Chefs de partis libanais |
15 mai 2022. Les élections législatives se tiennent après deux ans d’insécurité, d’instabilité et d’une crise économique inédite qui a mené à l’effondrement du pays. Les habitants de l'État du cèdre se rendent urnes pour élire les 128 membres du parlement libanais.
L’enjeu des
élections
Les élections législatives de mai 2022 détermineront le profil et l’identité du prochain président de la République. Les Libanais doivent choisir aujourd’hui entre deux conceptions du rôle et de la place du pays du Cèdre. Celle du Hezbollah qui veut édifier une société guerrière, au service des ambitions hégémoniques des Gardiens de la Révolution islamique iranienne. La seconde conception, diamétralement opposée à la première, est défendue par un très vaste courant national, souverainiste, qui place en tête de ses priorités le rétablissement de la souveraineté de l’État central.
Des électeurs libanais dans la mairie du 16e arrondissement, le 8 mai 2022. |
Le vote bon enfant de la diaspora
La diaspora a déjà voté. Plus de 225.000
Libanais résidant à l’étranger sont inscrits sur les listes électorales, une
forte augmentation par rapport à 2018.
Électeurs libanais Dubaï devant le consulat général à Dubaï, le 8 mai 2022 |
Les partis politiques, les partis indépendants
Les événements dramatiques survenus au Liban ont entraîné l’apparition de nombreux
nouveaux partis indépendants, dont la plupart sont issus de la société civile
sur fond de «Révolution d'Octobre» - une manifestation qui a éclaté le
17 octobre 2019. Ce sont des dizaines de partis indépendants, dépourvus
d'ethnie affiliation ou soutien communautaire.
Les sunnites et le Courant du Futur
Le retrait de l’ancien Premier ministre Saad Hariri de
la vie politique a entrainé la désintégration du camp sunnite et de son parti
al-Mustaqbal. À la suite de Saad Hariri, d’autres dirigeants sunnites demandent
à leurs supporters de ne pas participer aux élections. Un vide de leadership
s'est créé parmi les sunnites qui profite au Hezbollah : «Le Hezbollah a déjà
financé, sans l’annoncer officiellement bien sûr, la campagne électorale de
plusieurs candidats. Si ces candidats gagnent, leur loyauté sera pour le
Hezbollah et le camp chiite dominera le parlement et par la suite le
gouvernement»,
Ainsi, capitale du sunnisme libanais et deuxième ville
du pays, où onze listes sont en concurrence, la ville de Tripoli pourrait voir
la liste des alliés du Hezbollah menée par Fayçal Karamé, -héritier d’une
grande famille de Tripoli-, arriver en tête.
Le Grand Mufti libanais Derian |
Les partis chrétiens
Pour les chrétiens du Liban, les élections
législatives sont révélatrices d’un malaise existentiel. Depuis le début de la
crise, ils émigrent en masse. Leur affaiblissement démographique fragilise leur
poids politique,
Le Courant patriotique libre (CPL)
Le Courant patriotique libre (CPL) du gendre du
président Aoun, Gibran Bassil avait obtenu
le plus grand bloc parlementaire au Parlement en 2018. Les chrétiens
d'aujourd'hui, et la majorité des Libanais, ne font plus confiance au mouvement
aouniste, non seulement à cause de son alliance avec le Hezbollah mais aussi pour
sa responsabilité dans l’effondrement du pays. Gebran Bassil qui fait bloc avec le tandem chiite, aspire
à être président mais ses chances d'y parvenir semblent minces, compte tenu de
son image négative auprès du public comme symbole de la corruption et de
l'imposition de sanctions américaines à son encontre. Farouches adversaires
politiques, Gebran Bassil et Samir Geagea se livrent une bataille féroce pour
obtenir le plus grand nombre de sièges dans la nouvelle Chambre.
Samir Geagea |
Samir Geagea et les Forces libanaises s’opposent frontalement au Hezbollah.
Leur succès serait le plus beau résultat pour le courant souverainiste.
Le patriarche maronite Béchara Raï |
Le patriarche maronite Béchara Raï a appelé les Libanais à voter en masse.
Il a aussi abordé la question de la souveraineté libanaise en estimant que « la
priorité est de préserver l’entité libanaise et de stabiliser la sécurité
nationale, afin que le pays puisse respecter les échéances constitutionnelles à
venir et reprendre ses pourparlers avec Israël», en référence à la
délimitation des frontières maritimes. «Il
est clair que la majorité des Libanais adhère à un Liban libre, démocratique et
neutre ; un Liban de partenariat national et de charte ; un Liban
d'identité historique, de justice et d'égalité ; un Liban d'une
armée et d'institutions constitutionnelles», les Libanais veulent vivre, prospérer et avoir une économie libre.
Le Duopole chiite : Hezbollah et Amal
La communauté chiite est restée soudée et de manière
générale le soutien au Hezbollah est resté intact, notamment de la part de ceux
qui ont bénéficié du réseau de soutien socio-économique fourni par
l'organisation.
Hezbollah
L’Iran
a trouvé une formule réussie pour étendre son influence aux pays voisins, une
formule basée sur l'établissement de procurations parmi les membres de cette
secte et leur fournissant de l'argent, des armes, un soutien politique et logistique.
Ces mandataires, tels que le Hezbollah et d'autres milices iraniennes
d'Afghanistan, d'Irak, de Syrie et du Yémen, ont un engagement idéologique et
religieux envers le projet régional de Téhéran, et sont prêts à travailler
au-delà des frontières pour soutenir sa politique expansionniste agressive, et
considèrent son leadership légitime et la théocratie comme modèle politique à
imiter.
Hassan Nasrallah, le chef du groupe terroriste
libanais Hezbollah, a exprimé lundi son opposition formelle aux pourparlers
menés sous l’égide des États-Unis en vue de régler un différend frontalier
maritime entre le Liban et Israël – s’en prenant notamment à l’envoyé de
Washington d’origine israélienne pour les négociations, Amos Hochstein Le chef
du terrorisme du Hezbollah a déclaré que les négociations sur les zones
offshore, ne peuvent pas se poursuivre avec «Amos Hochstein, Frankenstein ou
tout autre Stein».
Nabih Berri |
Nabih Berri et Amal
L’échéance
électorale en vue est «la plus importante et la plus dangereuse de
l’histoire du Liban», a déclaré le président de la Chambre et chef du
mouvement Amal, Nabih Berri, et valorisé dans ce cadre le duopole qu’il forme
avec le Hezbollah au point d’évoquer une symbiose presque spirituelle. «L’alliance
entre Amal et le Hezbollah n’est pas une alliance de type communautaire, pour
consacrer la primauté d’une communauté sur les autres, ni électorale, pour
garantir quelque majorité, mais une relation entre le corps et l’esprit, et une
alliance entre les fils d’une même résistance».
Président à vie du Parlement libanais et un
des principaux parrains de la corruption, Nabih Berri, règne en maitre dans
cette circonscription. Patron des chiites d’Amal, cet homme de réseaux affable
et roué a transformé la garde du Parlement en une milice privée d’un millier de
nervis à son seul service. «Le Liban Sud, forteresse chiite imprenable, est
désormais sous l’emprise des milices armées du Hezbollah et de ses alliés
d’Amal qui font régner la terreur, notamment durant cette période électorale où
ils empêchent leurs opposants de faire campagne». [1]
Walid Joumblatt |
« Walid Joumblatt : Portrait d’un seigneur socialiste.
Dans son discours du samedi 6 mai 2022, Walid Joumblatt a certes montré son rôle de leader incontesté de la communauté druze mais, également, de figure incontournable de premier plan de la vie politique libanaise. La personnalité de cet homme, héritier d’une lignée de grands seigneurs de la montagne n’a pas fini de surprendre ses amis et ses adversaires à la fois. Comment comprendre cette personnalité loin de toute zizanie politique libanaise ? C’est par le vote démocratique qu’on pourra endiguer le Hezbollah» annonça-t-il au milieu de la fièvre électorale du scrutin législatif actuel. Ainsi l’arme à feu est remplacée par le bulletin de vote déposé dans les urnes du suffrage universel.
La montée en puissance du Hezbollah, le mouvement
chiite radical, pourrait faire du Liban une province de la République
iranienne. Or les partisans du très redoutable Cheikh Nasrallah sont en train
de prendre l’avantage sur les autres forces politiques du pays, y compris ces
indépendants et adeptes d’un « dégagisme » général, mais dont les
nombreuses listes présentes aux élections ont du mal à percer. L’enjeu des
élections législatives qui devraient se tenir ce 15 mai dans un pays en état de
choc social est la suprématie possible du Hezbollah. Ce qui se dessine en effet
est une victoire électorale des chiites du Hezbollah de de ses alliés du
mouvement Amal» [2]
Un sondage pour conclure, commandé par la
fondation allemande Konrad-Adenauer-Stiftung (KAS) et réalisé par la société
Statistics Lebanon, permet d’avoir un aperçu des intentions de vote pour les
législatives prévues le 15 mai. Première indication intéressante, 25,7% des
personnes interrogées disent vouloir voter pour une liste indépendante en
mai. Parmi les partis politiques en place, le Hezbollah arrive en tête
avec 14,7% des intentions de vote, suivi par les groupes représentant la
contestation populaire du 17 octobre 2019, avec 12,3%. Viennent ensuite les
Forces libanaises (chrétiennes anti Hezbollah) avec 11,5% et le Courant
patriotique libre (chrétiennes pro Hezbollah) avec 6,8% des intentions de
vote.
[1] Nicolas
Beau Mondafrique 11 mai 2022
[2] Antoine Courban Ici Beyrouth 9 Mai, 2022
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