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lundi 10 août 2015

L'HONNEUR D'UN PRÉSIDENT DANS UN CLIMAT DÉLÉTÈRE



L'HONNEUR D'UN PRÉSIDENT DANS UN CLIMAT DÉLÉTÈRE

Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps


La droite israélienne se radicalise. C’est une constatation qui peut aussi se vérifier dans les pays européens où la droite républicaine court après les nationalistes et les extrémistes d’extrême-droite pour garder ou reprendre le pouvoir, mais en perdant son âme. Les récents événements, liés à l’assassinat d’une jeune fille au cours du défilé de la Gay Pride et à l’incendie d’une maison palestinienne causant la mort d’un bébé, ont mis en évidence la montée des extrêmes en Israël.



Un militant nationaliste
 
Rivlin a perdu la bataille de Jérusalem au profit d'Olmert

La personnalité de certains dirigeants s’affirme souvent au contact de la réalité du pouvoir. C’est le cas du président de l’État, ancien président de la Knesset sous l’étiquette du parti Likoud. Il n’a jamais été un personnage marquant, presque terne dans ses fonctions antérieures. C’était pourtant un cacique du parti, élevé avec les valeurs du mouvement sioniste Betar créé par le nationaliste Vladimir Zeev Jabotinsky.  Rivlin était un pilier du parti, fervent partisan du Grand Israël, avec des racines plantées profondément dans le droit idéologique. En tant que président de la Knesset de 2003 à 2006, il a été parmi les adversaires les plus acharnés du plan de désengagement de Gaza engagé par Ariel Sharon.

Il s’est souvent montré libéral et démocrate mais les valeurs humanistes sur lesquelles il a été élevé, ont fait de lui aujourd’hui un ennemi du peuple de droite. Sa nomination à la présidence le 10 juin 2014 avait été fastidieuse alors que sa fonction est purement honorifique, sans réel pouvoir sinon celui d’une autorité morale. À l’instar du précédent titulaire de la charge, Shimon Peres, Réouven Rivlin ne veut pas seulement «inaugurer les chrysanthèmes». Il veut participer au débat national alors que le pays souffre de l’omnipuissance du premier ministre Benjamin Netanyahou et surtout de l’absence d’un dirigeant charismatique de l’opposition. Sa position de sage lui confère une auréole qu’il exploite pour se défaire de sa position d’extrémiste.

Un président converti

Ses partisans doivent être effectivement déçus car il a dévié de ses positions antérieures d’ardent défenseur du «Grand Israël» et des constructions dans les implantations et d’opposant irréductible à la création d'un État palestinien. Il avait adopté une attitude nationaliste en refusant, en mai 2009, de se rendre à l’aéroport pour recevoir le pape Benoît XVI qui était attendu à Yad Vashem car il ne voulait pas «accueillir un ex-membre des Jeunesses hitlériennes et de la Wehrmacht». Il avait ainsi adopté les positions de ses amis extrémistes dans un registre où on le l’attendait pas.


Mais le président a depuis mué car, ancien «faucon» du parti, il porte aujourd’hui les habits d’un homme d’ouverture condamnant le terrorisme juif et prônant le rapprochement entre les populations juive et arabe. Il a fustigé ouvertement le virage à l’extrême-droite de son parti dont il condamne la perte de ses valeurs libérales fondamentales. Il a donc été victime des attaques les plus acerbes de la part des membres de son propre parti Likoud dans le cadre d’une campagne ignoble le représentant en keffieh d’Arafat ou en officier SS nazi. Sur les réseaux sociaux, il est qualifié de «traître, président des arabes et des homos, un petit youpin honteux qui aime se faire sodomiser». Cela rappelle dramatiquement les événements de 1995 et les caricatures identiques qu’a subies le premier ministre assassiné Itzhak Rabin.
Rivlin à Kfar Kassem

En effet ses prises de positions modérées pro-arabes ont choqué l’extrême-droite. Le président israélien avait en effet, dès sa prise de fonction, estimé que Juifs et Arabes devaient tirer les leçons de la tuerie de 1956 qui s’était déroulée à Kfar Qassem au cours de laquelle la police des frontières avait tué 49 Arabes israéliens, dont plusieurs femmes et de nombreux enfants. Il avait ainsi démontré qu'il était le président de tous les Israéliens. Le Likoud n’avait pas apprécié que le président condamne sévèrement, dans des termes sans appel, le massacre perpétré par des Juifs : 
«Le meurtre criminel qui a eu lieu dans votre village est un chapitre sombre dans l’histoire de la relation entre les Arabes et les Juifs vivant ici. Un crime terrible a été commis ici. Nous devons regarder directement ce qui est arrivé. Il est de notre devoir d’enseigner cet événement et d’en tirer les leçons». 

Cette visite, violemment critiquée, avait été cependant considérée comme hautement symbolique puisqu’elle représentait une évolution positive dans les relations judéo-arabes.

Le président a réitéré dans sa page Facebook en arabe ses condamnations des terroristes juifs qui ont perpétré le crime de haine contre un jeune bébé palestinien. Il avait éprouvé de la «douleur à cause des hommes de mon peuple qui ont choisi le terrorisme et perdu leur humanité».  C’en était trop pour la droite dure qui a ciblé avec violence Réouven Rivlin. Le président du Likoud dans la ville de Beer Yaacov, Shimi Tal,  a écrit sur sa page Facebook : 
«Je pense que le président devrait être arrêté pour les choses sérieuses qui endommagent la sécurité de l'État et les citoyens d'Israël. Le président a franchi les lignes rouges. Seule une personne mentalement malade aborderait les medias du monde entier pour dire «mon peuple a choisi la voie de la terreur».

Cette attaque personnelle, qui a été confirmée, a été condamnée du bout des lèvres par quelques responsables du parti sans que l’exclusion de Tal soit exigée. Même s'il s'est excusé par la suite, le mal était déjà fait et les termes violents. 
Shimi Tal


Menaces extrémistes

          Rivlin représente aujourd’hui l’espoir du pays face à une opposition de gauche inaudible mais il est clairement menacé par les extrémistes de droite. Le président Rivlin a réagi négativement à la position de Benjamin Netanyahu sur le nucléaire iranien. Il lui a conseillé de ne pas affronter les États-Unis sur l’Iran car cela se ferait au détriment des intérêts israéliens, notant que des liens étroits avec Washington sont de la plus haute importance pour la politique étrangère israélienne.

          L’atmosphère qui règne en Israël est aujourd’hui dramatique car elle dépasse en acuité ce que le pays a connu en 1995 lors de l’assassinat d’Yitzhak Rabin. Certains hauts personnages de l’État ont peur que cela ne se reproduise, ont peur des incitations à éliminer Rivlin, ont peur d’une guerre civile naissante.



Rabin et Sheves
Cette inquiétude a poussé l’ancien directeur de cabinet de Rabin, Shimon Sheves, à prendre position en faveur du président de droite en l’apostrophant avec un message émouvant :
«Président Réouven,Tu es un vrai et peut-être le dernier qui, au sommet, parle vrai et comme un sage.Je suis fier de toi grand frère, de ton courage et de ton positionnement à maintenir ce qui est le plus important.Bonne santé. Fais-moi une faveur et dis à tes proches de te protéger.Moi j'ai échoué.»

            Ces quelques mots dramatiques témoignent d’une situation qui risque d’échapper aux dirigeants du pays. D'autres voix s'élèvent à l'instar de celle de l'ancien ambassadeur d'Israël, Arie Avidor : 
«Honneur au président Réouven Rivlin d'avoir eu le courage, au cœur d'une crise grave et confronté à la pusillanimité d'un exécutif défaillant, de porter seul et de maintenir haut le flambeau de la démocratie et des valeurs morales de l'État d'Israël en tirant l'alarme face à un danger mortel qui menace l'avenir de ce pays. Aveuglement, déni, mansuétude ou une combinaison des trois, telles ont été jusqu'à présent pour l'essentiel les réactions à l'égard des terroristes juifs. Leur idéologie délétère résonne de nos jours jusque dans les allées du pouvoir, relayée par certains éléments d'extrême-droite à la Knesset et au gouvernement. Gardez bien haut cette flamme, Monsieur le Président ! Bien au-dessus de la triste mêlée d'un gouvernement dénué, de par sa composante d'extrême-droite, de toute volonté politique à prendre toutes les mesures qui s'imposent face à la menace».

Le Likoud s’est donc radicalisé et le gouvernement est devenu l’otage des extrémistes de droite et des habitants des implantations qui dictent sa politique. Parce qu'il faut éviter à tout prix l'éclatement de la coalition qui ne dispose que d'une voix de majorité, pas un seul membre du parti ne s’est élevé officiellement contre les menaces de mort qui sont proférées contre le président de l’État. Certes ils estiment qu'il s’agit d’une minorité agissante mais il suffit d’un seul fou pour rééditer l’exploit de 1995.



3 commentaires:

Peggy CIDOR a dit…

excellent article. personellement, je pense que ce que le president Rivlin a reussi a faire, c' est de remettre a jour un discours de droite democratique et classique - il ne s'est pas departi de ses positions sur le Grand Israel (en tous cas pas officielement) et n'a pas adopte un langage de gauche - il a rappelle a tous les israliens - en tous cas ceux qui veulent ecouter - que dans une societe democratique, il y a de la place pour une droite respectueuse de la democratie et de ses valeurs, indiquant par cela que ce discours necessaire a pratiquement disparu des representants de la droite au pouvoir, sans parler de ceux qui carrement menacent cette societe. Rivlin a rendu un peu de l'honneur perdu de cette droite liberale qui respectait la justice, les lois et les decisions legitimes. loin de mes propres opinions (a gauche toute) mais tout a fait necessaires et justifiees dans une societe qui se veut diverse, libre, pour autant que les regles du jeu sont respectees. et dans l'Israel d'aujourd'hui - c'est - malheurereusement urgentissime!

Moshe Bar Eli a dit…

Et si R. RIVLIN était le de GAULLE dont Israel a besoin?

Sarah MAYER a dit…

Il a creusé sa tombe avec sa langue. Les extrémistes juifs n'ont rien à faire là-dedans ! S'il est incapable d'honorer la nation juive par ses propos il se doit demissionner. La course aux honneurs fait sortir l'homme de son monde. Pirke avot.