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mercredi 16 mars 2016

La France est ingouvernable



LA FRANCE EST INGOUVERNABLE

Par Jacques BENILLOUCHE

copyright © Temps et Contretemps

Manifestation place République
            
          Il est difficile d’appréhender de loin une situation inextricable mais il ressort de ce que l’on a vu à notre dernier voyage en janvier 2016, de qui se lit et de ce qui s’écrit qu’aucune réforme ne peut être appliquée en France, sans susciter des remous et des blocages. Ce n’est plus une impression mais une réalité. La morosité règne dans les esprits alors que la France est un pays riche, avec de multiples ressorts économiques qui doivent permettre de surmonter une période difficile. La résignation a envahi tous les secteurs de la population.



Assemblée presque vide

            Les élus ne font rien pour tempérer cette ambiance. Parce que le parlement est aux ordres et occupé par des godillots, il ne dispose d’aucun pouvoir réel au point de se poser la question sérieuse de l’intérêt de cette institution. Les décisions ne se négocient plus dans l’hémicycle, dans les commissions ou dans les ministères mais dans la rue. Les syndicats, trop nombreux pour être efficaces sont plus occupés à se faire la guerre qu’à défendre les intérêts des salariés. Ils disposent d’un pouvoir démesuré par rapport à leur nombre d’adhérents. Ils ne voient plus les intérêts du pays mais l’intérêt d’un clan. Pourtant le pays, comme toutes les démocraties, a besoin de réformes pour éviter d’accumuler un retard qui ne cesse de se creuser, au fil des années, à coups de passivité, de reculade, d’inertie et de stagnation. La France est un pays ingouvernable.

            Le président, élu pour cinq ans, dispose d'un pouvoir démesuré et d’une majorité au parlement qui explose au fil du temps et pour cause. François Hollande a berné tout son monde, même ceux qui ont voté pour lui avec l’espoir qu’il améliore la condition des Français. On pensait qu’il s’était préparé à sa fonction et que son parti avait concocté des dossiers de réformes pendant tout le temps où il était dans l’opposition et que la droite gouvernait. Rien n’était prêt. La réforme fiscale, la réforme du travail, la réforme de l'entreprise, la réforme de l'administration et la réforme des universités ont été à peine abordées. Le gouvernement avançait les yeux bandés avec le seul objectif de ne pas faire de vagues. C’est à se demander pourquoi les énarques qui envahissent les ministères ont pu être aussi nuls. Un simple patron de PME en sait plus qu’eux et dispose de plus de méthodes parce qu’il vit tous les jours la réalité du terrain et la réalité des hommes. Et pourtant tout est à réformer, souvent dans la douleur. Mais si l’on ne tranche pas dans le vif, la situation perdurera ad vitam aeternam.
            Le chômage est la tare du pays. Il fait fuir de nombreux cerveaux à l’étranger. Et pourtant on pourrait s’inspirer de ce qui se fait ailleurs, dans les pays occidentaux modernes en matière d’éducation et de formation. Les universités perdent le tiers de leurs élèves dès la première année parce qu’on y interdit la sélection à l’entrée, une sélection non pas pour brimer mais pour orienter au mieux. Aux États-Unis et en Israël, le baccalauréat n’existe pas ou représente  simplement un diplôme de fin d’études secondaires qui ne donne pas, comme en France, un droit à l’entrée dans les universités d'autant plus que le bac est offert à 87% des élèves après avoir été dévalorisé au fil du temps. Pour éviter les échecs en cours d’études, dans ces deux pays le SAT (test d'aptitude pour accéder à l'enseignement supérieur) attribue une note qui vise à mesurer la  capacité de compréhension et de logique. Ce repère permet à toutes les universités d'évaluer le niveau global de chaque étudiant.
Technion à Haifa

            Le SAT n’est pas un test de connaissance mais une méthode qui permet de donner un score compris entre 200 et 800. Il est divisé en trois sections majeures : l'analyse de texte, la rédaction et les mathématiques. Il ne s’agit pas de vérifier le niveau du savoir mais d’évaluer les capacités de compréhension et d'analyse utiles tout au long des études et de la carrière professionnelle. Chaque université définit les conditions d’admission de ses élèves. Ainsi en Israël le Technion et aux États-Unis  l’université Princeton exigent au minimum 760 au SAT.
            En France les étudiants cumulent les échecs puisque 30% d’entre eux abandonnent dès la première année parce que la liberté d’accès est offerte à tous les détenteurs d’un bac dévalué. Les Grandes Ecoles constituent cependant une exception avec le principe du concours d'entrée. L’enseignement n’est pas en cause, il est l’un des meilleurs du monde mais les études ne sont pas récompensées. Les diplômés-docteurs sont payés au smic et fuient vers les laboratoires outre-Atlantique. Les Grandes Écoles génèrent une élite qui choisit elle aussi l’étranger car la valeur personnelle y est mieux rémunérée et l’ascension plus rapide. En fait l’université française forme des chômeurs ou des jeunes n’ayant aucun débouché concret sur le marché du travail. Alors quand le gouvernement parle de retraite, ceux qui recherchent un travail  se tiennent les côtes. Le gouvernement actuel, comme le précédent, n’ont apporté aucune solution pour résorber le chômage parce qu'il faut des mesures difficiles et courageuses à prendre.

            La sécurité sociale augmente tous les ans son déficit abyssal parce qu’aucune solution ne peut être envisagée sans que les laboratoires refusent de baisser le prix des médicaments, sans que les médecins rouspètent pour leurs honoraires, sans que les mutuelles ne se rebellent pour la baisse de leur profit ou sans que les salariés et les entreprises ne s’opposent aux hausses des cotisations. La France reste ingouvernable.
            Lorsque Benjamin Netanyahou est entré au gouvernement Sharon comme ministre des finances en 2002, l’économie israélienne était désespérée. Au bout de trois ans, elle a rivalisé avec celle des Grands. Le ministre a certes axé ses coups contre les plus démunis et les plus fragiles avec sa politique ultra-libérale. Les impôts ont été augmentés et les départs à la retraite ont été reportés jusqu’à l’âge de 67 ans. 
Netanyahou Sharon

          Mais les Israéliens n’ont pas bougé dans l'attente des résultats. Les syndicats ont cautionné les mesures prises. Le peuple s’est trouvé en adéquation avec sa décision de porter la droite au pouvoir. Il a voté pour elle et il ne pouvait pas se contredire dans son propre choix. Seul bémol, Netanyahou a réussi, l'économie israélienne va bien mais pas la population qui a peu bénéficié de l'essor économique puisque l'on compte encore plus de deux millions de pauvres.  
            Les Français votent en masse pour un régime mais changent d’avis au bout de six mois parce que les changements ne se concrétisent pas et qu’ils attendent tout de l’État. Ils manquent de patience. La fonction essentielle du bulletin de vote est pourtant de choisir puis de laisser le temps pour attendre les résultats en les sanctionnant le cas échéant au scrutin suivant. Cette attitude peut être taxée d’angélique mais elle dénote plutôt une certaine maturité politique. Or les Français élisent leur président, lui offrent une majorité confortable, mais ils empêchent le gouvernement, qui en est issu, de réaliser le programme pour lequel il a été élu. La France est ingouvernable.
            Nicolas Sarkozy, délaissé par son opinion publique, voué aux gémonies, n’a pas été réélu en 2012 parce que les électeurs voulaient du changement, mais avec des résultats immédiats. Ils ont donc fait jouer leur pouvoir de contestation toujours intact. Alors ils ont râlé puis ont manifesté dans l’isoloir leur impatience.
            La France n’est pas aujourd’hui gouvernée et fait du surplace. On en arrive à souhaiter un gouvernement fort capable de ne pas agir au son des slogans des manifestants, qui sache s’opposer aux perturbateurs et qui ne soit pas une girouette. Un autre ne fera pas mieux s’il ne change pas le logiciel de la gouvernance. La droite qui se prépare à prendre la relève doit déjà songer à son programme. On ne peut accepter un pays d’assistés qui ne veulent pas prendre leur sort en main. Comment peut-on faire pour que la France soit gouvernable ? 

3 commentaires:

Georges KABI a dit…

En Israel, ca a marche environ 5 ans, puis on est revenu au point de depart. Pas assez de gens travaillent, trop sont assistes, le niveau des etudes primaires et secondaires est en chute libre et les etudes scientifiques dans les universites sont en recul. Il manque en 2016 1,500 ingenieurs, ce qui encourage les firmes a delocaliser pour trouver ailleurs la main d'oeuvre qualifiee introuvable en Israel.
Et Bibi est toujours la, mais a change son fusil de l'epaule. Son souci absolu est de se maintenir au pouvoir coute que coute, quitte a constituer des gouvernements ou les assistes sont devenus les maitres du terrain. La France est ingouvernable, et Israel l'est-il plus?

Clô DI NATALE a dit…

Vous dites que le peuple en France empêche le gouvernement de faire les réformes pour lesquelles il l'a lui même élu. C faux. Hollande a été élu sur un programme qu'il n'a en rien appliqué, et sort de son chapeau des réformes qui sont très loin des valeurs de gauche qu'il est censé incarner. Le peuple en question, la jeunesse surtout, se sent trahi. Et tout le monde ressent ce déficit de cohérence, de vision, et ne peut faire confiance à de une telle navigation à vue.
Oui la France est peut être difficile à gouverner, mais encore faudrait-il qu'on puisse tenir un gouvernail, qu'on sache lui donner un cap.

Véronique ALLOUCHE a dit…

Qu'elles viennent de gauche ou de droite les réformes ont toujours connues des difficultés à être adoptées. Par principe le français est "contre", perpétuellement dans la contradiction. Il est ronchon, râleur, refait sans cesse le monde à condition que ce soit le monde qui s'adapte à lui. Pour aboutir à une quelconque réforme, et celle du code du travail est de taille, les politiques n'ont pas compris qu'ils devaient l'entreprendre sitôt les élections gagnées ou mieux encore, pendant le mois d'août où la rue serait désertée de tous manifestants. Les quelques parlementaires privés de vacances pourraient alors approuver les lois. Dans ces conditions la France serait gouvernable..... Faute de français pour cause de repos annuel....
Bien cordialement
Véronique Allouche