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lundi 4 juillet 2022

Le premier ministre Yaïr Lapid, playboy et pragmatique

 


LE PREMIER MINISTRE YAÏR LAPID, PLAYBOY ET PRAGMATIQUE

Par Jacques BENILLOUCHE

Copyright © Temps et Contretemps

 


          Durant ces derniers mois, l’objectif principal de Yaïr Lapid consistait à écarter Benjamin Netanyahou du pouvoir. C’est pourquoi il a voulu prendre de vitesse le leader du Likoud en lui enlevant le plaisir de déposer une motion de censure puisque le gouvernement a lui-même décidé de se saborder. Depuis les dernières élections, il a gagné en crédibilité, lui qui était critiqué parce qu’il était d’abord perçu comme une star de la télévision et comme le fils de..., en l’occurrence le fils de Tommy Lapid, lui aussi grand journaliste et grand chef de parti centriste. Avec son physique de jeune premier américain, il avait décidé de quitter les plateaux de télévision pour le champ de mines de la politique.




          Il a su montrer de l'autorité et de l'audace. Il avait accepté une collaboration avec le gouvernement de Netanyahou mais il avait été piégé car, s’estimant compétent pour le ministère des Affaires étrangères qui lui a été refusé, il s’était retrouvé au ministère des finances en 2013/2014, dans un ministère technique où il avait peu de compétence. Le premier ministre avait surtout cherché à le neutraliser et à le déconsidérer. Mais sa participation avait peu duré, et pour cause. Il avait gardé une amertume certaine de son expérience ratée. Alors depuis cette époque, il s’est donné pour mission d’écarter Netanyahou du pouvoir. 

Contre toute attente, il avait réussi à mettre sur pied un gouvernement de bric et de broc, qui a cependant duré une année. Il avait accepté de se mettre en retrait puisque Naftali Bennett, avec son parti de 7 députés, est devenu premier ministre à sa place. Par pragmatisme, il n’a jamais cherché à s’imposer personnellement. Ce fut le cas lorsqu’il avait fusionné avec Benny Gantz aux élections de mars 2020 mais la rupture avait été acté lorsque Gantz avait accepté de rejoindre Netanyahou pour éviter de nouvelles élections. Lapid l’avait pourtant mis en garde : «J'ai dit à Benny Gantz que j'avais déjà travaillé avec Netanyahou et donc qu’il ne te laissera pas avoir les mains sur le volant». À cela Gantz avait répondu avec naïveté «nous avons confiance en lui, il a changé». Mais Lapid savait par expérience qu’on ne change pas à 71 ans. L’avenir lui a donné raison.


          Yaïr Lapid est à la tête du deuxième parti d’Israël, avec 17 députés aux dernières élections. Né en 1963, c’est un pilier de Tel-Aviv où il dispose de tous ses contacts. Son père lui avait inculqué très jeune le journalisme et il permit à Yaïr de signer se premiers textes au quotidien Maariv, puis à Yediot Aharonot, le premier journal du pays en termes de lecteurs. C’est un homme éclectique dans ses activités puisqu’il a pratiqué la boxe et les arts martiaux, a publié des romans policiers et des séries télé et écrit des chansons. Mais toute sa vie, doté d’une grande humilité, il sera meurtri car sa fille est autiste ce qui a fait de lui un homme d’une plus grande humanité. La télévision, avec ses interventions dans son émission de talk-show dans les années 2000, lui a permis de surmonter ce drame qui ne cesse de le hanter et qu’il considère comme une grande injustice quand il raconte les cris de sa fille la nuit, les nuits blanches à son chevet en étant impuissant et l’amour pour une handicapée.

Grande sortie orthodoxe


Comme son père, il déteste le milieu orthodoxe parce que lui se présente comme patriote, libéral et surtout laïc. Les Juifs orthodoxes le lui rendent bien. Il n’aimait pas les actions inutiles comme les manifestations de rue qui avaient lieu tous les samedis face à la résidence de Netanyahou à Jérusalem. Il ne les condamnait pas mais il ne les approuvait pas. Il ne courrait pas après les honneurs de premier ministre car son objectif était de «chasser le roi Netanyahou de son trône et de briser les barrières qui divisent la société israélienne».

Les observateurs avaient été étonnés par cette alliance contre-nature avec le sioniste religieux Naftali Bennett mais c’était pour le bien du pays et elle n’a pas démérité puisqu’aucun conflit n’a éclaté entre les différents ministres, tous indépendant dans leur ministère contrairement à Netanyahou qui cumulait jusqu’à cinq portefeuilles à la fois. La dissolution a été voté à une majorité de 110 députés sur 120. Lapid était las de cette guérilla permanente de députés pensant plus à leurs intérêts qu’aux intérêts d’Israël. Alors il a demandé aux Israéliens d’arbitrer. Son ami, le député de Yesh Atid, Boaz Toporovsky, a déclaré : «C'est un triste jour pour la démocratie. Nous le faisons le cœur lourd mais sans regrets, car le bien de l'État a toujours été et sera toujours avant toute autre chose». Lapid a pris de vitesse Netanyahou qui se préparait à mettre en place, sans élections, un gouvernement alternatif avec l’aide de quelques félons de la coalition et de la liste arabe. Ayelet Shaked, actuelle ministre de l'intérieur, avait annoncé qu'elle acceptera de siéger dans un gouvernement dirigé par Benjamin Netanyahou même sans élection. Il n’était pas sûr qu’il aurait réussi mais il fallait étouffer dans l‘œuf toute démarche populiste.



Le quatuor Bennett, Lapid, Lieberman et Gantz a pris la décision ensemble et ils n’ont pas démérité. Ils ont toujours fait preuve d’intégrité et de camaraderie dans toutes les épreuves qui secouaient le gouvernement. Ils ont estimé qu’ils ne pouvaient pas continuer et que l’appel au peuple devenait indispensable. Les manœuvres des députés Itamar Ben Gvir et de Bezalel Smotrich du Parti sioniste religieux ultranationaliste, commençaient à menacer la démocratie. Lapid a pensé que la démocratie était en danger et que l’arbitrage du peuple était indispensable. Il a fait appel à l’ancien chef d’État-Major, Gadi Eizenkot, qui a décidé d’entrer en politique alors qu’il a longtemps disposé d’une aura exceptionnelle dans le pays. En tant qu’originaire du Maroc, il peut amener à lui les anciens de son pays, tous inféodés au Likoud.

Ben Gvir et Smotrich


Lapid a fait preuve de vitesse vis-à-vis de Netanyahou dont les sondages sont en berne puisqu’il ne réussit toujours pas à drainer sur son nom une majorité à la Knesset. Alors Lapid a décidé de rebattre les cartes et d’utiliser les aspects positifs d’une année de gouvernance. Le Covid est enrayé, le budget est en équilibre depuis 2008 avec des dépenses égales aux recettes, le chômage a disparu, le Hamas a choisi la coopération en envoyant 20.000 ouvriers en Israël, Tsahal a gagné en crédibilité vis-à-vis de l’Iran, les Palestiniens de Cisjordanie sont matés par la police et l’armée. A présent les Israéliens choisiront en fonction de ces réalisations.

2 commentaires:

Yaakov NEEMAN a dit…


Israël n'a pas tout essayé, au rayon des Premiers Ministres.
Après Ben Gourion, toutes sortes de profils se sont présentés: d'anciens généraux, une grand-mère, un ancien chef des services secrets, le père de la défense nucléaire israélienne, un ashkénaze qu'adulèrent les séfarades, un idéaliste porté sur la bouteille, un escroc condamné pour corruption. Et puis Bibi. Les seuls que le virus du pouvoir n'a pas touché, ce sont les orthodoxes. C'est dommage : il faudrait peut-être les coacher. Pourquoi s'excluent-ils ainsi du jeu ?

Georges Kabi a dit…

Les religieux, ou plutot les ultra-orthodoxes ne veulent pas de responnsabilites, mais seulement des budgets consequents. Bibi leur a toujours accorde ce qu'ils voulaient d'ou leur fidelite a ce triste prsonnage. Mais ils viennent de le menacer en disant que si ul n'arriverait pas a former un nouveau gouvernement (avec ou sans elections), ils etaient prets a revoir leurs positions par rapport au centre et meme au "diable" Lapid.