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mardi 31 août 2021

Juifs américains de couleur, racisme intra-communautaire par Francis MORITZ

 


JUIFS AMÉRICAINS DE COULEUR, RACISME INTRA-COMMUNAUTAIRE


Par Francis MORITZ

 

Camp d'été Bekhol Lashon dans la diversité


La mort tragique de Georges Floyd a été un révélateur dans nombre de communautés juives libérales et progressistes. Diverses enquêtes récentes, s’accordent au moins sur deux chiffres pour évaluer ce groupe mal connu, de 450.000 au moins à 1.125.000 au plus, soit du simple au double sur la population juive évaluée à environ 7.500.000. Cet écart s’explique par le fait que tous ceux qui ne sont pas ethniquement blancs entrent dans ce groupe qui comporte aussi bien des Juifs noirs, des latinos que ceux originaires du Moyen Orient, d’Afrique du Nord, d’Afrique noire, des métis et ceux issus de mariages mixtes en augmentation. On est longtemps resté aux appellations d’après-guerre, entre ceux originaires d’Europe centrale, les ashkénazes et tous les autres classés séfarades. Or le monde a beaucoup changé depuis.



Le rabbin Gershom Sizomo est le chef spirituel des Juifs Abayudayo de l'Ouganda et ex membre du parlement, premier Juif élu

Il n’y a pas eu d’enquêtes faites en France car elles sont interdites, mais il est clair qu’au sein d’une communauté qui ne représente plus qu’environ 550.000 membres, on retrouvera une large similitude. Que dire sur ce qui se passe en Israël entre la communauté d’origine éthiopienne et le reste de la population ?

La vague Back lives Mater a eu un impact variable dont on observe ses effets plus précisément chez les libéraux et réformistes, qui sont les plus ouverts aux évolutions et réalités de la société considérant que 95% des Juifs américains sont nés sur place. Qu’ils soient orthodoxes ou réformistes, ils sont très intégrés voire très assimilés. Leur judéité est à géométrie variable. Elle s’exprime selon des critères tels qu’ethnicité, filiation, héritage, culture, intérêt pour les émissions télé ou radio dont le thème est lié au judaïsme ou à Israël, par affinités avec Israël, par un parent juif. Autant de variantes que le judaïsme orthodoxe rejette mais que les réformistes prennent en compte.

Enfants de la diversité


Une prise de conscience au sein des communautés déjà confrontées à l’antisémitisme endémique et plus récemment à la multiplication des actes racistes par les suprémacistes blancs.

Ce qui était auparavant considéré comme un problème externe est devenu un problème interne qu’on a eu du mal à reconnaitre. Les plus progressistes des dirigeants veulent en tirer les leçons. Certaines communautés ont pris l’initiative de contacter individuellement ces Juifs noirs. Elles ont aussi créé des groupes d’affinités pour permettre aux diverses origines de se retrouver sans subir de vexations, ce qu’on doit bien appeler une forme de sélection, qu’on peut aussi assimiler à du racisme. La prise de conscience et de responsabilité est telle, que des formations pour les équipes dirigeantes, les conseils d’administration ont été organisées.

Marcella White Campbell est la directrice exécutrice de Bé'chol Lashon


De plus en plus de congrégations, ont franchi le pas, en recrutant des Juifs noirs pour intégrer leur conseil d’administration. A San Francisco, la congrégation Emanu-El a coopté dans son conseil une jeune femme noire. Cette année un camp de jeunes dénommé Camp Tawonga a lancé un programme axé sur 3 thèmes : Justice, Équité, Diversité pour tous les participants, afin qu’ils se confrontent au racisme ambiant y compris interne. En juillet la Fédération des communautés juives de San Francisco a coopté quatre Juifs de couleur sur 29 membres dans son conseil d’administration. C’est d’évidence la croissance de la diversité et le retentissement de la mort de Georges Floyd qui font fonction d’accélérateur.

Une initiative qui mérite d’être connue : la célébration, par une organisation juive Be’chol Lashon, du l9 juin 1865 qui est considéré comme la date de la libération du dernier esclave noir aux États Unis. On y trouve aussi la motivation de l’adhésion et de la conversion d’une partie des Américains noirs qui ont trouvé une très forte similitude entre leur exil originel d’Afrique, la persécution en Égypte et enfin leur libération en arrivant en terre promise, plus la fierté de devenir un peuple libre.  Autre exemple de la diversité, Andy Cheng d’origine chinoise est un des dirigeants au sein de la fédération des associations juives réformistes, ancien président de la congrégation Beth Am de Los Alto Hills, il est actuellement membre de l’Union for Reform judaism, le département communications du mouvement pour la réforme.

Membres de la communauté Be'chol Lashon


Ce qui constitue sans aucun doute un tournant important amplifié par les événements tragiques évoqués, peut-il durer dans le temps ou le soufflé retombera-t-il ? Passer du moment au mouvement durable devient la question qui taraude les dirigeants engagés dans cet objectif. Le problème du racisme demeure. Les Juifs noirs et assimilés déclarent tous avoir subi des micro-agressions de la part de leurs coreligionnaires On retrouve aussi ce type de micro-agression en France et ailleurs, car là encore, ils ne sont pas comme nous autres, disent les présents. L’interrogatoire à l’arrivée dans une synagogue est la plus fréquente, pour « des raisons de sécurité » leur dit-on. La fondation Wexner a introduit dans un de ses séminaires l’existence et l’histoire du judaïsme noir, ce qui est une première dans cette organisation qui se charge de la formation des dirigeants communautaires notamment.

La liste des groupes qui luttent contre ce racisme intra-communautaire est trop longue pour les citer tous. Pour sensibiliser ceux à qui ils s’adressent, ils mettent en exergue cette injonction du Pirkei Avot, l’éthique des pères : «Il n’est pas de votre responsabilité de terminer le perfectionnement du monde, mais vous n’avez pas la liberté d’y renoncer»

5 commentaires:

Yaakov NEEMAN a dit…

Oui, c'est un autre aspect de kibboutz galouyot. Certaines tribus d'Afrique (comme les Guéré de Côte d'Ivoire, sur lequels le cinéaste franco-israélien David Szerman a beaucoup travaillé) se découvrent des racines juives. Il y a un long et passionnant travail d'anthropologue à accomplir pour comprendre comment ces peuples, radicalement coupés et éloignés du coeur du noyau originel juif, peuvent se revendiquer comme étant l'une des Tribus Perdues. Il y a évidemment une dimension messianique derrière tout cela. A la fin des temps (D.ieu seul sait quand), le monde entier reconnaîtra le Créateur de toutes choses. Et cela passe nécessairement par le judaïsme. Le fait que de nombreux noirs américains se sentent attirés par le judaïsme est aussi révélateur des limites du matérialisme. Consommer ne suffit pas pour donner un sens à sa vie.

çéma'h Lévy a dit…

Vous écrivez ´ la multiplication des actes racistes par les suprémacistes blancs.
Ignorant totalement l’antisémitisme islamique !

David a dit…

Cet excellent papier me rappelle l’histoire relatée par Rachel Khan : Rachel Khan est née de père africain et de mère juive polonaise. Alors qu’elle était en train de prier à la synagogue le jour de Kippour, un responsable est venu lui signifier que c’était un jour particulier et que sa présence était incongrue en ces lieux ! Elle raconte avoir été mortifiée par cette intervention maladroite…

Georges Kabi a dit…

Et quid des Talibans juifs?

Marianne ARNAUD a dit…

Serait-ce la fin de ce que la Maison Blanche appelle : « The Biden-Harris administration » ?

Il y a des raisons de le croire puisque six jours après la prise de Kaboul par les Talibans Kamela Harris est toujours aux abonnés absents et n’était pas aux côtés de Joe Biden lorsqu’il s’est adressé aux Américains.

Voilà qui pourrait ouvrir des perspectives nouvelles aux Démocrates en général, ainsi qu’aux Juifs noirs, américains et autres :



https://nypost.com/2021/08/18/kamala-harris-keeps-low-profile-after-afghanistan-chaos/