LE DÉFI DES NOUVEAUX OFFICIERS DE
TSAHAL
Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps
Les troupes israéliennes avec la brigade Kfir se sont préparées au combat urbain. |
Tsahal se pose de sérieuses questions sur l’évolution de ses cadres militaires et tente d'y répondre. Les statistiques montrent en effet que, pour la première fois dans son Histoire, les nouveaux officiers d’active, à partir du rang de lieutenant et de capitaine, qui ont déjà cinq années d’armée, n’ont jamais connu le feu car les deux dernières guerres d’Israël datent de 2006 au Liban et de 2014 à Gaza. Leur formation tient compte de ce nouvel aspect technique et la durée a été doublée en conséquence, surtout pour les unités d’élite, afin de cadrer le plus possible avec la réalité sur le terrain.
L’État-major fait donc appel à des réservistes, anciens combattants
des dernières guerres d’Israël, pour parfaire les compétences de ses officiers. Il doit
tenir compte du fait que, depuis une dizaine d’années, le Hezbollah a évolué
militairement avec des miliciens endurcis au combat en Syrie et en Irak. Il
n’est plus constitué de pauvres hères en haillons, équipés d’armement démodé.
C’est un ennemi avec lequel il faut compter et face auquel Tsahal doit
maintenir son excellence.
Les jeunes israéliens se préparent très tôt au service obligatoire
qui reste le point culminant de leurs expériences d'enfance et de jeunesse.
Tsahal offre souvent l'occasion de mettre en évidence leurs capacités et leurs qualités
cachées qui souvent n'ont pas pu être détectées auparavant. Cela est
particulièrement vrai pour ceux qui poursuivent leur formation d'officier,
ajoutant au moins une autre année de service. Les jeunes cadres sont très vite
insérés dans l’environnement militaire avec des responsabilité dès l’âge de 19
ans. Un sous-officier (adjudant) encadre 4 à 20 soldats, un chef de section
(grade de lieutenant ou capitaine) 20 à 40 et un commandant de compagnie (grade
de commandant) entre 40 et 100 soldats. Ils tiennent entre leurs mains la vie
de leurs hommes et c’est pourquoi le processus de sélection est précis et
efficace car il décide de l'orientation des jeunes vers leur future carrière et
leur chemin de vie.
Jeunes conscrits |
Tsahal se concentre donc sur les compétences et sur le potentiel plutôt que sur les connaissances. Le processus de recrutement commence formellement avant l'âge de 17 ans, souvent au lycée, avec une notification officielle. Le tzav rishon, «premier ordre», se concentre sur les bases ; les inscrits sont interrogés et évalués en fonction de leur capacité à lire et à écrire l'hébreu, leurs données personnelles et un résumé de leurs récents rapports scolaires.
La deuxième notification arrive peu après et est consacrée à un
examen médical approfondi suivi d'un entretien psychotechnique. L'enquêteur est
un militaire, spécialement formé sur les techniques d'évaluation, la
psychologie, les relations interpersonnelles et la reconnaissance des problèmes
mentaux ou du stress. L'objectif principal de cet entretien est de tracer les
traits de personnalité de la recrue : la motivation, la capacité à résister au
stress ou les comportements sociaux / antisociaux, et d'évaluer l'aptitude à
des rôles spécifiques dans Tsahal. Le système de notation a été développé par
le lauréat du prix Nobel, le professeur Daniel Kahneman, père fondateur de
l’économie comportementale, et qui a été chargé de trouver un moyen d'évaluer
les candidats au service de combat dans l'armée israélienne.
professeur Daniel Kahneman |
Grâce aux profils médicaux et aux notes d'entretien détaillées,
Tsahal peut donc évaluer les candidats pour certaines unités de volontaires en
partant du principe que l'évaluation psychotechnique détermine la pertinence et
le potentiel d’entrer dans certaines fonctions des forces d'élite. Les conscrits
jugés appropriés sont alors invités à des tests psychotechniques plus
complexes, à des contrôles médicaux spéciaux et à des entretiens avec des
psychologues et des agents des unités concernées.
Les candidats ayant les bons scores médicaux, d'aptitude physique
et de renseignement reçoivent une invitation pour l'équivalent israélien de la
sélection et de l'évaluation des forces spéciales américaines, appelé «giboush»
dans Tsahal et mieux traduit par «formation». Deux fois par an, des
centaines d'espoirs qualifiés subissent des tests rigoureux pour trouver une
place dans les unités les plus exclusives de Tsahal. Ils sont examinés sur la
force, l'endurance physique et mentale et les compétences collaboratives et
coopératives. Leur évaluation est basée sur un éventail de missions physiques
et émotionnelles allant des sprints aux exercices d'esprit, et ils sont
surveillés par les commandants pour s'assurer qu'ils peuvent gérer les
activités exigeantes de ces unités.
Unité Shaldag intervenant au delà des frontières avec le chef de l'Etat |
La plupart des unités s'intéressent à ce que les candidats sont capables de faire, aux défis auxquels ils peuvent et ne peuvent pas faire face et à la
rapidité avec laquelle ils peuvent acquérir différentes compétences. Bien que
certains rôles spécifiques exigent une vaste expérience en sciences ou en
compétences techniques, la plupart des unités d'élite de combat, de soutien au
combat, de non-combat et de renseignement ne nécessitent pas de qualifications
techniques ou académiques préalables.
À cet égard, chaque jeune, quelle que soit son origine, a une
chance d'être sélectionné pour les unités les plus prestigieuses et d'élite. En
outre, il peut également devenir l'officier le plus haut gradé de Tsahal sans
avoir terminé le lycée avant de rejoindre l'armée. Les jeunes sont en effet enrôlés
dès l’âge de 18 ans, au sortir du lycée. Cela ne leur permet donc pas
d’acquérir une formation universitaire. Mais à mesure que les soldats
gravissent les échelons, on comble cette lacune en les envoyant suivre une
formation universitaire plus poussée, aux frais de Tsahal. C’est une exigence pour
l’officier qui veut atteindre un grade élevé dans Tsahal. Ce système de
sélection ignore presque complètement le passé ou le manque de connaissances
pratiques d'une personne et recherche plutôt des compétences, des capacités et
un potentiel.
Elèves de saint Cyr |
Ce n'est pas le cas dans les autres armées occidentales. Souvent il
faut avoir une formation universitaire préalable avant d'entrer dans les écoles militaires.
Les adolescents à l’étranger peuvent devenir officiers directement après le
lycée ou l'université et peuvent être sélectionnés pour des compétences qui ne
sont pas liées à la formation militaire, au champ de bataille ou à la
communication et aux interactions quotidiennes avec leurs pairs. Ces élèves officiers
sélectionnés entrent dans l'armée avec un diplôme collégial de quatre ans.
C’est le cas en France de l’école militaire Saint-Cyr où les jeunes passent un
concours d’entrée après deux années de classes préparatoires, Sciences,
Lettres ou Économie, et une minorité d’élèves ayant un niveau master-2 sur concours
également. En revanche les adjudants sont promus en raison de leur expertise
technique.
entrainement brigade commando Kfir |
Cela comporte deux implications discriminatoires importantes à
l’étranger : premièrement, les jeunes issus de familles défavorisées, qui n'ont
pas pu recevoir une bonne éducation dans leur jeunesse, sont peu susceptibles
de devenir officiers ; et deuxièmement, il y a une distinction claire entre les
conscrits qui sont physiquement et mentalement familiers avec la vie de l'armée
et les officiers qui ont passé du temps en classe et sont ensuite censés commander
ceux qui ont une expérience réelle du champ de bataille. En Israël, Tsahal est
l’armée du peuple tout entier donc la méthodologie est différente.
Cela n’est pas le cas en Israël pour un officier qui doit prouver son
expérience de la vie sur le champ de bataille ou même après d'un entraînement
intense avant de commander. Ce n'est qu'une fois qu'un soldat a prouvé ses
compétences et son potentiel qu'il sera considéré comme un candidat à la
formation d'officiers, après avoir été choisi par des officiers qui l’ont
observé depuis sa formation initiale jusqu'à son service actif, et qui
recherchent des qualités et des traits de personnalité pertinents pour
l'activité militaire réelle. Les évaluations portent sur bien plus que la
maîtrise de compétences spécifiques. Ils testent la force psychologique, la
motivation et la capacité à travailler en équipe. Les chiffres parlent
d’eux-mêmes ; seulement 1% des jeunes les plus talentueux réussissent le
processus de sélection et rejoignent les unités d’élite.
Les officiers de la brigade Kfir s'entraînent au combat dans les zones bâties reconstituées |
Le candidat est conscient de ce qu'un général israélien appelle «la
valeur de cinq minutes lorsqu'il doit prendre des décisions importantes dans le
brouillard de l'ambiguïté». C'est une compétence tout aussi précieuse sur
le champ de bataille. Pour compenser l’absence d’expérience sur le champ de
bataille, depuis 2014, Israël a fait évoluer sa formation militaire. Des
villages du Liban-sud avec des tunnels, ou de Cisjordanie ou de Gaza ont été
reconstitués à l’identique au Néguev, avec une réalité saisissante pour servir à
l’entrainement intense des troupes d’élite, à balles réelles, avec les risques
que cela comporte. Les élèves officiers participent ainsi à une véritable guerre
dans un environnement reconstitué. Tsahal a mis en place ces moyens pour
garantir la sécurité de ses troupes en opération qui n’ont jamais connu le feu
réel. C'est le nouveau défi des jeunes officiers israéliens.
6 commentaires:
Excellent article qui détaille la sélection très rigoureuse dans Tsahal. L'expérience du combat est fondamentale pour un soldat. Le soldat le mieux entraîné peut avoir des réactions inattendues en situation de combat réel.
Excellent article qui détaille la sélection très rigoureuse des jeunes recrues de Tsahal.
Comme précisé dans le papier, rien ne remplace l'expérience du combat réel.
On ne connaît jamais la réaction d’un soldat, même surentraîné, lors de l'épreuve du feu.
Ces nouvelles méthodes de l'armée israélienne permettent de simuler au plus près de la réalité.
Vous dites : «premièrement, les jeunes issus de familles défavorisées, qui n'ont pas pu recevoir UNE BONNE EDUCATION dans leur jeunesse, sont peu susceptibles de devenir officiers»
Jacques, pouvez-vous préciser ce que vous entendez par une «bonne éducation» ?
@Ingrid
Je pensais surtout à une éducation scolaire et universitaire. Quand la famille est pauvre, les enfants n'ont pas les moyens de payer les études et sont contraints à une vie professionnelle anticipée pour aider au budget de la famille. En France les études sont gratuites et on peut avoir facilement une bourse.
A la lecture de cet excellent article, on pourrait conclure que l'Etat d'Israël est décidément voué à l'agressivité. Il faut rappeler que Tsahal est d'abord une armée de DEFENSE... Que D.ieu protège nos soldats et que se réalisent des nos jours les promesses de Isaïe (2,4), repris dans Michée (4,3): "...alors de leurs glaives forgeront des socs de charrue et de leurs lances des serpettes; un peuple ne tirera plus l'épée contre un autre peuple, et on n'apprendra plus l'art des combats." On s'y dirige tout doucement. Pour preuve : la tendance actuelle des armées occidentales est d'éviter au maximum les dommages collatéraux. En France, lors d'un récent colloque où intervenaient des responsables militaires, un général a évoqué la guerre idéale, celle qui ferait "zéro mort."
à Yaakov Neeman : Les passages bibliques auxquels vous vous référez ici font en fait allusion aux temps messianiques :
- Esaïe 2, 1-3 : «Il arrivera, à la fin des temps, que la montagne de la maison de l’Eternel sera fondée sur le sommet des montagnes, qu’elle s’élèvera par-dessus les collines, et que toutes les nations y afflueront. Des peuples nombreux s’y rendront et diront : Venez, et montons à la montagne de l’Eternel, à la maison du Dieu de Jacob, afin qu’il nous instruise de ses voies, et que nous marchions dans ses sentiers. Car de Sion sortira la loi et de Jérusalem la parole de l’Eternel. » ET C’EST ICI QUE VOTRE VERSET 4 SUIT : "...alors de leurs glaives forgeront des socs de charrue et de leurs lances des serpettes ; un peuple ne tirera plus l'épée contre un autre peuple, et on n'apprendra plus l'art des combats."
Car aujourd’hui il est plus qu’évident que personne ne consulte Dieu pour prendre de lui ses instructions : ni Israël ni les nations. Tout au contraire ! Car actuellement ce n’est pas en Dieu que les uns et les autres placent leur confiance mais bien en l’homme, et en des alliances humaines fragiles, ce qui n’est absolument pas une bonne chose du tout…
Une paix sans Dieu ne tient pas, c’est tout simplement un leurre !
- Michée 4, 1-2 : «Il arrivera, dans la suite des temps, que la montagne de la maison de l'Eternel sera fondée sur le sommet des montagnes, qu'elle s'élèvera par-dessus les collines, et que les peuples y afflueront. Des nations s'y rendront en foule, et diront : Venez, et montons à la montagne de l'Eternel, à la maison du Dieu de Jacob, afin qu'il nous enseigne ses voies, et que nous marchions dans ses sentiers. Car de Sion sortira la loi, et de Jérusalem la parole de l'Eternel. » ET C’EST ICI QUE VOTRE VERSET 3 SUIT : «Il sera le juge d'un grand nombre de peuples, l'arbitre de nations puissantes, lointaines. De leurs glaives ils forgeront des hoyaux, et de leurs lances des serpes ; une nation ne tirera plus l'épée contre une autre, et l'on n'apprendra plus la guerre...»
Car pour l’instant il est manifeste que Dieu n’est absolument ni le juge des peuples ni l’arbitre des nations. Je pense que vous êtes d’accord avec moi, n’est-ce pas ?
Ces deux prophéties bien que de deux prophètes différents (Esaïe et Miché) sont textuellement quasiment identiques (!) et concernent en réalité les temps messianiques, lorsque le Messie Yeshoua (grécisé Jésus) sera venu dans son règne et qu’il régnera sur la terre entière à partir de JERUSALEM, et qu’il y aura la paix quand… quand les nations seront «tenues» solidement entre les mains du gouvernement messianique ! (voir notamment Psaume 2). Or ne pas oublier qu'avant le règne messianique, Israël passera par des temps très difficiles, extrêmement éprouvants, appelés dans la Bible l'"angoisse de Jacob", la "tribulation de Jacob"...
Yaakov Neeman : Tirer des versets bibliques hors de leur contexte pour les adapter à une situation spécifique voulue c’est fausser la vérité historique, le sens de l’histoire et de la réalité...
Enregistrer un commentaire