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dimanche 22 mai 2022

Le calvaire des Yazidis d'Irak par Francis MORITZ

 

LE CALVAIRE DES YAZIDIS D’IRAK

Par Francis MORITZ



Un peuple en exil dans son propre pays. On pensait que ça n’existait pas, c’est pourtant le cas des Yazidis en Irak. Une actualité chasse l’autre ; Il n’empêche, ceux qui ont survécu, sont des personnes déplacées dans leur propre pays. Le calvaire sous le joug de Daesh a pris une autre forme mais se poursuit à nos jours. On les oublie car c’est loin d’Europe, c’est loin de tout et les médias n’ont que peu d’intérêt. Des années après leur massacre par Daesh, des dizaines de milliers de survivants restent interdits de séjour dans leur propre village d’origine.


Camp de réfugiés Yazidis où vivent 1500 familles 


Les Yézidis sont des monothéistes syncrétiques qui croient en un dieu tout-puissant. Les racines de leur religion, le yazidisme, remontent à environ 2 000 ans avant le christianisme, bien que leurs pratiques de croyance combinent des éléments de cette religion avec le judaïsme, l'islam, le zoroastrisme et les anciennes religions mésopotamiennes. Les Yézidis ne croient pas à l'existence d'un être maléfique. Dieu aurait été faible pour tolérer un second puissant à ses côtés, et parler du diable serait blasphématoire. Au centre des croyances yézidies, se trouve l'archange connu en anglais sous le nom de Melek Taus. Il est vénéré comme une représentation de Dieu sur terre et est représenté comme un paon.

Les yézidis sont nés dans leur religion, ce qui signifie que la conversion au yazidisme est impossible. Les yézidis ne sont autorisés à se marier qu'entre eux ; celui qui se marie en dehors de la religion est considéré comme un converti automatique à la religion du conjoint. Ils représentent mondialement un million d’adeptes et près de 2,5% de la population irakienne de 40 millions. Par comparaison, en Israël les Druzes constituent une minorité non musulmane qui représente 1,5%.

Femmes Yazidi forcées à quitter leur village


Pourquoi les yézidis sont-ils persécutés ? À partir de 2014, le contrôle de Daesh sur une grande partie de l'Irak a poussé de nombreux Yézidis à fuir. Le 3 août 2014, Daesh a envahi la région des yazidis et y a perpétré un génocide. L'ONU a estimé qu'environ 5.000 hommes ont été assassinés et jusqu'à 7.000 femmes et enfants ont été enlevés. Au moins 400.000 ont été chassés de leur patrie. L'ONU et le Parlement européen ont qualifié les événements de génocide. Les islamistes ont longtemps considéré les yézidis comme des «non-croyants» qui devaient être convertis ou tués. Cette minorité religieuse a également été persécutée en tant que membre de la minorité ethnique kurde. Les yézidis doivent souvent dissimuler cette double identité.

Le camp de réfugiés du district de Ninive, dans la région autonome du Kurdistan, ressemble à une petite ville. Plus de 1 500 familles yézidi y vivent depuis 2015, après avoir réussi à échapper aux terroristes de Daesh. La conversion force ou la mort. Les familles vivaient dans un village du Sinjar lorsque des militants de Daesh les ont capturés comme des bêtes. Ils voulaient les forcer à se convertir, mais certains réussirent à s’échapper dans les montagnes. Sous certains aspects, on retrouve les réflexes de l’inquisition de 1492 : La conversion, l’esclavage ou la mort.

Communauté Yazidi devant une fosse commune


Ils ont eu de la chance ?  Selon l'ONG Yazda basée aux États-Unis, quelques 12.000 personnes ont été kidnappées ou tuées au cours de la première semaine. «Un génocide a eu lieu et se poursuit», a déclaré le président de la Commission d'enquête de l'ONU sur la Syrie, Paulo Pinheiro, à Genève après avoir dévoilé un rapport dès août 2014. Nous sommes en 2022, C’est peut-être même pire. Cela n’est pas pour autant que l’ONU et l’UE ont exigé une enquête internationale pour une minorité traitée comme des étrangers dans son pays ou qu’une aide plus substantielle a été mise en place pour leur permettre de réintégrer leur village d’origine.

Des milliers de personnes ont fui, beaucoup n’ont pas survécu. Les terroristes de Daesh ont massacré sans distinction des personnes âgées, ceux trop faibles pour fuir et ceux qui refusaient de se convertir. Les garçons ont été formés pour devenir des combattants de Daesh pendant que les femmes et les filles ont été vendues comme esclaves sexuelles. Des milliers de Yézidis sont toujours portés disparus. De nombreuses fosses communes ont été découvertes, mais toutes n'ont pas été exhumées. Coté ONU et UE le silence est de mise. Daesh a été chassé en 2017, alors que quelques 300.000 déplacés n'ont toujours pas pu rentrer au Sinjar, région à prédominance yézidi avant l'arrivée de l’État islamiste.

La situation sécuritaire instable dissuade le plus grand nombre de regagner leur village natal. En effet, la situation y est particulièrement tendue, car différentes factions y opèrent : Les Unités de protection du Peuple, qui sont affiliées au PKK (parti des travailleurs du Kurdistan) considéré par les États-Unis et l'UE comme une organisation terroriste.  Les Forces de mobilisation populaire, soutenues en partie par l'Iran ; les peshmergas, la branche kurde des forces irakiennes et de nombreux autres représentants de l'armée irakienne. Dans le même temps, la Turquie bombarde la région, qui abrite des insurgés kurdes qui revendiquent leur indépendance de la Turquie, à l’identique du Kosovo qui l’obtint au terme de la guerre menée par l’OTAN (1999) et les États Unis contre la Serbie. Ce qui fut la première guerre en Europe avec 240.000 victimes après la deuxième guerre mondiale et non le conflit en Ukraine.

Pour de nombreux survivants, il est impensable de revenir dans un lieu habité par leurs bourreaux. Un certain nombre de partisans et même de combattants actifs de Daesh vivaient dans les villages et villes proches des villages yazidis, et certains d'entre eux y résident toujours.  Les Yézidis survivants subissent depuis un double traumatisme : les tueries de l'EI et le fait que ni l'armée irakienne, ni les peshmergas de la région semi-autonome kurde - qui contrôlaient alors la zone - ne les ont défendus ou protégés. Et ceux qui ont aidé les Yézidis en 2014 ont importé leurs propres problèmes dans la région. Le PKK interdit par la Turquie et l'Unité d'autodéfense kurde (YPG) alignée sur le PKK sont venus en aide aux yézidis, au grand dam de Bagdad et d'Ankara.  La Commission des droits de l’Homme de l’Onu ne semble pas du tout intéressée par ce qui se passe. Elle préfère manifestement coller à l’actualité.

"Sourate IX, verset 29-35

29. Combattez ceux qui ne croient ni en Allah ni au Jour dernier, qui n'interdisent pas ce qu'Allah et Son messager ont interdit et qui ne professent pas la religion de la vérité, parmi ceux qui ont reçu le Livre, jusqu'à ce qu'ils versent [l'impôt de] la capitation par leurs propres mains, après s'être humiliés.

32. Ils veulent éteindre avec leurs bouches la lumière d'Allah, alors qu'Allah ne veut que parachever Sa lumière, quelque répulsion qu'en aient les mécréants.

« Lorsque vous rencontrez [au combat] ceux qui ont mécru frappez-en les cous. Puis, quand vous les avez dominés, enchaînez-les solidement. Ensuite, c’est soit la libération gratuite, soit la rançon, jusqu’à ce que la guerre dépose ses fardeaux. Il en est ainsi, car si Allah voulait, Il se vengerait Lui-même contre eux, mais c’est pour vous éprouver les uns par les autres. Et ceux qui seront tués dans le chemin d’Allah, Il ne rendra jamais vaines leurs actions. »

— Le Coran (trad. Muhammad Hamidullah), « Muhammad », XLVII, 4.

Il ne fait définitivement pas bon d’être une minorité, d’être yazidi et de vivre en terre d’islam à majorité chiite.

 

1 commentaire:

Takouhi a dit…

un très bel article explicatif
tellement triste et peuple oublié
merci à vous
Takouhi- Jacqueline Assassian