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lundi 23 août 2021

Les Séfarades en question au Likoud

 


LES SÉFARADES EN QUESTION AU LIKOUD


Par Jacques BENILLOUCHE

copyright © Temps et Contretemps

Miri Regev

  

          Notre diagnostic sur «la fracture entre séfarades et travaillistes» avait suscité des réactions très nuancées de la part de certains de nos lecteurs qui ne pouvaient admettre qu’en Israël on puisse dire qu'il existe une ségrégation vis-à-vis des Orientaux. Notre affirmation : «Le Parti travailliste persiste à s'identifier à l'élite fortunée ashkénaze. Il est loin le temps où Ehud Barak avait demandé pardon aux Séfarades pour tout ce qu'ils avaient enduré de l'establishment ashkénaze» avait choqué. Et pourtant il s’agissait d’une affirmation d’une grande personnalité du pays qui a compté.




Pour Arie Wolff : «Je trouve la description de la situation sépharade très excessive, et relevant de clichés d'autrefois aujourd'hui dépassés». Pour Éric Setton : «Il faut arrêter avec cette soi-disant fracture et perpétuer cette attitude victimaire de certains sépharades». 

            La députée du Likoud et ancienne ministre de la Culture, Miri Regev, vient d’abonder dans notre sens puisqu’elle met les pieds dans le plat. Elle a décidé de se présenter au poste de premier ministre, non pas pour des raisons politiques mais pour des raisons communautaires. Son seul programme : «il faut arrêter de voter pour les Blancs» après avoir fait fort en comparant les Séfarades israéliens aux Afro-américains. Elle estime qu’il est temps de voter pour une séfarade ayant vécu dans la périphérie. En effet, elle est née à Kiryat Gat, une ville périphérique du sud, de parents immigrés du Maroc, Félix et Marcelle Siboni.

        Elle a toujours cherché à se faire remarquer à l'instar de sa visite à Cannes où elle s'était affichée avec une robe maculée de photos de Jérusalem. Elle a été volontairement voyante mais elle voulait prouver son style provocateur.

Netanyahou avec deux représentants séfarades Miki Zohar et David Amsellem

S'adressant au journal Yediot Aharonot, elle avait choisi l'attaque en estimant que «Le moment est venu d'avoir un Premier ministre sépharade. Je pense que la base du Likoud doit voter cette fois pour quelqu'un qui représente sa classe, son appartenance ethnique et son programme. Les Likoudniks séfarades ont voté au fil des ans pour que les Blancs les dirigent». Cette prise de position ne peut plus masquer le malaise existant au sein d’un parti qui n’a prospéré depuis 1977 que grâce à l’arrivée en masse de militants séfarades. Cependant, fidèle parmi les fidèles et inconditionnelle de l’ancien premier-ministre, elle ne prône pas l’élimination politique de Netanyahou : «Nous avons de formidables séfarades de bonne qualité qui peuvent diriger le Likoud plus tard, après Bibi Netanyahou. Je me vois définitivement faire partie de ce leadership, à la tête du Likoud».

Elle n’est pas la seule à briguer la direction du parti car d’autres pointures ont déjà annoncé leur intention de devenir calife à la place du calife, en particulier l’ancien maire de Jérusalem Nir Barkat et les anciens ministres Nir Barkat, Yuli Edelstein, Israel Katz, Avi Dichter et Tzachi Hanegbi, aucun marocain parmi eux.

Les prétendants au Likoud


L’éloge de l’ancien président Barack Obama a été l’occasion pour Regev de lancer une pique à destination de l’élite du parti en comparant les Séfarades aux Afro-américains, qui n’ont fait qu’un «travail subalterne» sous les ordres des Ashkénazes au fil des ans : «Quand j'ai vu des films et lu des livres sur les femmes noires qui devaient s'asseoir à l'arrière et sur l'esclavage des Noirs, ça m'a fait mal, parce que d'où je viens me fait me soucier de la justice». Sans ménager ses amis dirigeants du Likoud, elle a aussi accusé Naftali Bennett et Yaïr Lapid d’avoir un «lien élitiste ashkénaze» avec ceux qui dirigent le pays.  

Il n’est pas certain qu’elle sera entendue au sein de son parti et choisie pour être premier ministre. Elle a donc prévenu qu’elle constituerait un nouveau parti : «Si les Likoudniks continuent d'élire des dirigeants à l'ADN blanc, un nouveau Likoud naîtra. Il y aura un vrai Likoud séfarade qui exprimera la voix séfarade qui s'est tue depuis des années». Cependant, malgré sa gouaille, elle n’est pas représentative de l’élite séfarade ; elle en est au contraire la caricature avec ses interventions publiques grotesques où l'attaque personnelle était son seul argument.


Agressivité avec des journalistes

Mais elle ne sera pas la première à quitter un parti pour en créer un autre pour les mêmes raisons. Les orthodoxes séfarades ont créé en 1984 le Shass, "Séfarades orthodoxes pour la Torah", sans pour autant couper le cordon ombilical puisque leur mentor fut le Rav Eléazar Shach. Ils ont singé les Ashkénazes en adoptant leur tenue noire de deuil héritée des Shtetels polonais et leur chapeau de fourrure alors qu'en Afrique du nord les rabbins portaient des tenues bariolées et des chechias rouges. Mais surtout ils ont placé leurs enfants séfarades dans le système scolaire ultra-orthodoxe prouvant qu'ils ne croyaient pas dans leur système éducatif. Ils continuent à s’appuyer sur les grands penseurs ashkénazes. En fait, ils n'ont pas totalement toute leur autonomie.

Rav Eléazar Shach


Miri Regev devra innover car il ne suffit pas de crier qu’elle est séfarade pour amener à elle des militants du Likoud. Son échec sonnera comme une victoire de l’élite ashkénaze qui peut se prévaloir d’avoir créé de toutes pièces l’État d’Israël et qui n’acceptera pas facilement d’être reléguée dans les armoires de l’Histoire. Par dépit pour avoir perdu son poste de ministre, Miri Regev s’expose à faire exploser le Likoud, aujourd’hui dans la tourmente, et pour lequel elle sera le catalyseur d'une scission. Elle a choisi le moment où de nombreux militants critiquent ouvertement Netanyahou pour ne pas s’être retiré pour laisser un des leurs au pouvoir.  Mais l’argument choisi par Miri Regev relève du buzz plutôt que de l’analyse politique.

Certes, il est difficile pour ceux qui ont gouverné pendant douze années de siéger passifs dans l’opposition. Mais il est légitime de se demander pourquoi Regev n’a pas soulevé la question quand elle était aux affaires, a fortiori durant ses mandats de ministre. Aujourd’hui sa démarche est obsolète et peu crédible politiquement. Mais si le problème séfarade persiste malgré tout, il faudra inventer une autre méthode pour fusionner toutes les communautés.

Au Likoud, on ne l’entend pas de cette oreille et peu ont approuvé cette démarche. Nir Barkat est monté au créneau : «C'est une déclaration de division qui n'a pas sa place dans le mouvement. Nous sommes un mouvement du peuple et nous avons tout, Dieu merci - laïcs, religieux traditionnels, juifs et non-juifs. Nous avons toute la diversité et notre direction est élue en fonction du chemin qu'elle présente et des valeurs qu'elle apporte de chez elle. Si nous voulons revenir au pouvoir, nous devons nous unir au sein du Likoud et en dehors de lui».

Miri Regev a toujours voulu figurer dans les premières pages des gazettes mais elle risque aujourd'hui de lasser car elle n'est pas crédible.

2 commentaires:

Dina DOUIEB a dit…

Il faut lui reconnaitre un sens du ridicule sans faille. La robe qu'elle portait au festival de cannes décorée de la mosquée en Or de Jerusalem et du mur des lamentations ! !

Marianne ARNAUD a dit…

« Si un royaume est divisé contre lui-même,

un tel royaume ne peut subsister. »


Marc III, 24