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jeudi 12 août 2021

Billet d'humeur : fracture entre Travaillistes et Séfarades

 


BILLET D’HUMEUR : FRACTURE ENTRE TRAVAILLISTES ET SÉFARADES


Par Jacques BENILLOUCHE

copyright © Temps et Contretemps

Black Panthères en 1971

        

          Beaucoup vont s’étonner de ce titre provocateur mais il reflète la déception face aux décisions du parti travailliste qui reflètent encore la discrimination d'hier à l’égard des Séfarades. En fait elle n'a jamais cessé depuis les manifestations des Panthères noires en 1971 qui a préfiguré la chute des Travaillistes. Le Parti travailliste persiste à s'identifier à l'élite fortunée ashkénaze. Il est loin le temps où Ehud Barak avait demandé pardon aux Séfarades pour tout ce qu'ils avaient enduré de l'establishment ashkénaze. Il ne s’agit pas d’accusations légères car plusieurs cas attestent que le monde politique de gauche reste toujours entre les mains des Ashkénazes. Du temps du Likoud au pouvoir, les postes étaient aussi répartis entre des politiciens séfarades, pas très nobles parfois, dans le cadre d'une stratégie qui date de l’arrivée de Menahem Begin au pouvoir en 1977. 



Emilie Moatti


            Émilie Moatti est arrivée en troisième position aux élections primaires du parti travailliste ce qui lui conférait le droit à un poste politique digne de sa place. Les mauvaises langues s'avisent à dire que pour un parti qui n’a jamais fait honneur aux Séfarades c’est déjà beaucoup pour elle d’être députée, presque une exception. Les sept élus travaillistes sont successivement Merav Michaeli, Amir Bar Lev, Émilie Moatti, Gilad Karib, Efrat Rayten, Ram Shefa et Ibtissam Mara'ana. La troisième dans l’ordre d’arrivée, Moatti, n’a obtenu aucune fonction à la Knesset. Certains disent que Merav Michaeli a peur pour sa place.

En revanche le quatrième de la liste, Gilad Karib, a obtenu la présidence de la Commission de la Constitution, du droit et de la justice. Efrat Rayten, cinquième de liste a été nommée présidente de la Commission du travail, du bien-être et de la santé. Ram Shefa sixième de liste a été nommé à la présidence de la Commission de l'éducation, de la culture et des sports. Enfin Nahman Shai, huitième de liste a carrément obtenu le ministère de la diaspora. La troisième de la liste a été purement et simplement oubliée.

Moshé Arbel


On ne pourra pas trouver d’explication logique à la mise à l’écart d’Émilie Moatti sauf à considérer que les Séfarades francophones sont à peine tolérés chez les Travaillistes comme cela a toujours été depuis la création du parti ce qui a poussé la grande majorité des Marocains à émarger au Likoud. Même le parti orthodoxe Shass, dont la sympathie à l’égard des femmes d’abord et des femmes de gauche en particulier, a été choqué. Le comble lorsque des anachroniques défendent des femmes qui, même sur les photos officielles, n'ont pas le droit d'exister. Le député Moshé Arbel a accusé les Travaillistes de discrimination en refusant certaines nominations en fonction de leurs origines sociales. Selon Arbel : «L'histoire des Travaillistes  est riche de mépris et de discrimination à l'égard des Juifs d'origine orientale et séfarade. Michaeli préfère Kariv et Rayten, qui figurent au-dessous de Moatti, au lieu de la nommer. Une position à la fois contre-intuitive et indéfendable alors que Kariv et Rayten n'ont même pas l'expérience politique pour rivaliser avec elle».

Daniel Saada à la radio française

Du côté de l’ambassade d’Israël en France tout est l’avenant. Nous avions un diplomate intérimaire Daniel Saada, qui faisait fonction d’ambassadeur, un séfarade bon teint, récompensé à trois reprises par le prix d’excellence de la fonction publique et récipiendaire du Prix Spécial Diplomatique du Directeur Général des Affaires étrangères. Il parle un français excellent et a prouvé lors d’interview dans les médias français sa capacité à défendre Israël avec efficacité, avec pugnacité et avec dignité. Il aurait pu être confirmé officiellement comme ambassadeur mais en raison de relations de copinage au sein de Yesh Atid, Yaïr Lapid a préféré nommer une de ses militantes, Yaël German, dans une sorte de fait du prince; de plus sa compétence en langue française, autre que scolaire, reste à confirmer. Etre face à la journaliste Sonia Mabrouk impose de savoir s'exprimer parfaitement dans la langue de Molière sans la présence d'un interprète. Il n'est pas question de mettre en doute la compétence de Yaël German mais sa fonction avait été prévue à Londres ou dans un pays anglophone.  

Au moment où Israël est systématiquement la cible de certaines officines françaises et européennes, il fallait plus que jamais quelqu’un qui puisse débattre en français parfait pour contrecarrer les objectifs des ennemis d’Israël. Mais pour le ministère des Affaires étrangères, Daniel Saada, séfarade oriental, faisait tâche en tant que représentant d'Israël auprès de la plus grande communauté juive séfarade du monde.

Orly Levy-Abecassis


En revanche il n’en est pas de même du Likoud qui a offert à Orly Levy-Abecassis une place de choix dans le Comité des nominations judiciaires. Il l’a choisie à la place de Keren Barak.  La «Marocaine» a d’ailleurs infligé un coup dur à Netanyahou qui soutenait Barak. La majorité séfarade au Likoud a tranché et elle a défendu ses ouailles. 

Rami Levy et Israir


Il est triste de voir qu’après plusieurs années, certains partis politiques, excepté le Likoud, sont très frileux à l’égard des Séfarades. Des jeunes attendent leur heure, qui ne vient pas, dans les antichambres des travaillistes. Cela explique le refus de beaucoup d'universitaires de s’engager en politique parce qu’ils sont très vite bloqués par l’intelligentsia ashkénaze. Même dans le monde des affaires, il existe une certaine ségrégation. Certains véreux, à l’instar de Nochi Dankner, ont plus de crédit que le millionnaire Rami Levy, propriétaire de supermarchés et de la compagnie d’aviation Israir, qui est vu avec dédain par la "secte" des hommes d’affaires. Il ne fait pas partie de leur monde fermé. Il restera toujours l’épicier, voire le marchand de légumes, qui ne pourra jamais s’acheter de la considération parce qu'il est oriental et que sa réussite dérange.   

La preuve en est faite que seul le Likoud a donné aux Orientaux la place qu’ils méritent dans le pays. C’est triste car il ne s’agit pas souvent de la fine fleur séfarade qui est aux affaires. Mais des députés qui ont le passé politique d’Émilie Moatti ne se comptent que sur les doigts d’une main. Alors, en continuant à procéder ainsi, on donne de l’eau au moulin de ceux qui se veulent des inconditionnels du Likoud. On en vient à défendre le parti que l'on a le plus abhorré.  Quelle décadence!

3 commentaires:

Georges KABI a dit…

Chez les Travaillistes, il s'agit surtout de nepotisme. On se fabrique des dynasties (la famille Herzog, la famille Dayan) et on a peur que les Sepharades en fassent autant, d'autant plus c'et que cela existe deja chez les ultra-orthodxes du Shass.
Et pour conclure, le nepotisme est probablement la cle du conservatisme israelien.

V. Jabeau a dit…

L’interview de Sada est géniale. Il était en classe à Lyon avec un de mes cousins. Du coup il est effectivement très efficace et digne comme vous le dites. Mme Bin Noun, M. Schek, etc, n’ont pas bien réussi car leur français était approximatif et ils dégageaient une raideur et une certaine arrogance de ce fait, évidemment M. Saada était beaucoup plus sympathique même si dans l’exemple, Mme Salamé cherche à le coincer.
Comme l’a dit M. Lapid dans son tweet où il annonce la nomination de Mme German, elle « connaît très bien la politique israélienne » c’est cela qui prime, comme du temps de M. Netanyahu.

bliahphilippe a dit…

Votre article me remet en mémoire la discussion que j'avais eue avec un rabbin francais sépharade qui me disait que dans les années 60 il avait ete missionné par le Consistoire de Paris trés Ashkenaze, pour s'occupper des populations juives sepharades déplacées massivement en France. Des rabbins du Consistoire lui avait demandé de leur inculquer le maximum de culture occidentale, fut ce sans rapport avec le judaisme, dont la musique classique des grands opéras!! Ca ne s'invente pas!.En France ce probleme inter communautés juives est dépassé sus le poids du nomre de seppharades, c'est la vérité ou je mens?!
Essayons d'etre positif pour Israel :la société israélienne a quand meme évolué dans son ensemble, réduisant globalement la fracture ethnique et politique que vous dénoncez si justement.
Il n'en demeure pas moins que des castes conservatrices ashkenazes tiennent ce pays au niveau économique et politique et meme dans des secteurs de l'armée meme si on est loin de la révolte des panthères noiresץ.Il y'a eu quelques scandalesz dans des ecoles et Lycées ou le rejet des sefarades se manifestaient sous le prétexte de critères socio économiques non explicités maais évidents:.
Au sein de larmée, chez les Golani, par exemple, aucun problème de ce genre,l'intégration ne souffre pas d'exception, en tout cas notoire.
Il en va autrement dans d'autres unités comme la 669 -spécialisée dans le sauvetage, plus élitiste,la mauvaise expérience-relative- m'ayant ete rapportée par des proches sefarades qui m'ont déclaré se sentir "mal à l'aise" :traitement différend, plus pointilleux de la part des supérieurs, regroupement d'affinités entre copains de l'unité, naturellement et comme par hasard tous d'origine ashkenaze.Il existe ainsi des "poches" de mépris souvent inconscients fondées sur des différences ethniques meme si des individus émergent par leurs qualités.
Le coté agaçant chez cette élite ashkenaze est qu'en plein moyen Orient elle met en pratique ses choix politiques et culturels en fonction de critères de valeurs occidentales qu'elle valorise hypocritement à l'excès plus au profit de populations intérieures moins proches et plus hostiles à Israel (je vous ai compris!) que ne l'est la population séfarade....qui n'a pas bénéficié-elle- de la "discrimination positive" à l'échelle de celle des "autres".