour eux de remplir leur tiroir-caisse. Alors cessons de bâtir des projets dans le vide des sondages, que ce soit en Israël ou en France. Les Français et les Israéliens ne sont pas dupes. Regardons les sondages comme des sources d’extra-terrestres pour meubler les discussions politiques, si le débat existe encore.

1 commentaire:

Georges Kabi a dit…

Excellent article! Quelquws infos sur les techniques employees en Israel: l'echantillon (ceux qui vont etre interroges par les sondeurs) est tire en fonction du desiderata du commanditaire. Plus meme, le sondage est effectue au telephone et donc on dire n'importe quoi et il est impossible de verifier. Et si le sondage ne domnne pas le resultat commande, il est tout simplement rectifie.
Cela est u au fait que certaines populations ne repondent jamais aux sondeurs: les retraites qui ont peur d'une arnaque telephonique ou pire de voir les taxes foncieres grandir en fonction de la reponse quand le retraite pense (et cela se passait ainsi jusque dans les annees 70), les Arabes qui votent en fonction de la prise de position politique de la tribu et par consequent le sondage n'a aucune valeur, les ultra-ortohodoxes qui ne veulent pas se facher les uns les autres et de toute facon le resultat est connu a peu pres d'avance.
Un echantillon doit etre compose d'une population clairement choisie: l'age, le revenu econonique, le niveau d'education, l'endroit geographique ou le futur sonde habite.
En France, l'INSEE met a la disposition des instituts de sondage des donnees sur lesquelles on peut se reposer.
Et puis, il y a le type de questions posees. En Israel, j'ai ete sonde en 46 ans une fois. Une seule question m'a ete posee: "Pour quelle liste avais-je l'intention de voter?". J'ai repondu en fermant le telephone.
Plus il y a de questions, judicieusement preparees, et plus on affine les relutats du sondage. Seulement voila, l'institut de sondage ne peut pas souvent donne les resultats escomptes, et par consequent on peut douter de la veracite des resultats. Si, par exemple, Ayelet Shaked (pour bon nombre d'Israeliens, elle n'entrera pas a la Knesset) commande un sondage, et que l'institut lui repond qu'elle n'a aucune chance, cet institut aura perdu un client potentiel.