YAHYA SINWAR A TIRÉ LES LEÇONS DE MAI 2021
Par Jacques BENILLOUCHE
La rue A-Wahda dans la ville de Gaza a été ciblée le 16 mai 2021 |
Les troubles habituels pendant le mois de
Ramadan ont connu cette année un calme relatif, dans la mesure où ils ont été
circonscrits à la mosquée Al-Aqsa et en Cisjordanie et ne se sont pas répandus dans
les villes israéliennes. Même Gaza a été volontairement épargnée. Le Hamas semble
avoir tiré les leçons des affrontements de mai 2021 et a empêché les tirs de
roquettes contre le sud d’Israël. Cette nouvelle stratégie a été attribuée au
ministre de la Défense Benny Gantz qui, par Égypte interposée, a transmis un message ferme et
dissuasif aux dirigeants du Hamas, les menaçant même d’autoriser les
assassinats ciblés.
Les premiers heurts avaient eu lieu à
Jérusalem le 10 avril 2021 puis à Jaffa, dans un contexte de tensions
religieuses exacerbées par la coïncidence des calendriers. Les Israéliens
avaient été choqués par la participation d’Arabes israéliens à des
manifestations, estimant que l’intégration à Jaffa avait été un modèle. Des
restaurateurs connus, vivant d’une clientèle juive et internationale, se sont
trouvés en tête des cortèges. Les Israéliens n’avaient pas compris pourquoi les
revendications nationalistes, autour du quartier de Cheikh Jarrah, avaient
touché la ville mixte du sud de Tel Aviv considérée comme un modèle de
cohabitation.
Frappe israélienne sur l’immeuble Al-Jalaa qui abritait les bureaux d’Al-Jazira et d’Associated Press à Gaza City, le 15 mai 2021 |
L’envoi de roquettes sur Jérusalem par le
Hamas, le 10 mai 2021 peu après la «Danse des drapeaux» lors de la
journée de Jérusalem, avait déclenché l’opération israélienne «Gardien des
murailles». Les émeutes s’étaient étendues dans le territoire israélien, en
particulier dans les villes où cohabitaient Israéliens juifs et arabes. Le choc a
été brutal car les dirigeants israéliens, habitués aux manifestations en
Cisjordanie, n’avaient pas anticipé les troubles au sein même d’Israël. Onze
jours de durs combats se sont soldés par un cessez-le-feu entre Israël et le
Hamas, entré en vigueur le 21 mai 2021.
Pendant cette crise, environ 4.360
roquettes ont été tirées en direction d’Israël depuis Gaza, mais Israël est
parvenu à minimiser les pertes humaines grâce au Dôme de fer qui a intercepté
plus de 90% des roquettes. Tsahal, quant à lui, a mené 1.500 frappes aériennes,
terrestres et maritimes sur la Bande. Au moins
256 Palestiniens ont été tués tandis qu’en Israël, 14 personnes ont trouvé la
mort. En outre trois cents policiers israéliens ont été blessés dans l’exercice
de leurs fonctions.
Cependant le Hamas, qui était responsable
du déclenchement des hostilités, s’est bien gardé de diffuser les images des
destructions à la suite des bombardements dans le cycle infernal. Plus il
lançait des roquettes et plus la dévastation à Gaza s’opérait, et plus les tirs depuis Gaza reprenaient en représailles. En Israël, on pensait que Tsahal se bornait à «casser
des pierres» contre des sites déjà en ruine étant donné le silence des
dirigeants du Hamas sur les résultats des frappes. Les images des dégâts
considérables de 2021 ont filtré et expliquent le relatif calme qui a prévalu
en 2022. Les émeutes se sont donc transportées en dehors de Gaza, à Jérusalem
et en Cisjordanie mais cette fois, sans lancement de roquettes. Le Hamas
n’avait pas encore pansé ses blessures.
Devant l’immeuble Al-Shuruq détruit par une frappe aérienne israélienne |
Les images qui restent aujourd’hui
montrent une grande partie de Gaza en décombres et non encore reconstruite, prouvant
l’inconséquence des décisions des islamistes qui ont voulu se confronter à
l’armée d’Israël. Certes Tsahal a agi avec force, de manière disproportionnée
comme dirait l’autre, mais on ne peut mettre en danger la vie des Israéliens
sans en payer le prix fort. Le Hamas a évalué ses dégâts à plus de 50.000 maisons
détruites et des infrastructures essentielles rasées, chiffre certainement
surévalué, mais le fait est là. Il faudra beaucoup d'années et de matériel pour reconstruire.
Des tours et de grands immeubles d'habitation de Gaza ont été détruits et transformés en un tas de décombres par suite des violents raids israéliens lancés en continu. Les images de la destruction de la tour al-Shorouk de 14 étages, située dans la rue Omar al-Mokhtar, dans le centre de la ville de Gaza, abritant les bureaux des médias, est impressionnante. La tour a été bombardée à la veille de l'Aïd al-Fitr et les travaux de reconstruction sont toujours en cours tandis que beaucoup de commerçants attendent toujours de rouvrir leurs portes. Ce fut aussi le cas de la tour Hanadi complètement démolie par quatre raids aériens israéliens et de la tour al-Jawhara dans la rue al-Jalaa, détruits par les avions de chasse israéliens. Devant le déchainement du feu contre le sud d’Israël, Tsahal a été chargé d’intensifier la bataille pour briser la volonté du Hamas et surtout du djihad islamique. Pour faire cesser les tirs de roquettes contre les civils israéliens, l'armée israélienne a détruit, en l’espace de quatre jours, quatre tours qui ont été la cible de l’aviation israélienne. La dernière tour détruite a été celle d’Al-Jalaa qui abritait, entre autres, les bureaux de la chaîne qatarie d’information Al-Jazeera et de l'agence de presse américaine Associated Press.
Les factions terroristes palestiniennes,
et à leur tête, les Brigades al-Kassam et Saraya al-Quds, avaient ciblé la
ville de Tel-Aviv par des dizaines de roquettes et de missiles, faisant des
dégâts matériels et des blessés dans les rangs des Israéliens. Cette attaque de
la capitale économique avait poussé le gouvernement à modifier sa politique de
retenue et à alourdir le tribut de la bataille pour trancher rapidement. Il
fallait monter contre les dirigeants du Hamas la population civile ou au moins
la frange qui lui était hostile. Les tours abritaient selon Israël des médias cataloguées
comme des soutiens inconditionnels du Hamas. Les services de renseignement
avaient aussi détecté que les rampes de lancement de missiles et certains
quartiers généraux des miliciens étaient dissimulés en bas des tours. Ces
objectifs civils devenaient par la force des choses des objectifs militaires.
Les riverains avaient été prévenus avant les bombardements ce qui avait limité
les pertes humaines. Les bombardements ont aussi touché des immeubles
résidentiels, devenus impropres
à l'habitation, qui ont été rasés par les autorités palestiniennes avant une
éventuelle reconstruction.
Pour des raisons économiques et
pratiques, la reconstruction de Gaza n’a pas encore eu lieu. Mais comme pour
les réfugiés palestiniens dans les camps depuis 1948, il fallait maintenir en
l’état les preuves des actions militaires israéliennes. Mais ce sont ces
preuves qui ont poussé Yahia Sinwar à ne pas s’aventurer à nouveau à provoquer
Israël lors des manifestations de Ramadan. Gaza n’a subi aucune nouvelle
destruction en 2022 tandis que près de 20.000 ouvriers gazaouis ont traversé la
frontière pour aller travailler en Israël.
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