LES ÉLECTIONS ET L’ÉPOPÉE DES SONDAGES
Par Jacques BENILLOUCHE
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La nouvelle campagne
électorale en Israël s’ouvre et avec elle de nombreux sondages vont être publiés
de différents instituts. Pour beaucoup de partis, il s’agit de maintenir la
flamme auprès de leurs militants qui, pour certains, ont déjà décroché. Cinq
scrutins, c’est au-dessus de leurs forces. Certains militants utilisent l’arme
des sondages pour tenter de démoraliser leurs adversaires et pour persuader
leurs électeurs que tout est perdu. Qu’ils soient bons ou mauvais pour le
gouvernement de transition, les sondages n’ont aucune valeur politique parce
que les listes des candidats ne sont pas encore établies, et que pour certaines
formations, les primaires n’auront pas lieu avant août.
C’est un bon moyen
pour les sondeurs de s’engraisser sur le dos des militants des partis qui
leur passent commande. Le véritable sondage sera celui du 1er
novembre qui désignera le vainqueur ou à la rigueur, les prétendants à une
nouvelle coalition. Les sondages ne tiennent pas compte de la volatilité de
l’électorat ce qui explique qu’ils se trompent souvent, pour ne pas dire
toujours. Mais une chose reste certaine, ils faussent la réalité de l’opinion
publique. Soit qu’ils poussent les protagonistes à abandonner trop tôt,
convaincus à tort que tout est joué d’avance. Soit qu’ils poussent à
l’abstention ceux qui n’ont plus d’espoir de voir leurs candidats arriver en
tête.
En France le
système des sondages est plus pointu car les techniques ont été améliorées. Les
écarts par rapport à la réalité sont donc faibles. En Israël les instituts de
sondages ne sont pas indépendants et ils utilisent des échantillons d’électeurs
qui ne sont pas scientifiquement triés d’où les erreurs de prévision. On donne
des résultats bruts en feignant d’ignorer les indécis, souvent évalués à 20%
des sondés, soit 24 sièges en Israël ce qui représente beaucoup pour une
population d’électeurs de 5 à 6 millions.
Les indécis ont
effectivement de quoi hésiter face à plusieurs listes dont on
n’appréhende pas les différences : à droite le Likoud tente de séduire les
électeurs de Smotrich et de Ben Gvir dont la frontière est poreuse. Au centre, le
choix n’est pas simple avec Yesh Atid de Yaïr Lapid ou Bleu-Blanc de Benny
Gantz. La gauche est laminée par ses guerres intestines tandis que les
religieux orthodoxes et Avigdor Lieberman s’appuient sur leurs électeurs
fidèles.
Les partisans de Netanyahou sont archi-convaincus de la victoire de
leur idole et n’ont même pas besoin de s’intéresser à l’évolution de son
programme politique. Ils votent pour un homme et non pour un parti. Malgré ses
quatre échecs aux précédentes élections alors qu’il était arrivé en tête, ils croient
dur comme fer en leur leader Maximo. Personne n’envisage pour l’instant un
quelconque effondrement de Netanyahou face aux éventuelles actions de la
justice.
Ce n’est pas un
secret que les sondages en Israël se trompent souvent parce qu’ils dépendent du
jour où ils sont réalisés et du donneur d’ordre qui a tendance à «prédire»
un résultat conforme à ses espérances. Les méthodes influent sur les résultats
selon la décision de cibler les lignes fixes ou les portables, selon la façon
dont les questions sont posées, selon la liste partielle des candidats offerte
aux sondés, et surtout selon la manière des instituts de sondages à interpréter,
voire «influencer», les résultats.
Les sondages font vivre des centaines de personnes. Cela explique
certains résultats divergents publiés par différents instituts de sondage qui
peuvent difficilement mesurer avec précision le comportement des électeurs le
jour de l’élection, dans l’isoloir. Dans le mois précédant les élections de
2006, 2009, 2013 et 2015, l’institut de sondage Teleseker avait accordé au
parti travailliste en moyenne 3 sièges de plus que la réalité avec une erreur
de 17% sur le résultat final du parti. De son côté, l’institut Hagal Hahadash a
surestimé le poids du Likoud en lui attribuant 4 sièges de plus.
Parfois les sondages sont volontairement optimistes pour pousser
les électeurs à voter sans conséquence, selon eux, pour des petits partis
charnières, plus ciblés, pour qu’ils existent à la Knesset et influent à leur
manière sur les lois votées. Certains sondeurs orientent les questions de
manière plus détaillée et exhaustive pour mener inconsciemment l’électeur vers
un parti donné. Par ailleurs, on sait en particulier que les Arabes ne
répondent jamais aux sondages et pourtant ils figurent dans des résultats
faussés par nature. Enfin certaines petites listes sont négligées, alors qu’elles
pourraient créer la surprise.
Est-ce une nouvelle saison ou une rediffusion ? |
Les grandes erreurs des sondages dans les précédentes élections sont
à rappeler. Le parti Kadima de Tsipi Livni est passé en 2009 de 23 sièges dans
les sondages à 28 sièges au scrutin final. Le parti des Retraités espérait en
2006 deux sièges mais en a obtenu 7. Enfin Yesh Atid en 2013 était crédité par
les sondeurs de 14 sièges alors qu’il en a obtenu 19. Ces écarts importants
pour une Knesset de seulement 120 députés poussent donc à la prudence et
interdisent d’échafauder des hypothèses non vérifiées. On peut accepter un
écart d’erreur de 1 à 2 sièges mais au-delà, les sondeurs deviennent coupables
de manipulation.
En France on ne citera que l’exemple célèbre d’Éric Zemmour donné
deuxième au premier tour et qui a fini dans le peloton de queue. Tout ceci pour
dire que les spécialistes des sondages se trompent toujours et que la mise en
orbite d’un gourou est un bon moyen pour eux de remplir leur tiroir-caisse.
Alors cessons de bâtir des projets dans le vide des sondages, que ce soit en
Israël ou en France. Les Français et les Israéliens ne sont pas dupes.
Regardons les sondages comme des sources d’extra-terrestres pour meubler les
discussions politiques, si le débat existe encore.
1 commentaire:
Excellent article! Quelquws infos sur les techniques employees en Israel: l'echantillon (ceux qui vont etre interroges par les sondeurs) est tire en fonction du desiderata du commanditaire. Plus meme, le sondage est effectue au telephone et donc on dire n'importe quoi et il est impossible de verifier. Et si le sondage ne domnne pas le resultat commande, il est tout simplement rectifie.
Cela est u au fait que certaines populations ne repondent jamais aux sondeurs: les retraites qui ont peur d'une arnaque telephonique ou pire de voir les taxes foncieres grandir en fonction de la reponse quand le retraite pense (et cela se passait ainsi jusque dans les annees 70), les Arabes qui votent en fonction de la prise de position politique de la tribu et par consequent le sondage n'a aucune valeur, les ultra-ortohodoxes qui ne veulent pas se facher les uns les autres et de toute facon le resultat est connu a peu pres d'avance.
Un echantillon doit etre compose d'une population clairement choisie: l'age, le revenu econonique, le niveau d'education, l'endroit geographique ou le futur sonde habite.
En France, l'INSEE met a la disposition des instituts de sondage des donnees sur lesquelles on peut se reposer.
Et puis, il y a le type de questions posees. En Israel, j'ai ete sonde en 46 ans une fois. Une seule question m'a ete posee: "Pour quelle liste avais-je l'intention de voter?". J'ai repondu en fermant le telephone.
Plus il y a de questions, judicieusement preparees, et plus on affine les relutats du sondage. Seulement voila, l'institut de sondage ne peut pas souvent donne les resultats escomptes, et par consequent on peut douter de la veracite des resultats. Si, par exemple, Ayelet Shaked (pour bon nombre d'Israeliens, elle n'entrera pas a la Knesset) commande un sondage, et que l'institut lui repond qu'elle n'a aucune chance, cet institut aura perdu un client potentiel.
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