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mardi 8 mars 2016

Hezbollah : une véritable armée en ordre de marche



HEZBOLLAH : UNE VÉRITABLE ARMÉE EN ORDRE DE MARCHE

Par Jacques BENILLOUCHE

copyright © Temps et Contretemps

            

          Il ne fait aucun doute que le Hezbollah (Parti de Dieu) a beaucoup évolué depuis sa fondation en 1982. Créé sous l’impulsion de l’Iran, qui cherchait à étendre son influence au Proche-Orient, il a reçu le soutien actif des Gardiens de la révolution iraniens. Ils lui ont appris à s’organiser en groupe terroriste composé de cellules clandestines cloisonnées. Mais aujourd'hui, la branche armée du parti de la résistance islamique a dépassé la stratégie du groupe terroriste qu’il fut. Le Hezbollah est devenu une force armée structurée grâce à ses succès et à ses capacités à évoluer.




            Les Israéliens ne mésestiment plus cette armée qui s’est mise en ordre de marche car comme le disait Winston Churchill : «Mieux vaut prendre le changement par la main avant qu’il ne vous prenne par la gorge». Pendant qu’on raillait Hassan Nasrallah pour sa couardise à ne pas s'afficher en public, le mouvement se consolidait en fonction des événements du moment. Au départ il s’agissait d’un groupuscule qui n’avait ni zone d’influence, ni moyens matériels, ni cadres pour assurer la formation des nouveaux venus et ni logistique pour organiser des actions d’envergures. Le Hezbollah a évolué au cours des différentes périodes de son existence.
29 mars 1982 attentat le Capitole

            Il a d’abord recherché des actions voyantes capables de mobiliser les medias. De 1982 à 1990 il a développé des opérations suicides pour se distinguer des autres organisations terroristes. Il dépassa alors, pour les besoins de sa cause, sa qualification initiale de groupe de résistance islamique militaire pour cibler des victimes civiles plus faciles à atteindre. Il participa opportunément à la guerre civile libanaise pour réussir en 1990 à évincer son principal concurrent chiite, le parti Amal, une institution au Liban. Il augmenta ainsi ses moyens matériels et décida alors de concentrer ses opérations contre Israël uniquement.
            Il consacra les dix années suivantes, tout en perfectionnant son outil militaire, à former et entraîner au sud-Liban ses miliciens peu expérimentés. Il perpétra 300 attaques par mois qui servirent d'exercice pour les conscrits et qui causèrent un millier de victimes militaires israéliennes ce qui contraindra Tsahal à évacuer le sud-Liban en 2000. Ces opérations de guérilla permirent au Hezbollah de se structurer, de se perfectionner et d'étendre sa présence dans tout le sud-Liban, toujours grâce au soutien effectif des Gardiens de la révolution iraniens et aux moyens financiers déversés par l’Iran et la Syrie. 
          Il exploita la position statique de l’armée israélienne pour inaugurer sa nouvelle stratégie de guérilla. Il abandonna les attaques suicides et concentra ses miliciens sur des missions militaires de harcèlement en apprenant à user de l’effet de surprise. Le Hezbollah n’hésita plus à se mesurer à l’armée professionnelle israélienne pour galvaniser l’esprit combatif de ses troupes même au prix de pertes élevées dans une guerre asymétrique. Pour lui, les hommes ne manquaient pas.

            Mais déjà les moyens commencèrent à évoluer et les techniques s’inspirèrent de celles d’une armée régulière. Le Hezbollah obtint de l’artillerie, créa un service de renseignements et d’espionnage à l’image de celui d’Israël pour rendre difficiles les infiltrations d’ennemis au sein de ses cellules opérationnelles. Par sa politique de guerre d'usure, il réussit à obtenir le départ des troupes israéliennes en 2000, départ qu’il qualifia de succès. Mais la milice islamiste fut contrainte d’adapter sa nouvelle stratégie militaire puisque l’ennemi était dorénavant passé au-delà d’une frontière bien protégée.
            Le Hezbollah suivra ainsi les traces du repli israélien pour envahir toute la zone libérée et contrôler la totalité du sud-Liban en faisant face aux troupes israéliennes à la frontière. Il avait appris à connaître Tsahal et il était donc persuadé que le repli tactique d’Israël n’était que temporaire. Il mobilisa ses miliciens pour préparer une éventuelle contre-attaque en cas d’invasion. Durant six ans, de 2000 à 2006, il renforça sous l’œil incrédule ou dubitatif des Israéliens, ses moyens militaires en faisant l’acquisition de moyens antichars, en construisant  des bunkers très protégés, des tunnels et des dépôts d’armes souterrains, en truffant les routes de mines et en organisant la militarisation complète de sa région.
Blessé israélien à Bint Jbeil

            Tsahal comprit un peu trop tard qu’il était attendu durant la guerre du Liban en 2006, qu’il avait été piégé et que le Hezbollah avait provoqué son invasion par ses actions volontaires de harcèlement. La guerre de 2006, mal préparée, dura 33 jours et fit de nombreuses victimes militaires israéliennes. Elle mit en évidence l’état d’impréparation chronique des troupes israéliennes dirigées par un chef d’État-Major, ancien pilote, qui avait appliqué la doctrine inappropriée du tout-aviation. La tactique s’avéra inefficace pour neutraliser et éradiquer la puissance terrestre du Hezbollah. Cet échec relatif justifiera le remplacement du chef d’État-major par un terrien, Gadi Ashkenazi, qui réorganisa totalement les troupes d’active et surtout les régiments de réservistes qui subirent les plus fortes pertes durant la guerre par manque d’entraînement.
Passation des pouvoirs de Haloutz à Ashkénazi

            Tsahal avait alors axé son logiciel sur le principe d'une guerre de guérilla engagée par des terroristes à la petite semaine. Ce fut la surprise puisque, 4.000 roquettes furent tirées par le Hezbollah qui réussit à empêcher l’armée israélienne de s’emparer du bastion symbolique de Bint Jbeil. Malgré des combats violents, Israël n’est pas parvenu à éradiquer le danger du Hezbollah mais cette guerre permit d’éloigner les miliciens loin de la frontière israélienne. En revanche le prestige international de la milice fut rehaussé au point de devenir un acteur incontournable dans la région.
Enterrement au village Ansar au Sud-Liban mars 2016

            En 2011, le Hezbollah décida de s’impliquer dans la guerre de Syrie aux côtés de Bachar Al-Assad, et il délaissa temporairement ses actions contre Israël. Sur le champ de bataille syrien, il a montré ses capacités d’adaptation à un vrai combat, loin de ses bases et sur une échelle qu’il n’avait pas pratiqué jusqu'alors. On évalue ses combattants à plus de 3.000 qui subirent des pertes importantes face aux rebelles syriens et à Daesh dont il est l’ennemi irréductible. Mais il a appris à coordonner ses actions aux côtés d'une vraie armée professionnelle disposant d’une aviation et de moyens de surveillance du terrain. Cette armée lui a appris à organiser la sécurité de ses bases au Liban au moyen de matériel de haute technologie. Le Hezbollah est à présent bien équipé car il dispose actuellement de moyens de défense anti-aériens et même des drones. Ses combattants,  évalués à plus 40.000, disposent de 100.000 roquettes et missiles avec un rayon d’action de 200 kms.

            Le Hezbollah est devenu une véritable armée en ordre de marche selon Aman, le service des renseignements militaires israéliens. Cette transformation a été réalisée grâce à la participation du Hezbollah à la guerre de Syrie où ses troupes ont acquis une importante expertise. On s’attendait à ce qu’il soit affaibli par suite des pertes qu’il subissait mais sa participation au combat devenait une formation exceptionnelle sur le tas pour ses miliciens. Les officiers iraniens puis russes ont participé à cette formation qu’aucune école militaire ne pouvait  assurer en si peu de temps. Les troupes du Hezbollah ont ainsi appris au contact d’experts militaires étrangers.
            Benjamin Netanyahou est conscient du danger qu’il n’avait pas surestimé à la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU. Il sait que le Hezbollah a souvent réussi à transférer des missiles sol-sol, des canons anti aériens SA-22, des missiles sol-mer Yakhont P-800 et des drones de combat. Certains convois de matériel sont détruits par Tsahal  mais la frontière reste poreuse. Le premier ministre n’exclue plus une attaque surprise au nord de la Galilée. Le Hezbollah dispose encore de tunnels et il peut lancer une action d’envergure pour envahir un village ou une petite base militaire dans le but de forcer Israël à une nouvelle guerre comme en 2006. 
          L'Arabie saoudite est elle aussi consciente du danger puisqu'elle a convaincu le CCG (Conseil de coopération du Golfe) de classer le Hezbollah dans les organisations terroristes.

                Un scénario catastrophe a déjà été conçu par l’État-major israélien en incluant une attaque de missiles, l’évacuation des civils de la frontière libanaise, et même une attaque contre les villes israéliennes. Le nouveau chef d’État-major, Gadi Eizenkot, ne veut pas être pris de surprise et a prévu la riposte en créant une nouvelle division de commandos opérant au-delà des lignes adverses. Une nouvelle guerre imposée entraînera une incursion militaire en profondeur avec une utilisation de fantassins appuyés par les blindés, par l’aviation et par la haute technologie militaire. Le gouvernement libanais a déjà été informé des infrastructures qui seront détruites dans les premiers jours des combats pour désorganiser le pays. La dissuasion reste une arme conventionnelle très efficace mais Israël ne néglige plus le Hezbollah, devenu une véritable armée en ordre de marche.

2 commentaires:

Bernard NIVAL a dit…

Le Hezbollah ne se mettrait en marche que si l'Iran le lui demandait ,ce qui est très improbable dans les circonstances actuelles

Toutes les gueules patibulaires de la photo ne correspondent plus à l'image que veut donner le monde shiite....A moins que ce soit la différence entre Arabes et Persans

Marianne ARNAUD a dit…

Et, scénario catastrophe pour scénario catastrophe, s'il fallait être vaincu, autant l'être par "une véritable armée en ordre de marche", digne d'admiration !