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dimanche 11 octobre 2020

L'Allemagne face au terrorisme antisémite domestique par Francis MORITZ

 

L’ALLEMAGNE FACE AU TERRORISME ANTISÉMITE DOMESTIQUE 

Par Francis MORITZ

 

Après l'attentat de Halle

Un an après Halle dans l’Est de l’Allemagne, on y commémore les victimes de l’attentat contre la synagogue. Le président du comité central juif, Josef Schuster, s’est exprimé avec beaucoup d’amertume. Il a rappelé que c’est uniquement grâce à une protection propre à la synagogue (caméra vidéo et porte verrouillée) que la vie de 52 fidèles a été épargnée. En revanche, deux passants en furent victimes. Sinon c’eut été le massacre du Yom Kippour !



Holger Stahlknecht

La police a failli, malgré plusieurs demandes faites à la police de la Saxe, cette dernière n’a pas mis en place les mesures de sécurité contrairement à d’autres régions allemandes (Berlin, Munich, Francfort). Cerise sur le gâteau, le Ministre de l’intérieur de la région de Saxe, Holger Stahlknecht, a déclaré que «l’obligation d’assigner plus de policiers à la protection des sites juifs, entrainerait des retards à satisfaire d’autres taches».  On est étonné d’entendre de tels propos dans la bouche d’un ministre de l’intérieur ! On fait difficilement plus antisémite et plus sournois en matière de propagande, surtout venant d’un officiel.

Parallèlement plusieurs ONG se sont réunies, sous une bannière intitulée «Halle contre la droite» en vue d’organiser plusieurs manifestations publiques, pour sensibiliser la population de la ville (250.000 habitants). Une tentative d’organiser deux minutes de silence à un croisement routier important en milieu de journée s’est soldée par un relatif échec. Peu de passants se sont arrêtés pendant que des véhicules passaient, avec la radio à fond. Ce qui est aussi une indication sur l’indifférence du plus grand nombre. Au delà de faire le constat que plusieurs centaines de personnes, dont des édiles de la ville et du personnel politique  ont manifesté leur solidarité dans les rues de la ville, ce qui est certainement réconfortant, il faut en tirer les leçons.

L'auteur de l'attentat arrêté

Les communautés juives ne se sentent plus en sécurité particulièrement dans les petites villes où des incidents plus ou moins graves continuent de se produire. On assiste actuellement à une forme d’émigration intérieure des plus jeunes des petites communautés vers les grandes villes où «on est moins visible» À terme, cela se traduira par une concentration des communautés dans les grandes villes.

Dans le même temps, l’islamophobie qui explosa lors de l’arrivée massive de migrants de 2015 évolue, mute vers un antisémite largement nourri par les sites d’extrême-droite sur les réseaux sociaux. Les théories complotistes classiques y sont très largement diffusées. La pandémie actuelle, exacerbe les problèmes sociaux et économiques, ce qui est utilisé par ces sites pour stigmatiser les Juifs comme responsables de l’aggravation de ces difficultés notamment économiques. L’argument est hélas bien connu !

La chancelière Angela Merkel a clairement constaté dans ses déclarations le problème de l’insécurité perçue par la communauté juive et la nécessité de prendre des mesures adéquates. Depuis la progression de l’AFD et son entrée dans les parlements régionaux, le problème est devenu plus compliqué. De fait, il y a plusieurs facteurs convergents : la virulence de ce parti et la propagation des thèses complotistes et antisémites sur les sites d’extrême-droite ou gauchiste et enfin l’apparition d’une situation relativement récente, la contamination de la police allemande par des éléments affiliés à l’extrémisme de droite.


Holger Münch

        Il y a peu, des mesures disciplinaires ont été prises en Rhénanie contre 29 policiers suspendus. Dans leurs échanges sur des groupes de chat, on a trouvé des photos d’Adolf Hitler, des croix gammées, des drapeaux du III° Reich, la photo fictive d’un migrant dans une chambre à gaz, entre autres. Des cas similaires se sont produits dans d’autres régions d’Allemagne. A telle enseigne que le président de l’office fédéral de la police criminelle Holger Münch a mis en garde tous les ministres d’intérieur régionaux sur le fait qu’aucune région n’est désormais à l’abri de cette situation. Bien au contraire, les services de sécurité constatent que le réseau d’échanges découvert tend à s’étendre à l’ensemble du territoire.

 C’est devenu un problème structurel. Cette situation ne peut que se compliquer, car la CDU a perdu la majorité qu’elle détenait. Certains de ses membres ont même composé avec l’AFD en vue d’accords dans les majorités régionales. Le départ prévu de la chancelière entraine une compétition pour sa succession et certains, sans le dire, sont près à une certaine complaisance ou tolérance avec l’extrême-droite. Au delà, la situation provoquée par la pandémie amplifie ces tendances.

Policier allemand d'extrême-droite

Alors que pendant ce temps, paradoxalement, des milliers de jeunes Israéliens, on parle de dix mille dégoutés par la politique israélienne et l’aggravation des problèmes économiques, ont quitté Israël pour Berlin, où ils trouvent un climat intellectuel, culturel et économique qui leur convient.

Toutes les récentes démarches en vue de réformer l’institution policière ont été bloquées, malgré la volonté du gouvernement fédéral de lutter contre cette situation. On assiste en Allemagne au développement d’un terrorisme domestique qui ne veut pas dire son nom, mais qui existe bel et bien.

Lord Rabbi Jonathan Sacks a un jour résumé ce phénomène à la Chambre des communes britannique: «Nous ne détestons pas les Juifs, disaient-ils au Moyen-Âge, seulement leur religion. Nous ne détestons pas les Juifs, disaient-ils au XIXe siècle, seulement leur race. Nous ne détestons pas les Juifs, disent-ils maintenant, seulement leur État-nation. L'antisémitisme est la haine la plus difficile à vaincre car il mute comme un virus, mais une chose reste la même: les Juifs, qu'ils soient de religion, de race ou d'Israël, sont des boucs émissaires pour des problèmes dont toutes les parties sont responsables. C'est ainsi que commence le chemin de la tragédie».

 

1 commentaire:

Marianne ARNAUD a dit…

Monsieur Moritz,

Voilà qui devrait apporter de l'eau à votre moulin :

https://lesmoutonsenrages.fr/2020/10/12/la-nostalgie-de-la-wehrmacht-et-de-la-gestapo-de-retour-en-allemagne/

Je serai curieuse de voir dans quelle mesure, qui que ce soit osera demander officiellement des comptes au gouvernement allemand, sur la dénazification de l'Allemagne après la guerre.
Il ne me faut pas beaucoup d'imagination pour deviner qu'il y aura encore bien des commémorations pleines de répentance en France, avant qu'une seule cérémonie de ce style ne se tienne en Allemagne où, contrairement au peuple français, le peuple allemand ne le supporterait pas !

Cordialement.