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dimanche 15 mai 2022

Le Hamas prend des risques à jouer un double jeu

 


LE HAMAS PREND DES RISQUES À JOUER UN DOUBLE JEU


Par Jacques BENILLOUCHE

Copyright © Temps et Contretemps

Nasrallah et Sinwar


En attisant le feu en permanence auprès de sa population, Yahya Sinwar prend des risques qu’il devra un jour assumer. Dans un discours public, quelques jours avant l'attentat d'Elad, le chef du Hamas avait appelé les Palestiniens et les Arabes israéliens à prendre les armes, quelles qu'elles soient pour «tuer des Juifs» : «Notre peuple vit dans un État occupé - dans le Néguev, la région du Triangle (nord), la Galilée, Haïfa, Jaffa, Acre et Lod.  Que celui qui a un fusil s'en serve. Et celui qui n'a pas de fusil, qu'il prenne un couteau de boucher, une hache ou tout objet tranchant. Il a été vite entendu puisque les assassins d’Elad ont utilisé une hache pour tuer trois Juifs orthodoxes prouvant ainsi l'influence de ces discours venimeux.  




Yahya Sinwar est né en 1962 dans le camp de réfugiés de Khan Younès, dans une famille de réfugiés issue de la ville de Majdal, dans le sud d'Israël. Dès son plus jeune âge, il a rejoint les Frères musulmans, dont le nom a changé à la fin de 1987, devenant le mouvement Hamas. Sinwar a étudié à l'Université islamique de Gaza et a obtenu un Bachelor en langue arabe. Au cours de ses études universitaires, il a dirigé le Bloc islamique, qui n'est autre que la branche estudiantine des Frères musulmans. Sinwar a créé en 1985 l'appareil sécuritaire de la confrérie des Frères musulmans, connu sous le nom de «Al-Majd», chargé entre autres de la lutte contre les collaborateurs palestiniens.

En 1982, l'armée israélienne a arrêté Sinwar pour la première fois, avant de le relâcher quelques jours plus tard. Il a été arrêté à nouveau la même année avant de purger une peine de 6 mois de prison, pour avoir participé à des activités sécuritaires contre Israël. Le 20 janvier 1988, Israël a procédé à l'arrestation de Sinwar et l'a condamné quatre fois à la réclusion à perpétuité, en plus d'une peine de trente ans de prison, sur l'accusation d'avoir mis en place le premier appareil militaire du mouvement, connu sous le nom de «Palestinian Mujahideen».



Sinwar a passé 23 ans derrière les barreaux, avant d'être libéré le 11 octobre 2011 dans le cadre de l'accord d'échange du soldat Shalit. Il a alors participé aux élections internes du mouvement Hamas en 2012 pour devenir membre du bureau politique avec la charge de superviser l'appareil militaire du Hamas, les Brigades al-Kassam. En septembre 2015, les États-Unis l'ont inclus sur la liste des terroristes internationaux ainsi que deux autres dirigeants du mouvement, Mohammed Deïf, le commandant en chef des Brigades al-Kassam, et Ruhi Mushtaha, membre du bureau politique. 

Pourtant la situation s’était améliorée cette année avec un Ramadan plus calme que l’année dernière durant laquelle le lancement par le Hamas de roquettes depuis Gaza avait entrainé l’opération Gardien des murs. Cette année, quelques roquettes isolées avaient été tirées sans faire de dégâts, mais avaient entrainé des représailles israéliennes limitées et une suspension de deux jours des permis d’entrée pour les Gazaouis. Par ailleurs, il s’avère que les roquettes de la semaine dernière ont été tirées par le Jihad islamique plutôt que par le Hamas.

Emeutiers à Al-Aqsa


Mais cela ne veut pas dire que le Hamas ait modéré son comportement. Par intérêt, il veut le calme à Gaza mais il ne cesse de semer le chaos ailleurs. Pour preuve, les Palestiniens enfermés dans la mosquée Al-Aqsa lançaient des pierres et des objets incendiaires sous les drapeaux verts du Hamas. Par ailleurs, les services de renseignements confirment que la roquette qui vient d’être lancée depuis le sud du Liban était l'œuvre d'une équipe du Hamas opérant sur le sol libanais. Le Hamas, ayant compris que le nouveau gouvernement exigeait le calme à la frontière de Gaza, sous peine de représailles sévères, a changé de stratégie en décidant que le nouveau front du Hamas n'était plus la frontière de Gaza.

Point de passage d'ouvriers à Gaza


Israël a aussi évolué car si le gouvernement Netanyahou tenait à ignorer les tirs de roquettes et les ballons incendiaires et à encourager les transferts d’espèces du Qatar afin d'arrêter les projectiles, le gouvernement actuel a donné la priorité au calme à la frontière de Gaza en se concentrant sur différents types d'incitations économiques. Les valises d'argent du Qatar ont été remplacées par des aides aux familles, versées via des cartes de débit fournies par les Nations Unies à Gaza. La zone nautique pour les bateaux de pêche au large de la côte de Gaza a été élargie. Plus important encore, les permis d'entrée en Israël pour les ouvriers gazaouis sont passés de 8.000 à 12.000 puis 20.000. 

Le Hamas craint donc la suspension temporaire de ces permis et la fermeture du point de passage d'Erez. Le résultat de toutes ces mesures a été d'étendre la politique de calme de l'ère Netanyahou à une politique d'améliorations économiques afin de garder les zones frontalières de Gaza sans roquettes ni sirènes anti-aériennes. 

Cela explique le changement de comportement du Hamas. Il est dans son intérêt de déplacer la bataille de Gaza vers Jérusalem, la Cisjordanie, la Galilée et même le Liban. Il a besoin de temps pour se remettre des bombardements par Israël de ses infrastructures. Il ne veut plus mettre en danger la reconstruction et la reprise économique de Gaza, sans ignorer que les combats à Gaza sont politiquement risqués pour le Hamas. D'autre part il sait que, si une partie de la population se rallie autour du drapeau du Hamas, une autre partie se désespère de l’approche guerrière qui les laisse dans un état permanent de dépression économique et entourés de décombres.

Le Hamas ne veut donc plus de confrontation à Gaza mais se charge de la transférer ailleurs, loin de la bande. Il préfère risquer d'incendier Jérusalem ou le sud du Liban plutôt que d’envisager des hostilités chez lui. Il a changé de stratégie en ne ciblant pas uniquement Israël. En effet, il ne cache pas son ambition de prendre le contrôle de la Cisjordanie et d’éliminer l’Autorité palestinienne d’où l’infiltration continue de cellules dormantes du Hamas prêtes à intervenir au premier signal. Cela passe d’abord par un soulèvement à Jérusalem car la ville est un symbole, ensuite par des incidents de sécurité en Cisjordanie. Il a compris que l’influence du Hamas sur «Haram al-Sharif» se faisait aux dépens de l’Autorité. Alors il a poussé ses militants à susciter des troubles en lançant des pierres et en créant de petits incendies dans le but d’avoir un impact médiatique très important, sans mettre en danger Gaza.

Saleh Al-Arouri

D’ailleurs cette stratégie a été confirmée par Saleh Al-Arouri, chef adjoint du Hamas qui a longtemps été chargé des opérations en Cisjordanie et qui vient d’assumer la responsabilité des opérations de Jérusalem ainsi que de celles du Liban. Contrairement aux opérations de Gaza qui ressemblaient plutôt à une guerre conventionnelle avec des tirs de roquettes, il a choisi la méthode de la guérilla en se décentralisant dans des régions où l’intervention militaire d’Israël serait plus compliquée. En fait le Hamas a décidé de maintenir calme le front de Gaza et de répandre le chaos ailleurs.

Israël pourra difficilement accepter cette double stratégie et le soutien économique à Gaza. Il envisage des mesures sévères, voire radicales. Les dirigeants du Hamas risquent de devenir des cibles militaires et de voir une nouvelle politique israélienne appliquée à Gaza. D'ailleurs signe de changement aujourd’hui, Israël a placé Sinwar, sur la liste des personnes les plus recherchées pour une éventuelle élimination.

2 commentaires:

Yaakov NEEMAN a dit…

Ce qui est vraiment aberrant, ce sont les états d'âme de Gantz, qui se demande publiquement : dois-je ou non organiser une opération ciblée ?

Georges Kabi a dit…

L'expression "attaque ciblee" est la lessive de l'expression "peine capitale sans proces".
Peut-etre est-ce l'explication des hesitations de Gantz,
Ces assassinats n'ont rien produit que plus d'animosite. Il y a actuellement dans le monde suffisamment d'antisemites prets a en decoudre avec nous (il y en un en France appele Melenchon", il y en a pas mal aux USA sos la houlette de Bernie Sanders et meme un Russe nomme Poutine qui pourrait remplcaser sa defaite sur front russe en rasant de la carte notre Etat.