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dimanche 4 octobre 2020

Mohamed Dahlan revient sur la scène palestinienne

 



MOHAMED DAHLAN REVIENT SUR LA SCÈNE PALESTINIENNE


Par Jacques BENILLOUCHE

Copyright © Temps et Contretemps



Dans une réunion organisée sous l’égide de la Turquie, le Fatah et le Hamas ont convenu d’organiser en Cisjordanie et à Gaza des élections législatives et présidentielle qui n’ont plus eu lieu depuis 2005. Aucune date n’a encore été fixée mais les différents clans s’organisent pour la prise du pouvoir et surtout pour le remplacement de Mahmoud Abbas. Mais à chaque occasion, on reparle de Mohamed Dahlan. Né dans le camp de réfugiés de Khan Younes à Gaza, il avait créé le Mouvement des jeunes du Fatah dans la bande de Gaza au début des années 1980. Arrêté par Tsahal, il a passé plusieurs années dans une prison israélienne ce qui lui a permis d’apprendre la langue et de nouer des relations avec les autorités israéliennes. 



Homme de confiance d’Arafat




Il avait été élargi à la suite des accords d'Oslo en 1993. Arafat l’avait alors nommé premier commandant de la Force de sécurité préventive de l'AP dans la bande de Gaza. Mais, il avait dû quitter Gaza pour Ramallah après la sanglante prise de contrôle de la région par le Hamas en 2007 et après l’effondrement de ses forces de sécurité. Il avait alors réussi à se rapprocher des cadres du Fatah dans plusieurs camps de réfugiés, ce qui avait augmenté la fureur de Mahmoud Abbas qui voyait en lui un concurrent sérieux.

Cela explique pourquoi l’ancien collaborateur de Yasser Arafat et ancien homme fort de Gaza, Mohamed Dahlan, avait été contraint à l’exil aux Émirats Arabes Unis en 2011. Grâce à son expertise sécuritaire, il y est devenu conseiller du prince héritier d'Abou Dhabi, Mohammed bin Zayed (MbZ).  Il a ensuite été jugé par contumace par un tribunal palestinien en 2016 et condamné à trois ans d'emprisonnement et à une amende de 16 millions de dollars pour corruption à grande échelle à Gaza. Il a, bien sûr, rejeté ces accusations mais ce procès lui a fermé les portes de Ramallah.

Dahlan, Sissi et MbZ

Cependant, il n’a jamais renoncé à revenir sur la scène palestinienne malgré l’opposition du président de l’Autorité palestinienne qui craint pour son poste. Ses adversaires l’avaient condamné pour corruption et ils l’avaient même accusé d’avoir joué un rôle dans la mort d’Arafat. Les spéculations n’ont jamais cessé à son sujet. Pour le décrédibiliser aujourd’hui, les dirigeants palestiniens prétendent qu’il a été à l’origine des accords de normalisation avec Israël, voire l’architecte ; une manière de mettre en avant sa «trahison» à l’égard de la cause palestinienne. Selon Abbas Zaki, membre du Comité central du Fatah : «Son rôle dans l'accord émirati-israélien ne le renforce pas, c'est plutôt une honte pour lui et cela a révélé son vrai visage». Les doutes, accentués par les rumeurs israéliennes faisant état de clauses secrètes dans les accords avec les Émirats, avaient été confirmés après la création de son mouvement Democratic Reform Current, faisant de lui l'un des rares Palestiniens à soutenir l'accord avec Israël. 

L’homme du Mossad et de la CIA

Dahlan en août 2005, lors d'une rencontre avec le Ministre israélien de la Défense Shaul Mofaz.

          Dahlan a souvent été considéré comme l’homme du Mossad et de la CIA, surtout après la déclaration de David Friedman, ambassadeur américain en Israël, qui vient de préciser à la presse que les États-Unis verraient d’un bon œil la candidature de Dahlan au poste de président de l’Autorité. Les dirigeants Palestiniens sont convaincus que Dahlan pourrait utiliser l'accord pour revenir sur la scène politique palestinienne.

Mahmoud Abbas fait tout pour briser l’ascension de son concurrent qui dispose de beaucoup de relais secrets en Cisjordanie. C’est pourquoi les forces de sécurité palestiniennes viennent d’arrêter en Cisjordanie sept de ses partisans sous des motifs uniquement politiques, selon Imad Mohsen, porte-parole de la faction Dahlan.  Les arrestations près de Naplouse ont concerné en particulier Haytham al-Halabi et Salim Abu Safia, hauts responsables proches de Dahlan. Il semble que la motivation ait été la déclaration de Dahlan s’attaquant à Abbas : «Ceux qui ne sont pas élus par leur peuple ne seront pas en mesure de diriger et d'accéder à l'indépendance nationale».

Les appels de Dahlan à de nouvelles élections l’ont rendu persona non grata auprès de l’Autorité : «Moi, Mohammed Dahlan, je suis convaincu que la Palestine a un besoin urgent de renouveler la légitimité de tous les dirigeants et institutions palestiniens, et cela ne sera réalisé que par des élections nationales globales et transparentes». Il s’agit d’un appel à la destitution de l’équipe d’Abbas dont les alliés, à l’instar de Nabil Shaat veillent : «Si Dahlan revient, il comparaîtra devant les tribunaux palestiniens pour corruption et atteinte aux intérêts nationaux palestiniens, et ne pourra pas se présenter aux élections».

Abbas Zaki a utilisé des mots plus violents : «Dahlan est un échec et un traître, et il n'a pas sa place dans la vie palestinienne. Son rôle dans l'accord émirati-israélien ne le renforce pas, c'est plutôt une honte pour lui et a révélé son vrai visage». 

Dahlan compte sur Trump

        Dahlan continue à s’activer sur le terrain. Ancien homme fort à Gaza, il a convenu d’un «accord d’intérêts» avec ses anciens adversaires du Hamas qu’il a pu convaincre en échange de fonds émiratis.  Il bénéficie par ailleurs du soutien de l’Égypte et de l’Arabie saoudite, ennemis jurés des Frères musulmans. Mais la tâche est difficile bien que de nombreux responsables palestiniens ne cachent pas en secret leur loyauté envers Dahlan. Ils espèrent que les États-Unis feront tout leur possible pour l’installer à la tête de l’Autorité palestinienne car il est le seul capable de faire sauter le bouchon de blocage pour une solution négociée avec les Israéliens.

Le général Keith Dayton met sur pied des troupes palestiniennes

Dahlan disposerait de troupes dormantes en Cisjordanie, équipées et financées depuis longtemps par la CIA, capables d’intervenir sous ses ordres. Mais jusqu’à présent les Américains ont refusé la violence et ont préféré un changement en douceur de la gouvernance à Ramallah sauf si Donald Trump décide d’en finir avec Mahmoud Abbas qui ne cesse de s’opposer à lui et à ses projets.

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