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lundi 4 juillet 2022

Gaza subit le choc de la guerre d'Ukraine

 


GAZA SUBIT LE CHOC DE LA GUERRE D’UKRAINE

Par Jacques BENILLOUCHE

Copyright © Temps et Contretemps

     


Yahia Sinwar

       Depuis quelques mois, Yahia Sinwar, le chef du Hamas à Gaza fait profil bas. Si ses cellules dormantes de Cisjordanie ont été réactivées pendant le Ramadan pour participer aux manifestations de Jérusalem, c’était surtout pour s’opposer à l’Autorité palestinienne qui a bloqué tous les financements depuis 2007 et pour tenter de prendre le pouvoir face à un président vieillissant. Le djihad islamique a été neutralisé pour éviter l’envoi de roquettes sur le sud d’Israël. La situation économique est grave à Gaza et il n’est plus temps de gaspiller des dollars en fumée, au sens propre.




La guerre d’Ukraine n’a pas arrangé la situation économique dramatique puisque tous les prix des produits alimentaires ont atteint des hauteurs inégalées. Il ne s’agit pas des produits de «luxe» comme la viande et le poulet, mais des produits de base comme le pain et les œufs.  Les boulangers ont dû réduire la taille des pains pour maintenir les prix abordables à 8 shekels (2,20 euros). Les farines en majorité d’origine ukrainienne n’arrivent plus, entrainant une augmentation du coût du blé de 25% ce qui touche profondément les familles défavorisées. Le salaire moyen est de l’ordre de 1.000 shekels (280 euros) alors qu’il est de 5.200 en Israël.


            Selon l’ONG Oxfam international [1] qui lutte pour mettre fin à la pauvreté et aux injustices : « L'Autorité Palestinienne (AP) doit importer 95% de son blé, mais elle ne possède aucune infrastructure de stockage de nourriture et est donc obligée de s'appuyer sur le secteur privé palestinien et les installations d'Israël qui importe à son tour la moitié de ses grains et céréales d'Ukraine». Selon le Programme alimentaire mondial, la crise ukrainienne a fait grimper les prix des denrées alimentaires à Gaza, +23,6% pour la farine de blé, +26,3% pour l’huile de maïs, +17,6% pour les lentilles et 30% pour le sel de table. Le prix du poulet est passé de 11 à 17 shekels (4,70 euros)

            Le 15 mai, le Hamas a dû annoncer une augmentation des prix de la farine et du pain face au nouveau prix du blé et au refus de l’AP d’exonérer le blé de TVA. Les moulins fonctionnent à 10% de leur capacité car l’Égypte remplace temporairement l’Ukraine. Le prix de la tonne de farine est passé de 360 à 550 dollars. 



            En plus de ces difficultés, Gaza n’a pas encore récupéré les conséquences de la guerre de 2021 lorsque des salves de roquettes ont été tirée sur le sud d’Israël, après des heurts entre manifestants palestiniens et policiers israéliens sur l'Esplanade des Mosquées de Jérusalem. La riposte de l’aviation israélienne avait été terrible. Pour faire cesser ces tirs, interceptés par le Dôme de fer, qui ont duré 11 jours en mai 2021, Israël avait lancé des attaques aériennes et des obus d’artillerie détruisant de nombreuses infrastructures. Selon le ministère palestinien de l'Économie à Gaza, environ 1.500 établissements économiques ont été détruits ou endommagés.

            En revanche, la situation économique s’est nettement améliorée en Cisjordanie puisque l’Autorité palestinienne collabore avec Israël. Seulement 9% de la population souffrent de malnutrition alors qu’ils sont 64% à Gaza qui subit un taux de chômage de plus de 50%.

Cependant l’ultranationaliste Avigdor Lieberman est conscient de cette situation dramatique à Gaza qui peut générer des répercussions jusqu’en Israël et il ne s’en réjouit pas. Il a compris que le calme à Gaza passait par une amélioration de la situation économique de la population gazaouie. En tant que ministre des Finances, il a pris des décisions étonnantes qui font sursauter ses amis de l’extrême-droite. Il a mis de l’eau dans sa vodka en autorisant progressivement des ouvriers à traverser la frontière pour travailler en Israël. La sélection est sévère pour éviter l’entrée des terroristes mais plutôt des pères de famille. De l’avis des agriculteurs, ce sont les meilleurs ouvriers agricoles qui ont déjà fait leurs preuves en Israël et de l’avis des promoteurs ce sont d’excellent techniciens dans le bâtiment, avec une productivité élevée. Ils l’ont montré dans la construction de tunnels.

Demandes de visas


Israël souffre d’un manque de main d’œuvre qui est la cause d’un ralentissement des constructions au moment où l’immigration reprend. Israël a besoin de 55.000 logements nouveaux par an et il ne s’en construit que 45.000 ce qui aggrave la crise du logement. Alors Lieberman a autorisé 10.000 ouvriers gazaouis à obtenir des permis de travail, puis 20.000 et à présent 30.000. Il est prêt à retrouver le volume de 100.000 travailleurs d’avant les évènements si le calme persiste. Chaque ouvrier fait vivre quatre familles à Gaza et il participe à la réduction de la misère dans la bande. S’il reste ministre et si le cessez-le-feu est respecté, il compte aller plus loin avec ses idées pacifiques pour développer la petite industrie à Gaza, en particulier la confection, au lieu d’utiliser la Chine ou le Bengladesh devenus très chers en raison du doublement des prix de transport. Le matériel et le personnel sont prêts. Il pourrait même autoriser des promoteurs israéliens à investir dans des hôtels de tourisme dans les belles plages de Gaza. Ce n’est pas un rêve car les Accords d’Abraham ont changé la donne. Tout est dans la volonté des deux parties de privilégier la paix.

Israël préfère les ouvriers de Gaza aux Chinois ou aux gens de l’Est. Ils entrent en Israël à 5 heures le matin et rentrent le soir vers 16 heures tandis que le week-end ils restent chez eux. Les autres s’installent dans les bas-fonds des grandes villes, y développent le commerce de la drogue et de la prostitution et créent des zones de non-droit une fois installés. Cette paix froide crée des gagnants-gagnants. C’est ce même Lieberman qui a abandonné le dogme du Grand Israël pour envisager la création d’un État palestinien. Il est même prêt à compenser le maintien des implantations par le rattachement à la Cisjordanie de certaines villes arabes d’Israël situées à la limite de la Ligne Verte. Mais les nouvelles élections, avec l’éventualité du retour de la droite dure au pouvoir, risquent de rebattre les cartes politiques à Gaza. Les Israéliens mesurent ces risques.

 

[1] https://www.oxfam.org/en/press-releases/fears-wheat-stocks-could-run-out-occupied-palestinian-territory-within-three-weeks

 

2 commentaires:

David a dit…

Lieberman à tout compris. Un nationaliste pragmatique.

Georges Kabi a dit…

Il en a mis du temps. Mais il ne s'agit pas seulement de Liebermann. On oublie assez facilement ses allies potentiels, Lapid et Gantz et meme Bennett, encore que ce dernier be s'est pas montre tres intelligent en choisissant ses collegues parlementaires.
Bibu peut continuer cette politique bien que son unique probleme est son innocentement (pas moins) dans ses casseroles, et pour cela, il est pret a remettre la region a feu et a sang.
Ren de tel qu'une bonne bouffee de nationalisme pour faire oublieer la cherte de la vie, l'absence de logements a bon marche, et les salaires scandaleusement bas des membres de l'Enseignement, mais aussi de la Police et meme de l'Armee.