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mardi 8 décembre 2020

La recomposition du paysage politique en Israël

 

LA RECOMPOSITION DU PAYSAGE POLITIQUE EN ISRAËL

Par Jacques BENILLOUCHE

Copyright © Temps et Contretemps


            

          Les sondages qui sont publiés en Israël n’ont aucune valeur politique car ils ne tiennent pas compte de l’évolution de l'échiquier politique, autant à gauche qu’à droite, sans compter que les listes définitives de candidats ne sont pas encore établies. Par ailleurs il reste encore un doute sur la tenue réelle de ces élections car la dissolution de la Knesset doit passer par trois votes et nous ne sommes pas à l’abri de surprises car Benjamin Netanyahou n’a pas encore dit son dernier mot, sachant qu'il a plusieurs tours dans son sac. S’il accepte le vote du budget pour 2020/2021, comme il s’y était engagé dans les accords de coalition, alors le gouvernement de coalition poursuivra son existence jusqu’au prochain incident ou conflit. D'ailleurs Gantz a voté à reculons pour la dissolution tant il savait que des nouvelles élections ne résoudraient rien.



Mansour Abbas de Raam
            Si les élections sont maintenues, les listes subiront un changement radical. Les Arabes ont une liste composée des partis, Hadash, Taal, Raam et Balad, que tout sépare mais qui se sont réunis pour passer le seuil électoral de 3,25%. On y trouve de tout, des fanatiques religieux, des communistes, des sociaux-démocrates et des centristes. Le parti Raam, qui a eu des contacts avancés avec le Likoud, a été fondé par le mouvement islamique du sud. Il a obtenu des promesses du gouvernement pour le financement et la restructuration des villages arabes; le nerf de la guerre. 
          Netanyahou avait condamné les tentatives de Kahol-Lavan pour obtenir la neutralité des partis arabes pour un gouvernement minoritaire mais lui a le droit de s'allier avec le diable car il a besoin des voix de Raam pour compléter son éventuelle coalition. Il n’est donc pas impossible qu’il y ait scission dans la liste arabe entre ceux qui soutiennent le Likoud et ceux le combattent. D’ailleurs lors du vote de la motion de censure, les députés Raam n’ont pas participé au vote pour se distinguer des autres partis arabes. Aujourd’hui, ils disposent de quatre élus, minimum exigé pour entrer à la Knesset, ce qui leur permet d’envisager de faire cavaliers seuls et de rejoindre une coalition gouvernementale de droite.

Ali Salem

            Le maire de Nazareth a l’intention de créer un nouveau parti arabo-juif qui se distinguerait de la liste arabe un peu trop propalestinienne. Ali Salam a appelé les Arabes à le rejoindre, à l'exclusion des communistes de Hadash. L’ancien maire de Haïfa, qui à trois mandats à son actif, Yona Yahav, pourrait participer à ce parti. Ce parti «sioniste» pourrait intégrer toute coalition et réduira l’influence des arabes nationalistes, voire islamistes.

            Meretz est en grande difficulté depuis que les Travaillistes l’ont quitté. Il risque de ne pas passer le seuil électoral. Alors son leader Nitzan Horowitz envisage d’inclure plusieurs candidats arabes en position éligible afin d’attirer les voix de ceux qui ne se reconnaissent pas dans l’idéologie de la liste arabe et qui avaient été tentés par Gantz.

            Le parti travailliste, ou ce qu’il en reste avec ses deux députés, vient de signer un accord de liste commune avec Bleu-Blanc ce qui finirait de l’achever. Il est triste que le parti historique de Ben Gourion finisse dans les décombres d’élections ratées. Il n'a pas su se remettre en cause face à ses idéologues qui n'ont rien voulu changer. Quant à celle qui a fait une apparition furtive en s'alliant au parti travailliste, Orly Levy-Abecassis de Gesher, elle n'a pas brillé et elle garde la trace indélébile de sa trahison en rompant son alliance avec le parti travailliste pour s'allier avec le Likoud qui ne lui a rien donné car c'est une habituée des migrations de partis en partis. 

       Enfin Avigdor Lieberman a disparu des écrans radar. Il garde l'espoir de pouvoir influencer la création d'une nouvelle coalition avec les 8 sièges qui lui sont crédités. Il reste toujours le faiseur de roi.

Gadi Eizenkot

            La nouveauté au centre viendrait du nouveau parti qu’envisage de créer l’ancien chef d’État-major, Gadi Eizenkot avec le maire actuel de Tel-Aviv Ron Huldaï, ancien travailliste, et une revenante Tsipi Livni qui pourrait récupérer les déçus de Kahol Lavan. Beaucoup d'Israéliens estiment qu'ils ont déjà donné avec les chefs d'Etat-major mais Eizenkot avait pris des positions politiques du temps où il était en fonction. D'ailleurs des sondages donnent déjà 15 sièges à cette nouvelle formation qui affaiblirait Yesh Atid de Yaïr Lapid et bien sûr Bleu-Blanc crédité pour l'instant de neuf sièges.

               Les deux transfuges de Telem de Moshé Yaalon, qui ont créé Derekh Erez, devront trouver un point de chute pour pouvoir exister. On les voit mal retourner dans leur ancien parti.

            A l'extrême-droite, on ignore les intentions de Rafi Peretz, leader du Foyer Juif qui a rompu avec Naftali Bennett. Il pourrait retrouver ses amis nationalistes Bezalel Smotrich de Tkuma et les kahanistes de Otzma Yehudit pour faire un pôle indépendant qui aura cependant du mal à passer le seul électoral tant leur idéologie est raciste et extrémiste.

Les figures de la droite nationaliste

            Au Likoud certains déçus, à qui on avait trop promis et qui n’ont rien reçu, à l’instar de l’ancien maire de Jérusalem Nir Barkat et de Gideon Saar, pourraient se distinguer au moment où Netanyahou pose un genou à terre.  Légitimistes, ils n’ont jamais eu le courage de se confronter au leader mais ils estiment que leur heure est venue. Cependant ils ne se voient pas partir aux élections sous la bannière de Naftali Bennett. En fait le leader de Yamina est surévalué dans les sondages qui le placent à quelques sièges du Likoud. Il s’agit de l’effet ras le bol de ceux qui à droite souhaitent du changement et qui ont marqué leur mauvaise humeur en le choisissant. Ils voteront autrement dans l'isoloir. Bennett a longtemps zigzagué pour trouver sa voie et il n’a pas le charisme d'un homme d'Etat pour attirer à lui les nationalistes de droite, bien ancrés au Likoud, qui ne sont pas prêts à sauter le pas.

            De cette analyse il en ressort qu’aucune formation n’arrivera à émerger sur un plan majoritaire. Les élections risquent de ne rien résoudre. Le tripartisme est entré dans les mœurs israéliennes. Il favorisera de longues discussions et de sérieux compromis avec à la clef une grande probabilité de trahisons qui restent le propre de l’esprit politique. Les sondages ont encore beaucoup de pain sur la planche et ils risquent de décevoir ceux qui prennent pour argent comptant ses résultats. La question fondamentale dont on ignore aujourd'hui la réponse reste l'avenir de Netanyahou. Pour cela, il faudrait prendre les services d'une voyante israélienne en contact avec les esprits.

Mise à jour du 3 décembre à 18 heures

Comme on le pressentait dans l'article, le ministre des finances Katz vient de contacter Benny Gantz pour lui demander un rendez-vous dimanche 6 décembre pour discuter du budget 2020/2021. Netanyahou semble renoncer à de nouvelles élections. Nous ne sommes pas au bout de nos surprises. On range les couteaux et on discute ! 

Cette avancée politique semble être la conséquence de la réunion secrète entre Benjamin Netanyahou et Benny Gantz, durant une quinzaine de minutes à l'aéroport ben Gourion, lors de la cérémonie marquant l'arrivée d'immigrants en provenance d'Éthiopie.


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