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dimanche 12 juillet 2020

Le Liban en ruines face à un pouvoir inerte


LE LIBAN EN RUINES FACE À UN POUVOIR INERTE

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps


Cabinet libanais
Il est difficile de se désintéresser de ce qui se passe à nos portes, avec un sentiment d’égoïsme vengeur. Le Liban, le pays qu’on a toujours cru qu’il serait parmi les premiers à engager des relations diplomatiques avec Israël, semble dépassé par les événements et ses dirigeants insensibles devant la situation économique dramatique dans laquelle il se trouve. Le pays est en faillite, le gouvernement aux abonnés absents et le président Aoun toujours droit dans ses bottes d’ancien général corrompu et traître à la cause chrétienne ; le général de Gaulle libanais est devenu rapidement Philippe Pétain après son alliance avec les Syriens et le Hezbollah.



La queue pour acheter des devises

      Israël s’intéresse au Liban voisin car une situation insurrectionnelle pourrait avoir des répercussions sur la sécurité au nord du pays. Nous ne pouvons pas rester indifférents alors que notre frontière pourrait s’enflammer et que des Libanais pourraient forcer nos barrages pour se réfugier chez nous. On avait déjà expérimenté cette situation à la frontière du Golan.
     Des organisations islamistes pourraient chercher à détourner l’attention des Libanais en engageant une aventure contre Israël.  Le Hezbollah est partie prenante dans la gestion du pays puisqu’il participe au gouvernement mais il reste discret pour masquer ses difficultés politiques. Cependant, il n’a pas renoncé à aider l’Iran à prendre le contrôle d’un pays dont l’armée régulière fait  illusion. La stabilité du Proche-Orient dépend de la stabilité du Liban.

Cela fait des mois que les Occidentaux préviennent que le naufrage économique est acté, que la famine est présente, et que l’économie du Liban est effondrée. Le gouvernement de Hassan Diab traîne à engager des réformes sérieuses sur la transparence, sur la lutte contre la corruption, et sur la réforme du système financier et bancaire pour permettre au FMI (Fonds monétaire international) d’apporter sa contribution internationale. Pendant ce temps, la population souffre et ne voit pas le bout du tunnel. La seule solution prônée par le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, est l’ouverture de relations étroites avec les pays de l’Est au lieu de se tourner vers ses amis arabes. Au contraire, la première mesure à prendre devrait concerner la neutralisation des Islamistes qui ont pollué le pays pour le transformer en un pays sous-développé.
Hassan Diab

            La livre libanaise ne vaut plus rien. Le dollar s’échange au-delà de la barre des 9.000 livres quand les bureaux de change daignent faire un effort et quand ils disposent de devises. La Bank of America estime que ce taux pourrait atteindre plus de 46.000 livres pour un dollar d’ici à la fin de l’année. Or, le taux de conversion irréaliste imposé par la Banque du Liban (BDL) aux changeurs agréés est quant à lui toujours fixé à 3.850 livres le dollar à l’achat et 3.900 livres à la vente. Cet écart est loin de la réalité mais le gouvernement a démissionné de ses responsabilités de sauvegarder l’intérêt général.
La débâcle de la crise économique a une incidence sur les emplois, l’épargne populaire, le pouvoir d’achat et plus généralement sur l’avenir du pays. Pendant ce temps, les dirigeants ne changent pas leurs habitudes à base de clientélisme qui pousse le Parlement à bloquer les  réformes législatives essentielles tandis que les autorités monétaires s’installent dans le déni de leurs erreurs. Les réserves en devises de la Banque Centrale s’effondrent. Les comptes en dollars américains ont été remplacés par des comptes en dollars libanais qui se déprécient chaque jour. Le Liban souffre d’un régime obsolète, fondé sur le partage du pouvoir entre communautés, alors qu’il faut un État civil axé sur le respect des institutions et la défense de l’intérêt général, garanti par un système judiciaire indépendant.
Les mesures gouvernementales, tendant à utiliser les réserves de la Banque Centrale  pour pomper des dollars sur le marché et abaisser artificiellement le taux de change, ont au contraire appauvri les Libanais. En renforçant les mesures de police visant le marché noir sur le marché des changes on a favorisé une pression haussière sur le taux de change. Le cauchemar actuel combine hyperinflation à 56,6% et pénuries ce qui n’encourage pas les investisseurs. Le gouvernement doit immédiatement lancer des réformes profondes en unifiant les taux de change, en assainissant les finances publiques, et en changeant de manière crédible le régime politique, pour pouvoir bénéficier d’un soutien international.
Mike Pompeo

Le Secrétaire d’État Mike Pompeo a bien lancé des menaces à l’Iran : «Le Hezbollah est une organisation terroriste. Nous appelons tous les États à le classer comme telle. Nous aiderons le Liban à sortir de sa crise et nous ne permettrons pas que ce pays soit dépendant de l’Iran. Nous ne permettrons pas à l’Iran d’approvisionner le Hezbollah en fuel et nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour imposer des sanctions aux membres de ce groupe. Nous continuerons d’exercer des pressions sur cette formation». Mais on peut difficilement croire Mike Pompeo alors que les États-Unis ont décidé de se désengager de la région. Ils hésiteront à s’engager dans le bourbier libanais.
Petite épicerie sans produits

Pendant que leur pays ne cesse de s’enfoncer dans la crise, de nombreux Libanais font leurs valises et se préparent à quitter leur pays parce que ceux qui restent manquent de tout, de médicaments, de nourriture et même d’électricité. Les magasins d’alimentation n’ont plus les moyens financiers de s’achalander en marchandises. Alors les Libanais profitent de la réouverture de l’aéroport international de Beyrouth pour rejoindre les pays du Golfe ou l’Europe. Les meilleurs partent, les islamistes restent.

Les prix des denrées alimentaires sont si élevés que les magasins ne peuvent plus se permettre de s’achalander. Les rayons des supermarchés sont vides de nombreux produits de base, tandis que la monnaie des Libanais ne sert plus à rien. 60% de la population vivra sous le seuil de pauvreté d'ici la fin de l'année. Une monnaie instable a entraîné des hausses soudaines des prix qui ont triplé, voire quadruplé. Alors la population tente de se protéger en se ruant vers les supermarchés pour s'approvisionner en articles, avant qu’ils ne soient plus en mesure de les acheter. La viande et les fruits sont devenus des produits de luxe. Il existe une crainte de pénurie de blé face à une monnaie volatile alors qu’il faut payer les importations en dollars américains. Certaines boulangeries ont fermé leurs portes faute de farine.
Rayons vides

Et face à ce drame, le ministre de l'Économie, Raoul Nehme, a profité de la situation pour augmenter le prix du pain subventionné de 1.500 livres à 2.000. A la suite de la pénurie de carburant pour les générateurs, l’électricité manque, les produits frais ne sont plus disponibles puisque les réfrigérateurs ne fonctionnent pas. Le prix du panier de huit produits alimentaires de base a augmenté de 56% et parmi eux le riz, le sel, le sucre et l'huile de tournesol. Les médicaments sont rationnés dans les hôpitaux quand ils ne sont pas disponibles.
Jean-Yves le Drian

Le Liban est un pays abandonné par les Occidentaux, par les pays arabes et par les pays du Golfe qui croulent sous les dollars. La France, qui a toujours parrainé le Liban, se contente d’incantations. Jean-Yves le Drian, ministre français des affaires étrangères estime que :  «Aujourd’hui, il y a un risque d’effondrement. Il faut que les autorités libanaises se ressaisissent, et je me permets de dire ici à nos amis libanais : nous sommes vraiment prêts à vous aider, mais aidez-nous à vous aider, bon sang!». Il reste fidèle au slogan : aide-toi et le Ciel t’aidera qui consiste à dire qu’avant d'en appeler aux Grands et les déranger, il faut savoir fournir les efforts nécessaires et tenter toutes les solutions possibles.

2 commentaires:

Marianne ARNAUD a dit…


Cher monsieur Benillouche,

Ayant compté beaucoup d'amis au Liban, souffrez que je cite Richard Labévrière qui, dans un article publié par le site Les Crises, en février dernier, écrivait :

"...Depuis 1860, date de la première intervention militaire française au Liban, depuis la confrontation récurrente des empires britannique et français au Levant et leur remplacement par les Etats-Unis, depuis la création d’Israël en 1948, cette région n’a cessé d’être le terrain de jeu d’intérêts étrangers aux habitants des Cèdres. La hantise des Etats-Unis, d’Israël, de leurs alliés européens et des pays du Golfe, est de voir le petit Liban s’émanciper des anciennes tutelles coloniales, de le voir sortir de sa situation d’Etat tampon et d’accéder à davantage d’indépendance et de souveraineté nationales. L’heure a sonné !..."

Très cordialement.

Naccache Albert a dit…

Richard Labévière et un ancien journaliste français qui navigue entre l’Iran (des mollahs), "le Tueur" en Syrie (Bachar al-Assad), le Hezbollah et le Parti National Social Syrien (PNSS).
Il avait violé l’embargo sur la Syrie en 2008 en interviewant Assad pour le compte de RFI, avant d’en être licencié. Il s’est alors réfugié au Liban, dans la banlieue sud de Beyrouth, fief du Hezbollah, et utilisé la télévision Al-Manar déclarée terroriste par la France. Pour Richard Labévière "émanciper" le Liban c'est le mettre sous la coupe du croissant chiite. Je pense que se serait la disparition complète du pays. On n'en est pas très loin, hélas!