Le sultan d'Oman et le secrétaire d'état américain M. Pompeo |
Depuis mi-aout, la rumeur court que ce sera le cinquième pays à
nouer des relations diplomatiques. Or plusieurs paramètres changent. Les
Israéliens voteront pour la quatrième fois en deux ans, en espérant trouver une
stabilité politique dans une situation qui est instable et critique à tous
égards. Donald Trump sera remplacé par Joe Biden qui sera sans doute amené à
poursuivre la même politique au Moyen Orient. Une distanciation entre l’Arabie
Saoudite et les États-Unis semble se profiler, en raison du conflit au Yémen et
surtout si le président-élu veut mettre l’accent sur la morale et les Droits de
l’homme. Il aura fort à faire.
Le sultanat fait preuve d’un prudent équilibre. C’est l’un des
trois pays de la Ligue arabe à avoir refusé de prendre des mesures contre l'Égypte
en 1979, contrairement aux autres monarchies. Il a toujours respecté le droit
de l'Égypte d'officialiser ses relations avec Israël. Sa tolérance n’est donc
pas de circonstance. Ce qui en fait un pont possible entre les parties en
conflit, l’Iran, Israël, les Palestiniens, d’autres États arabes, les États-Unis
et la signature prématurée d'un accord pourrait faire échouer ses objectifs
pacifiques et diplomatiques avec certaines factions palestiniennes. Alors que
ce territoire, réputé ile de la neutralité, fait face à des défis régionaux et
nationaux, Mascate temporisera.
Le sultan d'Oman son Altesse Haïtham bin Tariq al-Said, |
Le facteur Iran est essentiel. Oman a toujours été l'État du
Conseil de coopération du Golfe (CCG) le plus sensible aux intérêts
sécuritaires de l'Iran. C’est le seul membre du CCG à être resté neutre pendant
le conflit Iran-Irak (1980-88) et le seul à s’engager dans des exercices
militaires conjoint avec l’Iran. Le sultanat a parfaitement compris que les
accords d’Abraham sont perçus par l’Iran comme une menace. C’est pourquoi ses
dirigeants pratiquent un savant équilibre dans les relations avec Téhéran et
Riyad. Les relations omanais-iraniennes anciennes reposent sur le respect et la
confiance mutuels. Le nouveau sultan Haïtham bin Tariq al-Saïd, tient à
maintenir ses excellentes relations, qu'un accord avec Jérusalem pourrait
mettre à mal.
Téhéran se méfie déjà des relations officieuses entre Mascate et
Israël, illustré par un rare exemple de critique publique par l’Iran après la
visite de Netanyahou à Mascate en octobre 2018. Les autorités ont une démarche
constante en vue d’une paix durable, un processus qui implique de nombreuses
années de diplomatie discrète. Le plan d'action global conjoint de 2015 a été
un résultat de cette politique. Mascate a facilité les pourparlers initiaux entre
les États-Unis et l'Iran en 2012-13. Vue par son gouvernement, la normalisation
avec Israël, même si elle est souhaitable, serait prématurée. La position
actuelle de Mascate est qu'un accord avec Israël nécessiterait un accord de
Jérusalem sur l’initiative arabe de paix.
L'amitié Iran-Oman |
Sa position lui permet de collaborer avec n'importe quelle
administration américaine. En retardant la reconnaissance d’Israël, les
dirigeants restent fidèles à la continuité de leur politique, Le nouveau
ministre des Affaires, Sayyid Badr bin Hamad al-Busaidi, la poursuivra. En
2003, il avait résumé la «voie omanaise» en déclarant : «Nous
essayons d'utiliser notre position intermédiaire entre les grandes puissances
pour réduire le potentiel de conflit dans notre voisinage immédiat (…) nous
pouvons créer un espace pour nos propres actions. Et de plus, et cela me semble
crucial, c'est précisément dans cet espace que nous - c'est-à-dire les petits
États - pouvons être capables d'agir d'une manière que d'autres ne peuvent pas»
Une déclaration du gouvernement publiée après l'annonce le 11
septembre de l'ouverture par Bahreïn de ses relations avec Israël, caractérise
l'approche prudente d'Oman : «cette nouvelle voie stratégique empruntée par
certains pays arabes contribuera à instaurer une paix fondée sur la fin du
conflit. L’occupation israélienne des terres palestiniennes et la création d’un
État palestinien indépendant avec Jérusalem-Est pour capitale». Son
gouvernement attendra de voir comment les accords d'Abraham seront appliqués.
On peut imaginer que les États-Unis et les EAU inciteront leur
voisin à franchir le pas, surtout si les difficultés économiques du sultanat s'aggravent.
Ce serait confondre vitesse et précipitation. L’État hébreu aurait avantage à
conserver le sultanat comme partenaire plutôt qu’un allié soumis aux États-Unis qui perdrait ipso facto son rôle
d’intermédiaire. Les Américains devraient soutenir la position de leur
partenaire de longue date.
En revanche, comment le nouveau gouvernement traitera-t-il l'Iran ?
Le sultan Haïtham bin Tariq a pris des mesures claires vers plus d'ouverture.
Les récents changements ont donné une première indication, forte, Il faut se
souvenir que l’Iran du Shah a aidé le sultanat à éviter une sécession dans les
années 1970. C’est dit-on, un lien fort qui subsiste. De même, les deux pays
sont riverains du Golfe persique et se font face.
Les pressions saoudiennes. La rébellion imâmiste, la révolution de
la Montagne Verte, la question de l'oasis de Buraymi et le cas récent du
gouvernorat de Mahra au Yémen sont autant de préoccupations qui pèsent sur la
politique interne. Oman est déjà présent sur la scène diplomatique syrienne.
Depuis 1970, le pays n’a jamais rompu les relations avec aucun pays. Par
pragmatisme, le seul au sein du CGC qui n’a pris aucune mesure contre Damas.
Le nouveau ministre omani des A.E. Sayyid Badr bin Hamad al-Busaidi |
Le nouvel ambassadeur omani, Turki Mahmoud Al Busaidi, a présenté
ses lettres de créances à Damas début octobre.
Le sultanat est le premier pays du CCG, depuis 2011, à l’avoir fait.
Mascate se positionne comme intermédiaire avec le régime d’Assad pour jouer un
rôle éminent dans le rétablissement des relations y compris entre les États-Unis,
la Syrie et pourquoi pas Israël et les Palestiniens ?
Collectionner de nouvelles adhésions a certainement des effets
médiatiques mais il faut parfois savoir refréner une mise en scène qui risque
d’avoir des répercussions sur le long-terme, qu’il faut anticiper. Pour Israël
il est sans doute plus avantageux d’avoir Oman comme un ami qui vous veut du
bien et avec qui on pourra construire l‘avenir. On ne peut faire la paix qu’avec
ses ennemis, car c’est avec eux qu’on fait la guerre. Ce qui est le plus
difficile, avec ses amis, c’est de le rester pour ne pas les perdre.
Notes
L’Ibadisme est aussi présent dans certaines régions du Maghreb,
notamment dans la région du Mzab en Algérie avec le Kharidjisme (dont est issu
l'ibadisme), dans l'île de Djerba en Tunisie, en Libye, ainsi qu’en Tanzanie et
au Kenya. Les ibadites ont leur propre école juridique. Ils se considèrent de
nos jours comme la cinquième école du sunnisme. L’ijtihad est réservé aux
savants et les ibadites ont leurs propres recueils de hadiths.
1 commentaire:
Un pays snobé par tous les gouvernements français successifs depuis De Gaulle. Il n'intéresse la France qu'en tant que pays de résidence temporaire d'Arthur Rimbaud.
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