LE BEST-OF DES ARTICLES LES PLUS LUS DU SITE, cliquer sur l'image pour lire l'article


 

lundi 12 février 2018

L'avancée spatiale du Maroc inquiète l'Algérie et l'Espagne



L’AVANCÉE SPATIALE DU MAROC INQUIÈTE L’ALGÉRIE ET L’ESPAGNE

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps



            

          Le Maroc a lancé son premier satellite de reconnaissance, baptisé Mohammed VI-A, dans la nuit du 7 au 8 novembre 2017. Le satellite a été lancé en orbite terrestre basse sur une fusée Arianespace Vega de Kourou, en Guyane française. Il est piloté à partir d'un centre d'exploitation près de la capitale Rabat. Depuis, les tensions régionales avec l'Algérie et l'Espagne sont exacerbées car le satellite Pléiade d’EADS Astrium a tout d’un satellite espion.



            Il ne s’agit pas du premier satellite marocain car le programme spatial marocain date de la fin des années 80 avec la création du CRTS (Centre Royal de Télédétection Spatiale) qui dépend de la Gendarmerie Royale. Ce centre est responsable de l’acquisition, l’archivage et la diffusion des données et images, en partenariat avec des institutions de recherche nationales et étrangères. Certaines indiscrétions font état de collaboration indirecte dans ce domaine entre Israël et le Maroc.
            Initié par le roi Hassan II, ce centre dont les ingénieurs ont été formés en Grande-Bretagne dans le cadre d’un accord de coopération, avait été conçu pour concurrencer son équivalent algérien l’ASAL. En 2000, le CRTS s’était allié à l'Université technique de Berlin pour construire le premier microsatellite Maroc-Tubsat, lancé le 10 décembre 2001, sur une fusée Zenit-2 ukrainienne depuis Baïkonour. L’expérience avait été peu relayée par les media car ce fut un échec. Le satellite, mal réglé sur des bandes de fréquences connexes, transmettait des images brouillées.

Maroc-Tubsat

            Le satellite Pléiade est un satellite de reconnaissance tournant autour de la terre sur une orbite basse. Sa caméra ne prend que des photos et non des vidéos, d’une résolution maximale de 70 cm. L’image n’est bonne que si elle est prise avec le moins de nuages possibles car le satellite ne dispose pas de radar pouvant pénétrer la couche nuageuse. La caméra ne peut fonctionner que dix minutes seulement et doit recharger ses batteries pendant plusieurs heures. 
      La transmission des images et les commandes du satellite se font au niveau du centre de traitement de Rabat et les transmissions sont cryptées ce qui limite l’interception des données. Cela est suffisant pour identifier des véhicules ou pour repérer les concentrations de troupes. Le même équipement existe chez les Émirats Arabes Unis ce qui ouvre des horizons d’échanges avec les Marocains.


            Le satellite marocain permet d’espionner des installations et de relever les positions GPS d’objectifs en Algérie, en Espagne ou au Sahara Occidental. Cependant le Maroc attise les tensions en étant le seul pays africain doté d'une telle technologie, après l’échec de l’Angola. En effet, seize heures après son lancement le 26 décembre 2017 depuis le cosmodrome de Baïkonour au Kazakhstan par une fusée ukrainienne, le premier satellite de l’Angola avait perdu le contact avec la Terre.
            La puissance spatiale africaine ne brille pas encore dans l’immensité de l’espace. Si officiellement, le satellite «espion» marocain doit permettre de lutter contre l’immigration clandestine ou le terrorisme, l'Algérie voit d'un mauvais œil le déploiement de cet appareil capable d'observer ses frontières. Le satellite Mohammed VI-A ne changera rien à la situation car le Maroc espionne l'Algérie depuis des dizaines d'années en achetant l'imagerie satellite militaire  sur le marché mondial depuis le début des années 90. Le CRTS accède aux données des satellites Spot, Ers et Landsat pour les besoins de l'armée marocaine. Le Maroc devrait lancer Mohammed VI-B, le second d'une paire de satellites d'observation de la Terre, en 2018.
            Le Maroc est le troisième pays africain avec un satellite de reconnaissance après l'Égypte et l'Afrique du Sud.  Il inquiète car à présent il peut obtenir des informations détaillées sur les installations militaires et les mouvements de troupes en Espagne et en Algérie. Il peut espionner le groupe séparatiste du Front sahraoui, le Front Polisario, qui maintient un cessez-le-feu précaire. Malgré les liens amicaux entre le Maroc et l'Espagne, les deux pays ont des rivalités sur le statut des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla et des petites îles et rochers en Méditerranée. L’acquisition du Maroc pourrait réduire l’avantage militaire de Madrid dans un conflit futur, bien que les deux pays soient aujourd’hui en bons termes.

            La course à la puissance régionale existe de longue date car l'Algérie et le Maroc présentent des idéologies et des intérêts concurrents. Les relations entre les pays sont tendues depuis des décennies ; d’ailleurs les frontières ont été fermées entre les deux pays. Le Maroc a construit une barrière de 100 km sur sa frontière orientale avec l'Algérie, et Alger aurait également construit un mur de haute technologie.
            Le Sahara occidental reste la question centrale qui sépare les deux pays, le Maroc reprochant à l'Algérie l'existence du Front Polisario. L'Algérie, de son côté, prétend qu'elle soutient le mouvement armé conformément à ses principes de défendre «les cas opprimés et justes dans le monde entier». Puisque le statut du Sahara Occidental reste non résolu, les deux adversaires cherchent un avantage dans la course à l'espace, en particulier dans la surveillance militaire. La connaissance des mouvements militaires implique une réponse plus efficace. En revanche, l’inquiétude de l’Espagne ne se justifie pas alors qu’elle dispose de frégates Aegis et d’autres moyens pour surveiller les agissements de l’armée marocaine.
Mur Maroc Algérie

            Il est un fait que la course spatiale est lancée entre le Maroc et l’Algérie, aucun des deux voisins ne veut se laisser distancer. D’ailleurs après Mohammed VI-A, l’Algérie a réagi en mettant sur orbite Alcomsat-1. Le 10 décembre 2017, l'Algérie s’est dotée de son premier satellite, lancé par la fusée chinoise «Longue Marche-3», depuis le centre de Xichang, dans la province du Sichuan. Mais les vocations des deux engins spatiaux sont complétement différentes. L'engin spatial algérien servira à la diffusion télévisuelle, les télécommunications d'urgence, l'éducation à distance, la communication entre les entreprises ou encore la navigation par satellite. Alcomsat-1 constitue une première en matière de coopération spatiale entre la Chine et un pays arabe.
            Cette mise sur orbite d'Alcomsat-1, permet à l’Algérie de faire son entrée dans le club encore très restreint, des puissances spatiales africaines au même titre que l'Angola et le Maroc. La rivalité régionale booste la conquête spatiale en Afrique. Entre les deux voisins, dont on connaissait déjà la course à l'armement, il faut désormais suivre de très près cette course à la conquête de l'espace. Le Maroc prévoit le lancement en 2018, d'un deuxième exemplaire de son satellite du même type. Et le chiffre que l'Algérie a accolé au nom d'Alcomsat laisse présager de la mise sur orbite d'autres engins. Ces lancements à répétition ont déplacé la peur dans le camp de l'Espagne, sur le qui-vive.
            C'est désormais un encouragement au continent africain pour la conquête de l'espace.


1 commentaire:

2 nids a dit…

toujours de bons articles...

autrement, on peut constater que les Marocains et les Algériens construisent un mur de plus de 100 km, et là, l'Europe ne crie pas scandal... par contre quand c'est Trump ou en Israel, qu'es ce qu'on entend pas...
De toute façon, ces murs coûtent très chers et sont-ils efficaces..? les problèmes sont ils résolus..?