LE BEST-OF DES ARTICLES LES PLUS LUS DU SITE, cliquer sur l'image pour lire l'article


 

dimanche 22 mai 2022

Le Liban vote : sous le contrôle du Hezbollah par Albert NACCACHE

 

LE LIBAN VOTE : SOUS LE CONTRÔLE DU HEZBOLLAH

 

Chronique d’un papy flingueur Albert NACCACHE



Chefs de partis libanais


15 mai 2022. Les élections législatives se tiennent après deux ans d’insécurité, d’instabilité et d’une crise économique inédite qui a mené à l’effondrement du pays. Les habitants de l'État du cèdre se rendent urnes pour élire les 128 membres du parlement libanais.  

L’enjeu des élections

Les élections législatives de mai 2022 détermineront le profil et l’identité du prochain président de la République. Les Libanais doivent choisir aujourd’hui entre deux conceptions du rôle et de la place du pays du Cèdre. Celle du Hezbollah qui veut édifier une société guerrière, au service des ambitions hégémoniques des Gardiens de la Révolution islamique iranienne. La seconde conception, diamétralement opposée à la première, est défendue par un très vaste courant national, souverainiste, qui place en tête de ses priorités le rétablissement de la souveraineté de l’État central.


Des électeurs libanais dans la mairie du 16e arrondissement, le 8 mai 2022.

Le vote bon enfant de la diaspora

La diaspora a déjà voté. Plus de 225.000 Libanais résidant à l’étranger sont inscrits sur les listes électorales, une forte augmentation par rapport à 2018.

Électeurs libanais Dubaï devant le consulat général à Dubaï, le 8 mai 2022

Les partis politiques, les partis indépendants

Les événements dramatiques survenus au Liban ont entraîné l’apparition de nombreux nouveaux partis indépendants, dont la plupart sont issus de la société civile sur fond de «Révolution d'Octobre» - une manifestation qui a éclaté le 17 octobre 2019. Ce sont des dizaines de partis indépendants, dépourvus d'ethnie affiliation ou soutien communautaire.

Les sunnites et le Courant du Futur

Le retrait de l’ancien Premier ministre Saad Hariri de la vie politique a entrainé la désintégration du camp sunnite et de son parti al-Mustaqbal. À la suite de Saad Hariri, d’autres dirigeants sunnites demandent à leurs supporters de ne pas participer aux élections. Un vide de leadership s'est créé parmi les sunnites qui profite au Hezbollah : «Le Hezbollah a déjà financé, sans l’annoncer officiellement bien sûr, la campagne électorale de plusieurs candidats. Si ces candidats gagnent, leur loyauté sera pour le Hezbollah et le camp chiite dominera le parlement et par la suite le gouvernement»,

Ainsi, capitale du sunnisme libanais et deuxième ville du pays, où onze listes sont en concurrence, la ville de Tripoli pourrait voir la liste des alliés du Hezbollah menée par Fayçal Karamé, -héritier d’une grande famille de Tripoli-, arriver en tête.

Le Grand Mufti libanais Derian

        Le Grand Mufti libanais sunnite, Cheikh Abdel Latif Derian, a mis en garde contre le danger de boycotter les prochaines élections législatives, appelant à une forte participation. Lors de son sermon de l'Aïd al-Fitr lundi, Derian a souligné l'importance de saisir «l'opportunité de réaliser le changement par les élections».

Les partis chrétiens

Pour les chrétiens du Liban, les élections législatives sont révélatrices d’un malaise existentiel. Depuis le début de la crise, ils émigrent en masse. Leur affaiblissement démographique fragilise leur poids politique,

Le Courant patriotique libre (CPL)

Le Courant patriotique libre (CPL) du gendre du président Aoun, Gibran Bassil avait obtenu le plus grand bloc parlementaire au Parlement en 2018. Les chrétiens d'aujourd'hui, et la majorité des Libanais, ne font plus confiance au mouvement aouniste, non seulement à cause de son alliance avec le Hezbollah mais aussi pour sa responsabilité dans l’effondrement du pays. Gebran Bassil qui fait bloc avec le tandem chiite, aspire à être président mais ses chances d'y parvenir semblent minces, compte tenu de son image négative auprès du public comme symbole de la corruption et de l'imposition de sanctions américaines à son encontre. Farouches adversaires politiques, Gebran Bassil et Samir Geagea se livrent une bataille féroce pour obtenir le plus grand nombre de sièges dans la nouvelle Chambre.

Samir Geagea
Les Forces libanaises de Samir Geagea

Samir Geagea et les Forces libanaises s’opposent frontalement au Hezbollah. Leur succès serait le plus beau résultat pour le courant souverainiste.

Le patriarche maronite Béchara Raï
Le patriarche maronite Béchara Raï

Le patriarche maronite Béchara Raï a appelé les Libanais à voter en masse. Il a aussi abordé la question de la souveraineté libanaise en estimant que « la priorité est de préserver l’entité libanaise et de stabiliser la sécurité nationale, afin que le pays puisse respecter les échéances constitutionnelles à venir et reprendre ses pourparlers avec Israël», en référence à la délimitation des frontières maritimes. «Il est clair que la majorité des Libanais adhère à un Liban libre, démocratique et neutre ; un Liban de partenariat national et de charte ; un Liban d'identité historique, de justice et d'égalité ; un Liban d'une armée et d'institutions constitutionnelles», les Libanais veulent vivre, prospérer et avoir une économie libre.  

Le Duopole chiite : Hezbollah et Amal

La communauté chiite est restée soudée et de manière générale le soutien au Hezbollah est resté intact, notamment de la part de ceux qui ont bénéficié du réseau de soutien socio-économique fourni par l'organisation.

Hezbollah

 L’Iran a trouvé une formule réussie pour étendre son influence aux pays voisins, une formule basée sur l'établissement de procurations parmi les membres de cette secte et leur fournissant de l'argent, des armes, un soutien politique et logistique. Ces mandataires, tels que le Hezbollah et d'autres milices iraniennes d'Afghanistan, d'Irak, de Syrie et du Yémen, ont un engagement idéologique et religieux envers le projet régional de Téhéran, et sont prêts à travailler au-delà des frontières pour soutenir sa politique expansionniste agressive, et considèrent son leadership légitime et la théocratie comme modèle politique à imiter.

       L'Iran a pu étendre son influence sans invasion militaire, mais en s'infiltrant dans les milieux chiites locaux, et a réussi à imposer à ses supplétifs de devenir des mini-États qui ravagent le cœur de l'État et le poussent à l'échec. Son plus grand succès est le Hezbollah au Liban.

Axe chiite

    À quelques jours du scrutin, le numéro-1 du Parti de Dieu revient aux fondamentaux pour mobiliser son électorat avec un discours très belliqueux contre Israël. Des aides en nature, qualifiées de « petite corruption » par certains opposants au Hezbollah. Au Liban, le clientélisme est devenu la norme alors que l’État en faillite n’assume plus aucune de ses prérogatives.


 

Hezbollah


Hassan Nasrallah, le chef du groupe terroriste libanais Hezbollah, a exprimé lundi son opposition formelle aux pourparlers menés sous l’égide des États-Unis en vue de régler un différend frontalier maritime entre le Liban et Israël – s’en prenant notamment à l’envoyé de Washington d’origine israélienne pour les négociations, Amos Hochstein Le chef du terrorisme du Hezbollah a déclaré que les négociations sur les zones offshore, ne peuvent pas se poursuivre avec «Amos Hochstein, Frankenstein ou tout autre Stein».

Nabih Berri

Nabih Berri et Amal

L’échéance électorale en vue est «la plus importante et la plus dangereuse de l’histoire du Liban», a déclaré le président de la Chambre et chef du mouvement Amal, Nabih Berri, et valorisé dans ce cadre le duopole qu’il forme avec le Hezbollah au point d’évoquer une symbiose presque spirituelle. «L’alliance entre Amal et le Hezbollah n’est pas une alliance de type communautaire, pour consacrer la primauté d’une communauté sur les autres, ni électorale, pour garantir quelque majorité, mais une relation entre le corps et l’esprit, et une alliance entre les fils d’une même résistance».    

Président à vie du Parlement libanais et un des principaux parrains de la corruption, Nabih Berri, règne en maitre dans cette circonscription. Patron des chiites d’Amal, cet homme de réseaux affable et roué a transformé la garde du Parlement en une milice privée d’un millier de nervis à son seul service. «Le Liban Sud, forteresse chiite imprenable, est désormais sous l’emprise des milices armées du Hezbollah et de ses alliés d’Amal qui font régner la terreur, notamment durant cette période électorale où ils empêchent leurs opposants de faire campagne». [1]

Walid Joumblatt
Les Druzes et Walid Joumblatt  

« Walid Joumblatt : Portrait d’un seigneur socialiste.

Dans son discours du samedi 6 mai 2022, Walid Joumblatt a certes montré son rôle de leader incontesté de la communauté druze mais, également, de figure incontournable de premier plan de la vie politique libanaise. La personnalité de cet homme, héritier d’une lignée de grands seigneurs de la montagne n’a pas fini de surprendre ses amis et ses adversaires à la fois. Comment comprendre cette personnalité loin de toute zizanie politique libanaise ? C’est par le vote démocratique qu’on pourra endiguer le Hezbollah» annonça-t-il au milieu de la fièvre électorale du scrutin législatif actuel. Ainsi l’arme à feu est remplacée par le bulletin de vote déposé dans les urnes du suffrage universel.

La montée en puissance du Hezbollah, le mouvement chiite radical, pourrait faire du Liban une province de la République iranienne. Or les partisans du très redoutable Cheikh Nasrallah sont en train de prendre l’avantage sur les autres forces politiques du pays, y compris ces indépendants et adeptes d’un « dégagisme » général, mais dont les nombreuses listes présentes aux élections ont du mal à percer. L’enjeu des élections législatives qui devraient se tenir ce 15 mai dans un pays en état de choc social est la suprématie possible du Hezbollah. Ce qui se dessine en effet est une victoire électorale des chiites du Hezbollah de de ses alliés du mouvement Amal» [2]

Un sondage pour conclure, commandé par la fondation allemande Konrad-Adenauer-Stiftung (KAS) et réalisé par la société Statistics Lebanon, permet d’avoir un aperçu des intentions de vote pour les législatives prévues le 15 mai. Première indication intéressante, 25,7% des personnes interrogées disent vouloir voter pour une liste indépendante en mai. Parmi les partis politiques en place, le Hezbollah arrive en tête avec 14,7% des intentions de vote, suivi par les groupes représentant la contestation populaire du 17 octobre 2019, avec 12,3%. Viennent ensuite les Forces libanaises (chrétiennes anti Hezbollah) avec 11,5% et le Courant patriotique libre (chrétiennes pro Hezbollah) avec 6,8% des intentions de vote. 

 

[1] Nicolas Beau Mondafrique 11 mai 2022

[2] Antoine Courban Ici Beyrouth 9 Mai, 2022

 

Aucun commentaire: